Chemot
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Les étoiles et le sable וְאֵלֶּה שְׁמוֹת בְּנֵי יִשְֹרָאֵל הַבָּאִים מִצְרָיְמָה אֵת יַֽעֲקֹב אִישׁ וּבֵיתוֹ בָּֽאוּ: ‘’Voici les noms des fils d’Israël venus en Egypte avec Yaakov ; accompagnant Yaakov, chacun vint avec sa famille.’’ (Ex. I – 1) Le Midrach (Chemot Raba I – 6) dit à propos de ce verset : les enfants d’Israël ont une importance égale à celle des armées célestes. Le même terme ‘’chemoth’’, noms, qui est mentionné ici, à leur sujet, est appliqué aux étoiles dans le psaume CXLVII – 4 : מוֹנֶה מִסְפָּר לַכּוֹכָבִים לְכֻלָּם שֵׁמוֹת יִקְרָֽא: ‘’ Il détermine le nombre des étoiles, à elles toutes Il attribue des noms’’. C’est ainsi que l’Eternel compte le nombre des enfants d’Israël lorsqu’ils descendirent en Egypte ; et, semblables en cela aux étoiles, ils reçurent tous un nom. C’est le sens du verset : ‘’Et voici les noms des enfants d’Israël’’. Il est deux manières de compter. La première s’applique à la quantité, ce qui importe c’est de connaître la somme de l’ensemble. Nulle attention n’est accordée à chaque élément isolé ; telles les pièces de monnaie dont on désire connaître le nombre. La deuxième s’apparente non à la quantité mais à la qualité. Chaque élément est considéré alors à part, tant dans sa nature que dans la vertu qui le singularise, tels des bijoux variés que l’intérêt et l’amour qu’on leur porte nous conduisent à les compter. Ces deux approches de dénombrement sont rappelées à propos des enfants d’Israël dans la Thora כִּֽי־בָרֵךְ אֲבָֽרֶכְךָ וְהַרְבָּה אַרְבֶּה אֶת ־זַֽרְעֲךָ כְּכֽוֹכְבֵי הַשָּׁמַיִם וְכַחוֹל אֲשֶׁר עַל־שְֹפַת הַיָּם ’’Je te bénirai inconditionnellement et Je multiplierai sans réserve tes descendants comme les étoiles du ciel et comme le sable qui se trouve au bord de la mer…’’. (Gen. XXII – 17) Toutes deux reflètent le grand nombre, mais soulignent cependant une différenciation dans leur nature et dans leur aspect. En effet, les étoiles qui parsèment le firmament sont disposées chacune séparément, chacune occupe la place qui lui est assignée par le créateur. Chacune forme un monde à part. La multitude des étoiles fait ressortir la variété merveilleuse de l’univers, une étendue infinie parsemée d’étoiles diversifiées par l’éclat et le reflet de leur lumière et de leur nature propre. C’est là l’image du peuple d’Israël fidèle à son patrimoine culturel et spirituel dont le dénombrement s’exprime en ces termes significatifs : כִּי תִשָּׂא אֶת־רֹאשׁ בְּנֵֽי־יִשְֹרָאֵל לִפְקֻֽדֵיהֶם(littéralement) ‘’Quand tu rehausseras la tête des enfants d’Israël selon leur nombre’’ (Ex.XXX – 12). Chacun des membres du peuple d’Israël est désigné par le mot ־רֹאשׁ’roch’, tête ; ce qui lui confère une importance toute particulière. Comme disent les Sages dans le ‘’Pirké Avoth’’,’’Maximes des Pères’’ (4 – 3) : ‘’Il n’y a pas d’homme qui n’ait son heure… sa place. Tout être a un rôle à jouer, utile pour le bien de l’humanité, ou non, pour son malheur’’. Chaque individu a ici bas un rôle à jouer, que nulle autre personne ne peut remplir à sa place. Chacun est appelé à actualiser toutes les virtualités que D… a déposées en lui. Aussi , tout comme les étoiles, Israël brille dans l’obscurité, montre sa valeur, sa force de caractère et son éclat dans la détresse. Comme les étoiles sont indépendantes les unes des autres, Israël garde son individualité sans se mêler aux autres nations et sans se laisser absorber par elles. Le sable par contre, bien qu’il soit composé d’une multitude de grains pris séparément, cristallisé avec d’autres, perd son individualité et se fond en un agglomérat compact, en une pierre. C’est à cela que s’identifie le peuple d’Israël, lorsque chacun de ses composants ne constitue plus une entité distincte. Il demeure néanmoins que l’union de tous les préserve dans leur identité et leurs vertus. Eu égard à cela, la tradition nous indique de ne pas utiliser des nombres réels quand on compte les fidèles, pour savoir si un quorum de dix adultes, le miniane, est atteint. La tradition s’est donc développée de citer le verset du psaume XXVIII – 9, qui compte dix mots: הוֹשִׁיעָה אֶת־עַמֶּךָ וּבָרֵךְ אֶת־נַֽחֲלָתֶךָ וּֽרְעֵם וְנַשְּׂאֵם עַד־הָעוֹלָֽם: ‘’Hochi’a eth ‘ameéha ou-varekh èth na’halatekha ouré’em vé-nassé ‘em ‘ad ha’olam’’, ‘’Prête assistance à ton peuple et bénis ton héritage, conduis-les comme un berger et soutiens-les jusque dans l’éternité.’’
