Kora'h
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Korah Dans la tradition juive, la révolte de Korah et toute son assemblée contre la direction de Moïse, est considérée comme le symbole suprême de toute controverse qui n’est pas pour le nom de D… , tel que rapporté dans les Maximes des Pères (chap. V – Michna 17) : ‘’toute controverse qui est pour le nom de D… est destinée à se maintenir, mais si elle n’est pas pour le nom de D…, elle n’est pas destinée à se maintenir. Qu’est-ce qu’une controverse pour le nom de D… ? C’est la controverse de Hillel et Chamaï. Qu’est-ce que celle qui n’est pas pour le nom de D… ? C’est la controverse de Korah et de toute son assemblée. De plus, cette révolte a suscité de nombreux commentaires de nos Sages et provoqué des avis très divers quant aux motivations et au processus de sa manifestation, permettant de comprendre ce qui anime les antagonistes. De nombreux exégètes portent une attention et une analyse approfondies au premier verset qui introduit l’histoire de ce conflit. ‘’Korah fils de … prit parti avec Dathan et Aviram (v.1) ; ils s’avançaient devant Moïse avec 250 des enfants d’Israël (v.2)’’. Le choix du verbe ‘’lakoah’’, ‘’prendre’’, dans le texte présente une grande difficulté. En effet, qu’a pris au juste Korah ? Pour certains commentateurs, Korah se prit de jalousie à l’égard des dirigeants ; pour d’autres, il se prit à changer d’orientation et prit le parti de s’écarter de la communauté. Pour d’autres encore, il prit un châle (de prière) un talith, fait entièrement de laine azur, ou bien encore il a pris simplement ses amis avec de belles paroles pour fomenter des troubles. Quoi qu’il en soit, il prit à partie Moïse et Aaron, se déclarant ainsi révolutionnaire à leur égard, et se conduisant en véritable démagogue (La voix de la Thora), il leur dit : ‘’C’en est trop de votre part ! Toute la communauté, oui tous sont saints et au milieu d’eux est le Seigneur. Pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l’assemblée du Seigneur ?’’ Ainsi donc, Korah s’appuie sur un raisonnement fondé sur des exigences normales, sans plus. Il est naturel et logique de permettre au peuple de prendre part à l’activité publique pour faire en sorte d’empêcher les chefs de devenir des tyrans. De la sorte, Korah se présente comme un authentique précurseur des aspirations démocratiques. L’examen attentif de cette revendication, à priori bénigne, révèle d’une façon éclatante la mauvaise foi de Korah. Car il est bien évident que le peuple est loin de ne compter que des saints dans ses rangs. En vérité, Korah flatte les instincts primitifs de la masse et cache sous des prétextes fallacieux les véritables motifs des troubles qu’il fomente, à savoir la jalousie et l’envie. Ses acolytes n’étaient pas mus par les mêmes intérêts. Ces princes de la communauté d’Israël, ces hommes de renom, comptent parmi l’élite, mais ne sont pas animés par un objectif commun. Korah est un proche parent de Moïse et Aaron. De ce fait il croit avoir droit à des prérogatives, au même titre qu’eux, et se permet pour cela de mettre en doute la mission confiée à Moïse et l’accuse d’avoir usurpé le pouvoir. C’est pourquoi le soulèvement provoqué par Korah, la révolte qu’il mène, ne s’inscrit pas simplement dans un incident politique. Elle dépasse ce cadre parce qu’elle met en doute l’origine divine de la mission de Moïse et par là même, le caractère sacré de l’idéal dont Moïse est le porte-parole. C’est pour cette raison, dit Rabbi Chimchon Raphaël Hirsch, que l’Eternel va sévir d’une manière exceptionnelle, tel que le texte en fait le récit. Quant à Dathan et Aviram, originaires de la tribu de Reouven, ils se joignirent à l’émeute pour revendiquer leur