Pin'has

 
BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

Le M.L.F. avant la lettre !

Cette lecture nous fait part de la requête présentée par les filles de Tselofhad à Moché Rabbenou, qui porte sur les lois de l’héritage. Celles-ci se présentent devant Moïse et devant Eléazar le prêtre, devant les phylarques et toute la communauté, à l’entrée de la tente d’assignation et proclament : ‘’Notre père est mort dans le désert. Toutefois il ne faisait pas partie de la faction liguée contre le Seigneur, de la faction de Korah : c’est pour son péché qu’il est mort, il n’avait point de fils. Faut-il que le nom de notre père disparaisse du milieu de sa famille, parce qu’il n’a pas laissé de fils ? Donne-nous une propriété parmi les frères de notre père !’’

Moché Rabbenou déféra leur cause à D… . Et l’Eternel dit à Moïse : les filles de Tselofhad disent vrai.

Cet épisode peut servir de référence à toutes celles qui prônent et défendent les droits de la femme. 

Craignant d’être flouées dans leurs droits, les filles de Tselofhad entreprennent une action d’envergure pour réclamer ce qui leur revient. Le Midrach dit qu’elles n’avaient pas présenté leur demande en premier à Moïse, mais d’abord devant les chefs de dizaines. Et ceux-ci leur répondirent : ‘’c’est une question importante puisqu’elle touche aux lois de l’héritage. Il ne nous appartient pas d’en décider, mais à de plus grands que nous.’’ Telle fut également la sentence des préposés de cinquante, puis des préposés de cent et finalement des préposés de mille, auxquels l’affaire fut soumise et qui la déférèrent à la plus haute autorité, celle de Moïse. Celui-ci aurait pu décider immédiatement de la cause ; mais il tint à en référer à l’autorité supérieure à la sienne, à l’Eternel. 

A la question de savoir pourquoi les filles de Tselofhad ne s’étaient pas adressées à Moché Rabbenou en premier lieu, Rabbi Tanhouma dit : parce que Moïse s’était séparé de son épouse pendant quarante ans et qu’on lui avait présenté ces femmes, Mahla, Noah, Hogla, Milka et Tirstsa, dont la plus jeune avait attendu quarante ans pour se marier. Ces femmes n’avaient pas trouvé dans leur tribu de maris dignes d’elles. Comme en témoigne le Talmud (B.B. 120 a) : ‘’Les filles de Tselofhad étaient des femmes pieuses et sages et faisaient l’objet de nombreuses demandes en mariage de la part de célibataires de toutes les tribus. Le Midrach leur prête ces paroles comme leitmotiv à leur requête, elles disaient :’’ L’amour de D… n’est pas pareil à celui d’un père mortel, ce dernier préfère ses garçons à ses filles. Mais le créateur aime autant les femmes que les hommes, sa miséricorde s’étend à toutes ses créatures.’’ 

Il est généralement admis que les femmes de la génération du désert sortie d’Egypte, sont montrées comme le modèle par excellence. Nos Sages du Midrach leur ont adressé sans aucune hésitation, l’éloge de femmes justes dont le mérite a valu à nos pères d’être affranchis de la servitude en Egypte. Et c’est également par le mérite des femmes vertueuses que le peuple d’Israël connaîtra la délivrance messianique. Nos Sages soulignent que lors de l’épisode affligeant et déshonorant du veau d’or, les femmes n’y ont pas pris part. En effet, elles refusèrent de donner leurs bijoux pour la confection de l’idole, non parce qu’elles craignaient pour leur parure, mais parce qu’elles ne voulaient pas contribuer à l’idolâtrie en les offrant. A l’opposé, lorsqu’il s’est agi de dons pour le Tabernacle, elles ont participé largement et avec bon cœur et dévouement. Ajoutons qu’elles ne trempèrent pas dans la faute des explorateurs. C’est à leur sujet que nos Sages rappellent cette parole de l’Ecclésiaste :’’ veicha bekhol ellé lo matsati’’, ‘’parmi ceux-là, je n’ai point trouvé aucune femme’’. Le Midrach souligne l’analogie entre ‘’ellé’’, ‘’ceux-là’’, et, ‘’ceux-là sont tes dieux, ô Israël’’, qui rappelle le cri de ralliement des hommes qui ont pris part au péché du veau d’or, alors que les femmes gardèrent leur fidélité à l’Eternel. L’épisode glorieux des filles de Tselofhad qui nous est conté, met en évidence leur amour de la terre d’Israël, qu’elles chérissaient tant et pour laquelle ils luttèrent. Le témoignage du Midrach est éloquent à ce sujet. Il nous raconte qu’au moment même où les enfants d’Israël se lamentaient et se révoltaient en disant : ‘’donnons-nous un chef et retournons en Egypte’’, les filles de Tselofhad réclamaient leur droit d’héritage sur la terre d’Israël. Moïse leur dit : ‘’Les enfants d’Israël cherchent à retourner en Egypte, et vous, vous venez solliciter votre droit de possession de la terre d’Israël. Elles lui répondirent : ‘’nous savons qu’en fin de compte le peuple d’Israël s’attachera à son pays’’. C’est pour cette raison que le texte les présente en soulignant leur ascendance jusqu’à Yossef, qui avait un amour si grand d’Israël qu’il fit prêter serment à toute sa famille de ramener ses ossements en terre d’Israël.

