Matot - Massé
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Le sacre de la parole La Thora enseigne : ‘’si un homme fait un vœu au Seigneur ou s’impose par un serment une interdiction à lui-même, il ne peut violer sa parole. Tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir’’. Ainsi donc, la parole de l’être humain est sacrée. Il a le pouvoir, en prononçant un vœu, de vouer quelque chose à l’Eternel, soit un don, une offrande au Temple, ou encore de prononcer le ‘’herem’’, l’anathème des objets, et que par ce serment, il s’impose l’abstinence ou l’interdiction pour toujours ou pour un temps donné. Que ce soit sous forme de vœu ou de serment, son engagement est sacré. Pour la premier, parce qu’il est fait à D…, et pour le second, parce qu’il est fait au nom de D… . La différence entre le vœu et le serment est du même ordre que celle entre le commandement positif et la défense. Les kabbalistes déduisent de là que le ‘’neder’’(le vœu) a une portée plus élevée que le serment. Cependant nos maîtres du Talmud (Nidda 22 b) disent que le serment est plus élevé que le neder. Quoi qu’il en soit, la Thora nous ordonne de ne pas profaner la parole prononcée pour s’élever dans le sacré. Il nous est prescrit d’accomplir toute chose à laquelle nous nous sommes engagés par vœu, serment ou simplement par la parole. Comme il est dit : ‘’La parole sortie de tes lèvres, tu dois l’exécuter’’ . Ce chapitre relatif aux vœux et aux serments, introduit donc un commandement négatif (ne pas profaner sa parole) et un commandement positif (réaliser la parole donnée), et par delà, le concept nouveau qui relève d’un statut de loi, le sacre de la parole. A la réflexion, il n’est pas aisé de concevoir que la parole de l’homme soit investie d’un tel pouvoir, au point qu’il puisse s’imposer des abstinences ou interdictions, sous l’effet de sa parole. Certes, c’est le nom de D… qui confère un tel pouvoir à la parole de l’homme. Comme l’atteste la Thora : ‘’D… insuffla dans la face de l’homme un esprit de vie et l’homme devint une âme vivante’’. Cet esprit de vie, cette néchama, est synonyme dans la traduction d’Onkeloos, de l’esprit parlant. Ainsi, la Thora n’exclut pas l’opinion de nombreux psychologues selon lesquels, c’est la capacité donnée à l’homme de s’exprimer qui force et développe l’intelligence. C’est l’esprit parlant qui élève l’homme à la ressemblance de D… . Rappelons que c’est par le verbe que la création a été opérée par D… . Le verbe est en quelque sorte la semence divine. C’est cette vertu du verbe qui donne à l’homme le pouvoir créateur dans le cadre de la vie terrestre et qui peut l’élever jusqu’aux sphères cosmiques. C’est au vu de cela que la Thora nous met en garde contre la profanation de la parole et qu’elle a institué une législation pour le respect de la parole donnée et l’annulation du vœu et du serment formulé. Le Talmud (Nedarim 65 a) rapporte le récit suivant, qui met en scène Sédécias, roi de Judée, et Nabuchodonosor, roi de Babylone, pour illustrer la gravité de la violation d’un serment donné. Sédécias aperçut Nabuchodonosor en train de manger un lièvre vivant. Sur quoi, celui-ci dit : ‘’Jure-moi que tu n’en parleras pas, pour que cela ne soit pas connu.’’ L’autre le lui jura. Plus tard, Sédécias regretta, se fit délier de son serment et raconta le fait. Lorsque Nabuchodonosor apprit qu’on le méprisait, il convoqua le grand Sanhédrin et Sédécias. Il leur parla en ces termes : ‘’Regardez ce qu’a fait Sédécias : il a juré par le nom du Seigneur qu’il ne dévoilerait jamais la chose’’. L’autre répondit : ‘’Je me suis fait délier de ce serment’’. Nabuchodonosor demanda : ‘’Peut-on être délié d’un serment ?’’ ‘’C’est vrai’’, répondirent les Sages. Il demanda : ‘’Seulement en présence de celui que le serment concerne ou même en son absence ?’’ Ils lui répondirent : ‘’seulement en sa présence’’. Il leur dit alors : ‘’qu’avez-vous fait ? Pourquoi ne l’avez-vous pas dit à Sédécias ?’’ ‘’ Il les fit descendre de leur trône d’or et asseoir à terre ; frappés de stupeur, les anciens de la fille de Sion (terre d’Israël) ont répandu de la poussière sur leur tête, se sont revêtus de cilices’’. (Lam. II – 10). Rappelons que c’est Nabuchodonosor qui a détruit le Temple du roi Salomon le 9 av 3174, soit en l’an –586.