droit à la direction du peuple, en qualité d’aînés des tribus. Certes, ce n’est ni en raison du rôle d’appartenance à la tribu des prêtres, ni à celui du droit de premier né, que D… a décerné le privilège à Moché et Aaron d’être à la tête du peuple. Dathan et Aviram sont des antagonistes de Moïse depuis l’esclavage en Egypte. Quant à On, fils de Peleth de la tribu de Reouven, il a compris assez tôt son erreur et la gravité de ses conséquences, et se sépara des insurgés. Le Midrach en attribue le mérite exclusif à sa femme qui l’a ainsi sauvé de la mort en lui disant :’’quel bénéfice retireras-tu de cette action ? Si Moïse l’emporte, tu ne récolteras que mépris et déshonneur, et si c’est Korah qui gagne la partie, il ne manquera pas de s’arroger le pouvoir absolu, et tu ne seras que l’esclave d’un maître irascible et ambitieux’’. Le Midrach cite à l’égard de cette femme : ‘’une femme sage construit sa maison ; mais une femme stupide la détruit de ses propres mains’’.(Proverbes 14 – 1). Où et quand eut lieu cette révolte ? Avraham Eben Ha Ezra estime que cette révolte eut lieu dans le désert du Sinaï au moment où Moché Rabbenou avait récusé le droit aux premiers nés au service sacerdotal, au profit des lévites. Korah et ses acolytes pensaient que Moïse avait agi de sa propre initiative. Nahminide conteste cette opinion et affirme que la révolte de Korah s’est produite juste après le retour des explorateurs de la Terre Promise et leur témoignage décourageant, dans le désert de Paran. En effet, une fois arrivés au désert de Paran, les enfants d’Israël avaient été éprouvés par les malheurs qui les frappèrent, suite à leur mauvaise conduite, tels que le feu de Taberah (XI – 1, 3) et l’événement de kivrat hataawah. Et Moïse n’avait pas prié alors pour faire annuler la sentence de l’Eternel, suite à la défaillance des explorateurs et à la condamnation de tout le peuple à s’éteindre dans le désert. Désappointés, les enfants d’Israël commençaient à murmurer à l’encontre de Moïse qui ne leur apportait que des ennuis. C’est alors que Korah trouva le moment propice et l’occasion idéale pour fomenter une rébellion contre la direction de Moïse, pensant que le peuple allait être attentif à ses arguments. (Tu nous a conduits en ce lieu sans tenir les engagements que tu avais pris, de nous donner un pays ruisselant de lait et de miel ; en fait, tu ne nous a donné aucun domaine. Bien au contraire, nous allons mourir dans le désert et être anéantis. Car nos descendants eux non plus, n’en sortiront jamais, et ta promesse aura été aussi vaine à l’égard des enfants que des parents). Voilà qui montre bien que c’est en cet endroit là qu’ils ont protesté et que cet événement se passe après la condamnation des explorateurs. Le Grand Rabbin Elie Munk dans ‘’La voix de la Thora’’, introduit l’histoire de ces troubles en décrivant la situation dans son contexte socioculturel. Il nous fait part de cette réflexion qui pourrait être à l’origine de cette lutte intestine au sein du peuple d’Israël naissant. C’est, dit-il, ‘’une époque des souffrances et de privations, qui entraîne infailliblement une sélection qui sépare l’élite de la collectivité. Cette dernière ne formant qu’un troupeau aveugle et sourd qui obéit aux mots d’ordre d’où qu’ils viennent. Une époque de souffrances est l’épreuve suprême d’une nation et lui donne son véritable visage, bien mieux que les périodes d’opulence et de facilité. Sans aucun doute, l’époque de Korah constitue un de ces moments cruciaux de la vie du peuple d’Israël où tout son avenir a semblé en jeu. Le Midrach dénonce comment Korah, en véritable démagogue, avait provoqué le peuple par des paroles insidieuses. Ainsi, entouré de 250 chefs revêtus d’un vêtement entièrement confectionné de laine bleu azur, Korah demande à Moïse si ces vêtements avaient besoin de tsitsith. Sur la réponse affirmative de ce dernier, Korah s’exclama :’’Comment ? N’importe quel habit devient conforme grâce à quatre fils de couleur bleu azur, et ceux-là entièrement teints en cette couleur ne seraient pas, de même, conformes ?’’ Korah insinuait par là que lui et ses comparses étant d’une âme noble et supérieure, pouvaient se dispenser de ces fils bleu azur imposés par l’Eternel. Korah aurait-il oublié la loi qui précise qu’un enfant né déjà circoncis, signe d’une distinction particulière, est néanmoins soumis à l’obligation de se laisser extraire quelques gouttes de sang à l’endroit de la circoncision. Korah posa également cette question à Moïse : ‘’une maison remplie de livres sacrés n’est-elle pas dispensée de mezouza ? ‘’ Moïse lui répondit qu’une telle maison devait être pourvue de mezouza. Et Korah se moqua de lui. ‘’Comment, dit Korah, les deux premiers paragraphes du Chema inscrits dans la mezouza suffisent pour mettre la maison en règle, et le rouleau de la Thora avec ses 278 paragraphes ne pourrait pas rendre la maison en règle ?’’ Et d’en déduire que de telles instructions insensées sont de pures inventions de Moïse. Korah n’étant pas en mesure de s’adapter à la perfection de pensée de Moïse qui savait très bien que la connaissance, même acquise en abondance, doit toujours aller de pair avec la soumission du cœur et de l’esprit à la volonté divine, comme le proclame le texte inscrit dans la mezouza. Le Midrach met également en valeur les manières provocantes de Korah à l’égard de Moïse, en l’accusant d’avoir énoncé des commandements cruels. Sur un ton railleur, Korah racontait : ‘’une pauvre veuve possédait un champ. Quand elle voulut le labourer, Moïse lui dit : ‘’il est écrit dans la Thora : tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne attelés ensemble’’. Lorsqu’elle voulut ensemencer son champ, Moché Rabbenou la mit en garde en lui rappelant cette ordonnance : ‘’tu n’ensemenceras pas avec des graines d’espèces différentes’’. Et quand vint le moment de la récolte, Moïse lui rappela cet interdit : ‘’d’achever la moisson aux coins de son champ et d’en ramasser la glanure’’. Et au moment de l’engrangement, il lui ordonna de prélever et offrir la première et la deuxième dîme. Cette pauvre femme reconnut que le droit était contre elle et donna tout. Et puis, n’y tenant plus, elle vendit son champ et acheta deux agnelles pour se vêtir de leur toison et bénéficier de leur produit. Mais quand elles eurent mis bas, le prêtre Aaron vint lui dire : ‘’donne-moi les premiers nés’’. A l’époque de la tonte, Aaron le prêtre, lui réclama les prémices de la tonte. Aussi cette femme se dit qu’elle n’avait pas la force de résister à cet homme et décida d’égorger et de manger les bêtes. Mais Aaron lui dit alors : ‘’tu m’en donneras l’épaule, les mâchoires et l’estomac’’. De rage, cette pauvre femme dit : ‘’je vais les consacrer à l’Eternel’’. ‘’S’il en est ainsi, répondit le prêtre Aaron, elles seront entièrement à moi’’. Et il les prit et s’en alla, laissant cette malheureuse femme veuve, en pleurs’’. Voilà, conclut Korah, ce que font Moïse et Aaron, en se cachant derrière le Tout Puissant. Certes, cette histoire est truffée de tous les arguments démagogiques dont usent tous ceux qui veulent soulever les masses contre la loi, dès cette époque là et jusqu’à nos jours. En effet, la critique des lois par Korah n’est pas fondée sur des raisons de principe du fondement de la loi et de sa portée sur le plan social et communautaire. Mais sur l’expérience d’un cas particulier d’une personne qui se heurte à la rigueur de la législation. Par