L’examen du texte nous permet de saisir l’approche remarquable avec laquelle les filles de Tselofhad présentèrent leur requête. Le texte souligne que toutes les filles s’avancèrent ensemble, et non en déléguant l’une d’elles ou par l’entremise d’un quelconque représentant. Et ce devant toutes les instances de la justice. On remarque également à la lecture que leur comparution devant la justice s’est faite en deux étapes. Elles s’approchèrent des juges ensemble pour faire bonne impression, puis elles se tinrent à bonne distance pour présenter leur requête et exposer leurs arguments afin de se faire entendre. Les filles de Tselofhad n’exposent pas d’emblée leurs revendications. Elles introduisent leurs propos par le récit de la situation familiale qui a engendré l’objet de leur requête, à savoir qu’en l’absence d’un fils, leur père n’aurait pas de terre qui porterait son nom et tomberait dans l’oubli. Pourquoi les filles ne pourraient-elles pas jouir du même droit d’être les héritières de leur père en l’absence d’un fils ? Ainsi donc leur préoccupation ne porte pas sur l’héritage d’un bien, mais sur celle de perpétuer le nom de leur père, et par là, de leur famille si attachée à la terre d’Israël.      

 

La qualité d’une direction 

Doit-on choisir la direction élective ou l’autorité souveraine ?  La première s’applique à l’élu du peuple ou d’un conseil représentatif. Porté au pouvoir, l’élu désigné déploiera tous les efforts pour se mettre à la disposition de ses électeurs, les servir et leur dispenser tout le bien, et flatter leur personne. Désireux de s’acquérir la faveur populaire et attirer la sympathie, il se contentera en définitive de veiller au grain. L’autorité souveraine nommée par le pouvoir suprême, libérée de toutes les contraintes d’une direction élective, peut se consacrer à son vrai rôle, diriger le peuple et le conduire au but assigné. Une telle direction tient les rênes du pouvoir et mène le peuple d’autorité au risque de nuire à sa popularité et d’être confronté à des mouvements d’opposition et de contestation. Néanmoins, il ne fléchira pas pour renoncer à ses objectifs ou modifier sa ligne de conduite. Une société démocratique optera en toute logique pour la direction élective, alors que celle attachée à la voix de la Thora choisira l’autorité souveraine. En effet, lorsque l’Eternel dit à Moïse : ‘’Monte sur cette hauteur des Abhârim …. Tu seras recueilli par ton peuple’’(Nbres XXVII - 12, 13), Moïse sollicita de l’Eternel : ‘’Que le D… des esprits de toute chair institue un chef sur cette communauté qui sorte devant eux et passe devant eux, qui les fasse sortir et qui les fasse entrer, afin que la communauté de l’Eternel ne soit pas comme un troupeau sans pasteur’’ (Nbres XXVII -  16, 17). L’Eternel répondit à Moïse : ‘’Prends pour toi Josué fils de Noun homme animé d’esprit, et impose ta main sur lui. Tu le mettras en présence d’Eléazar le prêtre et de toute la communauté et tu lui donneras des ordres devant eux…. C’est sur son ordre qu’ils partiront, sur son ordre qu’ils entreront, lui-même aussi bien que les enfants d’Israël et toute la communauté (Ibid. v. 18 à 21). Dans ce dialogue Moïse décrit l’image du chef qualifié pour cette tâche. Celui-ci devra selon l’expression :‘’sortir devant eux et passer devant eux, les faire sortir et les faire entrer’’(Nbres XXVII – 17). 