L’Homme et la Terre. « Et vous ne rendrez point coupable la terre sur laquelle vous demeurez » (Nbres XXXIV, 33). Ce verset évoque la Loi fondamentale de l’organisation de la nature sur l’ordre divin, et qui s’applique dans la stricte séparation des espèces. Celle-ci assigne à chaque espèce de la création, une sphère d’existence propre et une vocation particulière. La terre fut la première à violer cette loi au sein de la création. En effet, avant même l’avènement de la loi naturelle qui la régit, elle pèche par excès de justice. En nous référant à la parole créatrice, l’on constate que l’arbre aussi, devait avoir le goût du fruit, selon l’expression littérale du texte « arbre de fruit ». Mais la terre a désobéi et elle a fait sortir des arbres produisant des fruits. Le Midrach enseigne, : la terre eut le sentiment, juste en lui-même, que les hommes auraient besoin pour leur nourriture, d’une grande quantité de fruits, et ne voudraient pas attendre les années nécessaires à la croissance des nouveaux fruits, alors ils abattraient les arbres pour s’en nourrir ; ce qui provoquerait la disparition des espèces rapidement. Mieux vaut alors faire en sorte que les arbres n’aient pas le même goût que les fruits. Ce qui eut néanmoins pour conséquence que cet état idéal où l’arbre et le fruit ont le même goût ne se soit pas réalisé et depuis lors, la création souffre de cette imperfection. D’où il résulte que le fond ne s’harmonise pas avec la forme, la matière avec l’esprit et l’antagonisme règne entre eux. Désormais l’homme est appelé à faire le ‘’ tikoun,’’ ‘’ la réparation’’ comme l’expose d’une façon éloquente dans son commentaire, Rabbi Shimchon Raphaël Hirsch. « Et toi, fils de l’homme, respecte cette loi de l’observance de la nature, lorsque dans la poursuite de ta vocation humaine tu entreprends d’intervenir dans le circuit de la nature, en mettant ses ressources à ton profit, n’oublie pas que l’Eternel ne t’a autorisé qu’à servir et garder la création, mais non à troubler son ordre établi pour tes intérêts égoïstes. Ne l’oublie pas et ne tente pas d’intervertir cet ordre en transférant les forces inhérentes à une autre espèce qui en est distincte. C’est pourquoi, il t’est interdit d’accoupler des animaux d’espèces différentes, de procéder à la greffe d’arbres d’espèces différentes, de mélanger des étoffes d’espèces différentes, tel que le lin et la laine et enfin de cuire ensemble des aliments d’espèces différentes tels que le lait et la viande. » D’aucuns pensent que si la terre a pu aller à l’encontre des instructions de l’Eternel, c’est parce que la liberté créatrice régnait avant la fixation définitive de la loi naturelle, ce qui permettait aux éléments créés, une certaine marge de liberté. Aussi, lorsque l’homme aura à souffrir des conséquences de son méfait, la terre subira également la malédiction qu’elle a encourue pour s’être écartée de la voie qui lui fut indiquée. La force de la terre se trouve atténuée et elle produit moins qu’auparavant. Elle récidivera en ouvrant la bouche toute grande, pour recevoir le sang de Abel, ou pour l’engloutir complètement sans laisser aucune trace. La terre se rend ainsi complice du meurtrier Caïn (Sanh. 37b). La Thora fustige la terre et proclame que cette liberté de protéger le meurtrier en ensevelissant la victime innocente, lui sera ôtée « car le sang pervertit la terre, et la terre où le sang a coulé ne peut être lavée de ce sang que par le sang de celui qui l’a répandu. » (Nbres. XXXIV, 33). Nahmanide écrit, « la terre corrompue par le sang, ne produira que de mauvaises récoltes, aussi longtemps que le sang innocent ne sera pas expié ». C’est pourquoi, enseigne le « Sifra », ‘’la terre de peur d’être frappée par de nouveaux châtiments, ne voulut pas engloutir les Egyptiens lors de la traversée de la mer rouge jusqu’au moment où D… étendant sa main droite, lui fit la promesse de ne point la condamner.’’ Ainsi, la Thora fait apparaître clairement l’unité de la création unissant les hommes et la terre et dicte aux hommes « Vous ne rendrez pas coupable la terre ». Il est à remarquer que la Thora use du verbe « Hanof » qui désigne tout à la fois, la faute commise, la culpabilité et la condamnation qui s’en suit pour le mal causé ; ainsi que la responsabilité vis à vis de la collectivité pour le tort qu’on lui a occasionné. Enfin, le terme Hanof fustige l’acte hypocrite et la simulation.