ailleurs, Korah occulte sciemment dans le récit de cette malheureuse veuve, soit disant exploitée et dépossédée par les lois de la Thora, comment en vérité la Thora tient au premier rang de ses préoccupations la veuve et la protège par de nombreux préceptes, au même titre que l’étranger et l’orphelin. Korah sait que les calomnies de son discours, même si elles sont aussitôt démenties, auront finalement un impact qui lui profitera sur le plan personnel. Le poison qu’il aura injecté jouera en sa faveur, car il aura contaminé certains esprits qui conserveront des soupçons et jetteront l’opprobre sur le responsable de la loi. La loi elle-même est rendue odieuse à la communauté par le fait que l’opprobre est jeté sur son représentant. Ce n’est nullement la législation de la Thora qui est mise en cause ; les seuls coupables sont Moïse et Aaron qui l’ont falsifiée à leur profit. Ces multiples témoignages du Midrach montrent que Korah jugeait les mitzvoth d’un point de vue rationaliste et sur ce plan là, les mitzvoth s’offrent bien souvent à la critique. Mais en réalité, il ne convient pas de juger les mitzvoth avec les seuls critères de la logique humaine. Il faut les accepter comme émanant de D… . Et de ce fait, elles sont souvent inaccessibles à l’esprit humain.
La responsabilité individuelle et collective Un tribunal rabbinique ne peut prononcer la condamnation d’une personne au châtiment encouru suite au délit commis par un tiers, conformément au grand principe de loi fondamental énoncé en ces termes dans la Thora : ‘’…Chacun mourra pour son propre péché…’’(Deut. XXIV – 16). Cette règle s’applique-t-elle uniquement au jugement des hommes ou s’étend-elle également au jugement qui vient d’en haut, du ciel ? Cette question transparaît dans plusieurs textes à travers nos écrits et notamment dans l’épisode relaté dans la Thora, celui du soulèvement de Qora’h et de ses compagnons, à l’encontre de Moïse notre maître et du Grand Prêtre Aaron. Suite aux méfaits de Qora’h et de ses acolytes, D… dit à Moïse et Aaron : ‘’Séparez-vous de cette communauté, Je veux l’anéantir à l’instant !’’(Nombres XVI – 21). Croyant que cet ordre visait l’ensemble de la communauté d’Israël, Moïse et Aaron interviennent aussitôt auprès de l’Eternel : ‘’Quoi ! Un seul homme aura péché et Tu T’en irriterais contre la communauté entière. D… lui explique alors que seule était mise en cause la communauté constituée par Qora’h’’(Midrach Rabba , Nombres 18). Ainsi donc même le tribunal céleste se conforme au principe de loi :‘’Chacun mourra pour son péché’’. Cependant l’examen d’un certain nombre de passages bibliques laisse penser que des châtiments venant du ciel peuvent frapper des personnes innocentes, comme le font entendre certaines opinions :’’Lorsque l’ange de la mort pourchasse une masse de gens, il ne distingue pas entre le Juste et le méchant’’(Ex. XII – 22). Ainsi dans le décalogue nous lisons : ‘’…Car Moi l’Eternel, ton D…, Je suis un D… jaloux, qui poursuit la faute des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération pour ceux qui me haïssent’’(Ex. XX – 5). De même dans l’un des épisodes que connut le patriarche Avraham, D… apparaît en songe à Avimelekh roi de Guérar, et lui révèle le malheur qui le frappera s’il ne rend pas Sarah à son époux :’’…Et si tu ne la rends pas, sache que tu mourras toi et tous les tiens’’ (Gen. XX – 7). A la lecture de ces deux textes et bien d’autres encore, on pourrait craindre que le principe ‘’chacun mourra pour son péché’’ n’est pas respecté dans le jugement divin. Chimchon Raphaël Hirsch interprète le texte du décalogue en soulignant que le verbe ‘’pakod’’ prend le sens de ‘’se souvenir’’. Aussi dans le contexte, en jugeant l’acte de l’individu, l’Eternel se souvient, afin de tenir compte du passé de l’inculpé, de son hérédité, de son enfance difficile et de son éducation, et lui trouver des circonstances atténuantes, des motifs à décharge liés au mal que les parents ont pu commettre. Cette attitude relève de la loi de la responsabilité collective évoquée dans cette exclamation du patriarche Avraham : ‘’Loin de Toi d’agir ainsi, de tuer le Juste avec le méchant… Celui qui juge toute la terre serait-il un juge inique ?’’