Mon exil ‘’Yossef mourut ainsi que tous ses frères, ainsi que toute cette génération (Ex. I - 6). Il se leva un roi nouveau sur l’Egypte qui ne connaissait pas Yossef’’ (Ex. I -8). Le second livre de la Thora introduit l’histoire du peuple juif en soulignant que celle-ci plonge ses racines dans l’histoire universelle et familiale. Le texte marque cet enchaînement des événements naturels et logiques en mettant l’accent sur la cellule familiale dont le peuple juif est issu. Chaque enfant n’édifie son foyer qu’en tant que rameau du foyer paternel. ‘’C’est l’entente harmonieuse qui embrasse les générations dans une union chaleureuse et permanente qui constitue le secret ressort du peuple juif’’, dit le rabbin Chimchon Raphaël Hirsch. C’est là le sens du titre général de ce livre ‘’Chemoth’’ qui relate le premier exil du peuple juif et sa délivrance. Cet exil est annoncé par cette phrase sibylline : ‘’un nouveau roi se leva’’. Ce monarque d’une nouvelle dynastie poursuit une politique nationaliste. D’aucuns l’identifient à Ramsès II qui régna de -1300 à -1234 ; et selon certains historiens de -1347 à -1280. Le Midrach (Berechith Rabba I – 8) traduit la relation entre l’annonce de la mort de Yossef et la montée au trône du nouveau monarque, en concluant que c’est la disparition de la génération antérieure qui a entraîné la montée au pouvoir du nouveau roi et l’esclavage qui s’ensuivit. Aussi, tant que vivait un des membres de la grande famille de Yaakov descendue en Egypte, les Egyptiens n’avaient pas asservi le peuple d’Israël. Ce n’est pas uniquement la disparition des Justes et de leur mérite qui eut pour effet leur asservissement ; ce fut en premier l’attitude de la nouvelle génération née en Egypte qui en fut la cause directe. En effet, nous savons très bien que la descendance d’Avraham fut condamnée lors de l’alliance entre les morceaux, à l’exil, quatre cents ans durant. Par ailleurs, les enfants d’Israël ne demeurèrent en Egypte que deux cent dix ans. Le Talmud (Roch Hachana 25 a) interprète le verset du Cantique des Cantiques : ‘’c’est la voix de mon bien-aimé, le voici qui vient, franchissant les montagnes, bondissant sur les collines’’ (Cantique des Cantiques, II – 8), en attribuant le mérite ‘’franchissant les montagnes’’ aux patriarches, et ‘’bondissant sur les collines’’ aux matriarches. Rachi précise à ce propos qu’il est fait ici allusion au saut dans le temps de l’exil pour en réduire la longueur, et sous-entend qu’initialement le nombre des années prévu devait s’écouler entièrement sans être abrégé. Et néanmoins, elles furent décomptées depuis la naissance du patriarche Isaac. Comment expliquer cela ? Si la possibilité est donnée de raccourcir la durée de l’exil et de faire un saut dans l’espace temps, pourquoi recourir à un décompte à partir de la naissance d’Isaac ? Et si non, quelle est l’apport qui résulte du mérite des pères ? Peut-on penser, à D… ne plaise, qu’il puisse y avoir un revirement du décret divin ? Il convient alors de considérer que la notion de ‘’galouth’’, d’exil, ne peut être définie d’une manière globale. Elle s’applique différemment en fonction de la personne concernée. Il arrive qu’un individu perdu parmi les nations soit habité par le sentiment d’être installé chez lui, à la maison. Pour un autre, il peut lui paraître que bien qu’il soit bien établi à tous les niveaux, et qu’il ne manque de rien, malgré tout dans son for intérieur, il ait le sentiment aigu d’être en diaspora. La galouth, l’exil, n’est pas une notion politique ou économique. C’est pourquoi nos patriarches, bien qu’ils aient bénéficié des richesses et des honneurs, et que leur influence sur leur entourage était énorme, au fond d’eux-mêmes, se sentaient néanmoins en exil. C’est le mérite des pères eu égard à leur grandeur et en faveur du sentiment qui les nourrissait d’être en état d’exil, qui eut pour conséquence la possibilité de sauter par-dessus l’espace temps pour raccourcir l’exil et amener promptement la délivrance. Il en va de même pour la grande famille de Jacob descendue en Egypte. Ils avaient gardé un attachement viscéral au pays des pères. Pour eux, le fait de séjourner en Egypte temporairement, était déjà considéré comme un exil. Mais la génération qui leur a succédé avait perdu ce lien et ils commençaient déjà à se sentir Egyptiens. Ils s’assimilèrent et délaissèrent la pratique de l’alliance de la circoncision conclue avec la patriarche Avraham et à travers lui, avec toutes les générations à venir. Dès lors, nulle autre forme d’exil spirituel ne pouvait se substituer à celle d’un asservissement physique. C’est pourquoi, dès que Yossef mourut ainsi que toute cette génération, un nouveau roi se leva, et les pires décrets s’abattirent sur les enfants d’Israël.
Grand Rabbin Chalom Benizri.
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