L’origine de l’homme L’origine de l’homme a toujours éveillé l’intérêt et suscité la curiosité de la pensée humaine. Pourtant nulle preuve convaincante, nulle explication satisfaisante n’est venue combler ou apaiser cette recherche. L’ imagination fertile de l’homme vagabonde ici et là, émet des hypothèses, avance des arguments pour soutenir l’une ou l’autre théorie. Il n’en reste pas moins que l’irréversibilité du temps ne lui permet pas de soumettre le passé à l’examen. Les enseignements de la Thora par contre, n’accordent pas grand intérêt à ce qui a précédé la venue à l’existence de l’homme. C’est davantage sa finalité plutôt que son origine qui motive son questionnement. C’est là sa préoccupation première : ‘’Ayéka – où es-tu homme ? Quelle est l’orientation que tu t’es donnée ? Quel est le but que tu t’es assigné pour te réaliser dans ton existence ici-bas ?’’. La Thora s’attache au sens de la vie de l’homme, à sa réalisation active dans l’espace et le temps qui lui sont assignés. La quête de l’origine de l’homme demeure l’apanage de la science. Celle-ci ne s’implique pas dans la recherche des normes d’ordre éthique, moral ou affectif, mais uniquement dans la compréhension de la nature. Pour la Thora, l’homme est doté du souffle divin. Il est créé à la ressemblance de ce qui caractérise son créateur. Animé du souffle de vie déposé en lui par l’Eternel, l’homme s’en trouve anobli. C’est pourquoi l’homme doit aspirer à la spiritualité, à ce qui fait de lui un être élevé. A l’instar du premier homme, il doit répondre à la question de l’Eternel : ‘’Où es-tu homme ?’’. L’écho de cette voix résonne dans les profondeurs de son âme, dans son subconscient. Il est invité à se frayer le chemin de la vie, modulé au rythme du mode de vie que lui prescrit la Thora. Le danger qui le guette, c’est de voir son esprit soumis et inféodé à ses pulsions, à ses penchants de toute nature. Le réveil sera d’autant plus douloureux que la confusion de l’échelle des valeurs éthiques, morales et spirituelles l’aura submergé. Pris dans la tourmente et la confusion des pressions de toutes parts qui s’exercent sur lui dans la société qui l’environne, et le mode de vie qu’elle fait miroiter à ses yeux, il finit par être perverti, comme en témoigne la Thora à travers le récit de ceux qu’elle nomme ‘’les fils de la race divine’’ (Gen. VI – 2). Ces derniers trouvèrent que les filles de l’homme étaient belles et choisirent pour femmes toutes celles qui leur convinrent. C’est cette déchéance de « la femme objet » notamment, qui a conduit inéluctablement au déluge. Le danger qui guette l’homme, c’est d’oublier l’image divine qui est déposée en lui ; et plus douloureux encore, c’est lorsqu’il l’arrache et la rejette loin de lui, pour vivre sans foi ni loi. Nos Sages font remarquer que le règne animal fut créé en conformité avec sa volonté d’être. En d’autres termes, l’Eternel les a conçus selon le souhait exprimé par chaque bête selon son espèce, son aspect, ses facultés, ses caractéristiques. Comme si chacune de ces créatures avait la possibilité d’exprimer sa manière d’être. C’est ce qui ressort de l’expression du texte tel que :’’Que les eaux fourmillent d’une multitude animée…’’ (Gen. I – 20), ou encore :’’Que la terre produise des être animés selon leur espèce…’’ (Gen. I – 24). Par contre, à propos de l’homme, le texte souligne : ‘’Faisons l’homme à notre image , à notre ressemblance…’’ (Gen. I – 26) . L’homme n’est donc pas né comme il aurait voulu, mais selon la volonté du créateur. Aussi, l’ayant doté du libre arbitre et ayant fait de lui le couronnement de la création, l’homme peut occasionner par ses actes la déchéance et la destruction de toute la création, en s’insurgeant contre la volonté de son créateur. D’autant plus qu’il a été désigné comme le collaborateur de l’Eternel dans l’œuvre de la création. Enfin, rappelons cet enseignement de nos Sages dans ‘’Les Maximes des Pères’’, où il nous est enseigné : ’’Rabbi Eleazar Hakapar dit : c’est contrairement à ta volonté que tu fus créé, que tu vis, que tu meurs et que tu es appelé dans l’avenir à rendre compte de tes œuvres devant le Saint béni soit-Il’’ (Max. fin chap. IV). C’est parce qu’il en est ainsi que l’école de Beth Chammaï et celle de Beth Hillel, après avoir soutenu un débat prolongé d’une durée de deux ans et demi, en vinrent à la conclusion que si l’homme avait à choisir s’il aurait mieux valu pour lui de venir à l’existence ou pas, le conseil arrêté est de porter son choix sur la non venue au monde. Mais, qu’étant appelé à naître malgré sa volonté, il lui faut méditer ses actes. Ainsi donc, dès sa naissance, l’homme est appelé à assumer son existence en mettant en œuvre toutes ses aptitudes et les facultés déposées en lui par son créateur.
Grand Rabbin Chalom Benizri.
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