‘’Sortir devant eux et passer devant eux’’ revêt un caractère de servitude, celui d’une mission, d’une représentation. En d’autres termes, se mettre à la disposition du peuple, être son porte-parole et son délégué. Ce sont là les charges de l’élu du peuple.

‘’Les faire sortir et les faire entrer’’ s’apparente à un dirigeant désigné par une autorité suprême. Il conduit le peuple à ses objectifs, distribue les rôles et trace la voie. Ne tenant pas compte de l’opinion du peuple et de ses aspirations, il impose ses directives et le conduit à son plein épanouissement et développement sur le plan national, culturel et éthique. Moïse aspirait à ce que le dirigeant qui viendrait après lui unisse en sa personne et en sa nature, les deux attitudes réunies : se mettre à la portée du peuple et lui imposer ses directives sans restrictions. Moïse représentait ce modèle. Il fut tout à la fois tel le berger conduisant son troupeau dans le désert, le menant paître d’autorité avec grâce et bonté. Ainsi en fit-il à l’égard des enfants d’Israël. Moïse souhaitait que son successeur porte en lui les attitudes d’une direction élective et d’une autorité souveraine. Cependant l’Eternel n’a pas agréé sa demande et lui désigne un successeur en la personne de Josué : ‘’Prends pour toi Josué fils de Noun, homme animé d’esprit’’. Et pour ce qui est du modèle de l’autorité dirigeante, D… souligne : ‘’C’est sur son ordre qu’ils partiront, sur son ordre qu’ils entreront, lui-même aussi bien que les enfants d’Israël et toute la communauté’’.

Ainsi donc D… n’a pas fait choix de la direction élective mais de celle de l’autorité souveraine avec pour restriction : ‘’Tu le mettras en présence d’Eléazar le prêtre et de toute la communauté et tu lui donneras des ordres devant eux. Le Grand-Prêtre interrogera pour lui l’oracle des orim devant le Seigneur’’. De la sorte toutes ces sorties et ces entrées ne se feront que sur l’ordre indiqué par les orim et toumim, l’illumination des lettres et leur liaison sur le pectoral du Grand-Prêtre. C’est là le dirigeant idéal dont a besoin le peuple.

Certes le dirigeant désigné par l’autorité suprême ‘’qui les fasse sortir et le qui les fasse entrer’’ convient le mieux. Celui-ci se consacrera à montrer la voie et à former progressivement le peuple dans l’échelle des valeurs exigées. Cependant un guide de cette nature ne craignant nullement le peuple et ses récriminations, peut être conduit à étendre sa domination sur le peuple et faire régner la terreur. Pour éviter une telle manifestation, l’Eternel ordonne à Moïse : ‘’Tu le mettras en présence d’Eléazar le prêtre et de toute la communauté et tu lui donneras des ordres devant eux. Le Grand-Prêtre interrogera pour lui l’oracle des orim devant le Seigneur’’.