(Gen. XVIII – 25). Le patriarche Avraham désire comprendre : pourquoi le Juste doit-il partager le même sort que le méchant ? Avraham est conscient que les hommes sont solidaires les uns des autres, tant pour le bien que pour le mal, tant dans le bonheur que dans le malheur. Et de même que chaque personne est appelée à subordonner son bien-être personnel au bien-être commun, ainsi elle doit se sentir responsable de l’influence morale qu’elle peut exercer au sein de sa famille, de sa communauté et de la collectivité humaine. En contre-partie, sur le plan individuel la personne est portée par la société en rapport avec les bienfaits qu’elle apporte sur le plan matériel et moral, sur base du droit légitime de l’entraide sociale fondée sur la responsabilité et la solidarité collectives. C’est pourquoi les parents sont responsables de leurs fautes vis à vis de leurs enfants. Mais si ceux-là en subissent les répercussions , ils profitent en contre-partie et dans une bien plus large mesure, du mérite des pères.
La repentance Dans le premier chapitre consacré aux lois relatives à la repentance, Maïmonide se fonde sur l'enseignement de la Braïta rapportée dans le Talmud (Yoma 86 a). Rav Matia Ben Harrach, distingue les quatre types de rémission de péchés (kapparoth), et interroge Rabbi Eléazar ben Azaria, lorsque celui-ci était à Rome: Qu'as-tu appris à propos des quatre degrés de pardon, que Rabbi Ichmaël commentait? Rabbi Eliezer lui dit: on distingue non pas quatre mais trois degrés, et chaque niveau est accompagné de la Repentance. I-En ce qui concerne la personne qui a passé outre une ordonnance de la Thora et fait repentance, le pardon lui est accordé sine die, sur le champ, en se référant à cette parole du prophète Jérémie: ''Retournez fils renégats, je guérirai vos reniements; nous voici, nous retournons vers Toi, oui, Toi, D..., Eternel notre D...'' (Jér. III - 22). II-La personne coupable du non respect d'un interdit, et fait repentance, voit le pardon suspendu; les conséquences néfastes que le péché entraîne, ne l'atteignent pas , et le jour de Kippour lui apporte le pardon. Comme il y est fait allusion : ''Oui, ce jour là, il vous absoudra pour vous purifier de toutes vos fautes, face à l'Eternel vous serez purifiés''(Lév.XVI - 30). III-L'auteur de l'infraction des interdits qui entraîneraient son retranchement ou qui le conduiraient à la condamnation à mort décrétée par un tribunal rabbinique, suivant les modalités de son application, cette personne ayant fait repentance , n'en voit l'accomplissement qu'à la suite d'une part, de Yom hakippourim qui lui procure la suspension des conséquences néfastes, et d'autre part, les souffrances endurées réduiront à néant les transgressions dont il s'est rendu coupable. Et c'est alors que le pardon lui est acquis. C'est à cela que fait allusion le psalmiste en disant : ''Je sanctionnerai au bâton leurs carences; par des plaies, leurs torts'' (Ps. LXXXIX - 39). Mais, dit le Talmud, celui qui se rend coupable de la profanation du nom divin, ''hilloul Hachem'', sa repentance n'a pas l'impact suffisant pour suspendre le verdict, le jour de kippour ne peut lui apporter le pardon, les endurances et les repentances seules ne peuvent dissoudre le délit