A la lumière de la distinction que nous avons établie entre l’expression ‘’sortir devant et passer devant’’, allusion à la direction élective, et celle de ‘’faire sortir et faire renter’’ qui s’apparente à l’autorité souveraine, nous pouvons comprendre le texte se rapportant à la royauté de David : Le roi Salomon après avoir été élu, éleva cette prière à l’Eternel dans laquelle il exprime cette demande : ‘’Donne-moi donc de la sagesse et du discernement, afin que je puisse aller et venir à la tête de ce peuple, car autrement, qui pourrait gouverner un peuple aussi considérable que celui-ci ? D… répondit à Salomon : ‘’Puisque telle a été l’inspiration de ton cœur, que tu n’as demandé ni des richesses, ni des trésors, ni des honneurs, ni la vie de tes ennemis, ni de longs jours, que tu as seulement demandé pour toi de la sagesse et du discernement pour gouverner mon peuple sur lequel Je t’ai fait régner, la sagesse et le discernement te sont accordés ; et Je te donnerai de surcroît des richesses, des trésors et de la gloire, tels que n’en ont eu les rois qui t’ont précédé et que n’en aura personne après toi’’(II Chroniques I – 10 à 12). Nous remarquons que D… a passé sous silence expressément la mention ‘’que je puisse aller et venir à la tête de ce peuple’’, indiquant par là que la volonté de l’Eternel n’est pas de porter le choix sur la direction élective, mais sur l’autorité souveraine animée d’esprit de l’Eternel.

  

Un jour ,  un Rabbin….

Discours du Rabbin Chalom Benizri lors de sa nomination au titre de Grand Rabbin.

Je suis honoré aujourd’hui du titre de Grand rabbin, un titre dont je redoute le surcroît de responsabilités et la lourde tâche. Ce titre m’a été conféré par l’assemblée des membres de notre communauté, au terme d’un parcours jalonné de nombreux repères édifiés dans une parfaite entente et harmonie. Par ces réalisations communes, je me sens grandi, par votre reconnaissance, je suis aujourd’hui annobli.

A travers notre action, nous avons appris à nous attacher comme par des lanières des tefiline de la main, et au travers de l’esprit, c’est vous qui aujourd’hui me couronnez des tefiline de la tête.

En ce jour, je me sens l’âme de ces jeunes enfants d’Israël délégués par Moïse notre maître, pour  présenter des offrandes à l’Eternel ; A propos de ces jeunes appelés ‘’néharim’’, le Midrach ‘’le kahtov’’ dit que ce sont les Sages tenus en éveil (nehor) par l’application scrupuleuse, les mitzvoth. Ainsi d’ailleurs est traduit le mot ‘’nahar’’, jeune, dans le verset : 

‘’Israël est jeune et je l’aime, dit l’Eternel. Je l’aime pour la jeunesse, pour l’éveil, le zèle et l’ardeur qu’il manifeste dans la pratique des mitzvoth’’. Et cela est le propre du Sage d’Israël. Aussi, est-ce la raison pour laquelle Moïse rétorque au Pharaon lorsuqe celui-ci propose de n’emmener que les hommes pour offrir les sacrifices à l’Eternel :

‘’Avec nos jeunes et nos vieillards, nos garçons et nos familles, nous irons’’.

Car c’est celle-là, la fête pour D…

Quand les jeunes et les vieux avec leurs garçons et leurs filles se tiennent la main et lorsque les anciens marchent soutenus par l’enthousiasme des adolescents.

A la question du pourquoi Moïse notre maître a placé ‘’naherenou’’, nos jeunes, avant ‘’zelenénou’’, nos vieux, vient la réponse : c’est pour désigner les Sages qui n’ont pas perdu l’ardeur de leur jeunesse ; Et puisque aujourd’hui vous me reconnaissez cet attribut de ‘’nahar’’ associé à celui de ‘’zaken’’, sage, au travers du titre dont vous m’honorez, je peux vous dire que plus que jamais notre devise communautaire sera ‘’avec nos jeunes et nos sages, avec nos garçons et nos filles, nous marcherons’’. Ainsi consacrerons-nous désormais toute fête de l’Eternel ;

Je voudrais appeler la bénédiction de l’Eternel sur cette assemblée et ses nobles représentants. Je ne voudrais pas me confondre dans des paroles de gratitude qui ne seraient certainement pas à la hauteur de mon émotion et de ma joie aujourd’hui. 

Je me permets d’insister auprès du Grand Rabbin d’Israël, Eliahou Bakchi Doron Chalita, afin qu’il vous adresse en mon nom sa bénédiction, et que par la vôtre, je sois à mon tour béni. 

Quant à votre serviteur, il me revient de conclure la cérémonie de ce jour, en prononçant la bénédiction pour sa Majesté le Roi des Belges et le royaume de Belgique, ainsi que pour l’état d’Israël.

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.