commis. Il faut réunir ces trois éléments pour obtenir la suspension du verdict et c'est la mort qui apportera le pardon. Comme dit le prophète Isaïe:''Ce tort ne sera pas absout pour vous avant que vous ne mourriez , dit l'Eternel...'' (Is. XXII - 14). Et c'est parce que le pardon n'est accordé qu’après la mort, que ce dernier degré d'infraction à la loi n'est pas dénombré dans la Braïta. Le rabbin Yossef B. Soloveitchik mentionne dans son livre ''Al hatechouva'' cet enseignement talmudique, et rapporte à la suite de cela les réflexions du Rabbin Kook qui avait éprouvé quelques difficultés à saisir le sens de l'enseignement de cette braïta. Ce qui le gênait, c'était la question de savoir quel est le sens de la suspension, de cette attente du jour de kippour, des endurances, de la mort. Le rabbin Kook connu pour son grand amour du prochain et du klal Israël, ne pouvait pas comprendre pourquoi la personne qui a fait repentance doit souffrir l'attente du pardon. De plus , comment peut-on décréter que la personne ayant fait repentance devrait attendre un jour déterminé ou une souffrance endurée? N'y a-t-il pas une repentance qui apporte un remède immédiat? Comme s'écrie le prophète Isaïe: ''... Paix, paix, pour le lointain et pour le prochain, proclame l'Eternel; Je le guéris'' (Is. LVII - 19). Au chapitre sept des lois sur la repentance, Maïmonide décrit dans un style poétique sublime, comment la repentance , le retour aux sources, ressoude le lien et rapproche les plus éloignés de leur source, le créateur. La personne ayant dévié de la voie de la Thora, retrouve la proximité de l'Eternel en un temps extrêmement réduit. Maïmonide insiste sur la haute valeur de la repentance qui brise les remparts qui séparent la créature de son créateur. L'être le plus repoussant, le plus condamnable, peut effectuer le retour vers l'Eternel rapidement et bénéficier de sa miséricorde. Nous devons conclure de cela, pour concilier nos sources d'enseignement et répondre à notre questionnement, que le pardon est en rapport étroit avec l'intensité et la profondeur de la repentance. Ainsi donc, l'enseignement de la braïta, tel qu'il nous est présenté, s'apparente à une démarche sincère de repentance, mais réalisée à un rythme lent; et c'est ce qui explique le report du pardon en fonction du temps et des événements que la personne traverse. Certes, le retour aux sources est sincère, intègre, qui conduit à la kappara., pardon, et à la tahara, à la purification. Comme dit le prophète, selon l'expression de la Thora: ''Oui, ce jour là Il vous absoudra pour vous purifier de toutes vos fautes''. Cette forme de repentance fait disparaître pour ainsi dire, les taches selon un processus lent de purification. C'est de ce cheminement que traite la braïta en rapport avec le mode de repentance choisi. Mais à un niveau plus élevé, lorsque le pécheur réclame au-delà du pardon de ses défaillances, l'exercice de la bonté de l'Eternel pour le délivrer et pour l'affranchir du péché, il en résulte, s'il est agréé, cette parole de l'Eternel dans la bouche d'Isaïe:''J'ai effacé comme une nébulosité tes carences, comme une nuée , tes fautes. Retourne vers moi, Je te rachète.'' (Is. XLIV - 22). Il n'est plus alors question d'une remise du pardon avec suspension. La sollicitude à l'Eternel trouve son agréation très rapidement. C'est là également la différence entre la repentance animée par l'amour et qui procède de la délivrance et de l'affranchissement de toute forme de rébellion à l'égard de la volonté de l'Eternel , et celle motivée par la crainte qui comporte une lenteur de temps et d'événement pour arriver à sa pleine maturation.
Grand Rabbin Chalom Benizri.
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