Métsora
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Chabbat Hagadol Le Chabbat veille de Pessah porte le titre de ‘’Chabbat Hagadol’’, en raison du miracle qui eut lieu ce Chabbat, précédant la libération des enfants d’Israël d’Egypte. En effet, la tradition nous enseigne que l’ordonnance de la Torah relative à l’acquisition de l’agneau pascal et tout ce qu’elle comporte, se déroula le 10 du mois de Nissan, qui fut un samedi. Comme le décrit la Michna, ‘’chaque famille acquit un agneau et l’attacha au vu et au su de tous les Egyptiens, chez elle au pied du lit ; le garda pendant trois jours, sans que nul n’osât intervenir. Puis, le jour prévu, elle l’égorgea en plein midi, tandis que son sang était répandu sur le linteau et les poteaux des portes des maisons. Rôti au feu, cet agneau était ensuite consommé en public, tout entier, la tête avec les jarrets et les entrailles, et pour marquer le mépris avec lequel on le traitait, il fallait le manger tout entier jusqu’au matin, et le restant était consumé par le feu’’. Ceci, comme on peut l’imaginer, fut un spectacle déshonorant et sans précédent aux yeux du peuple égyptien. Car il était de notoriété publique, que toucher à un agneau ou à une chèvre, était tout aussi grave que de porter atteinte à l’honneur des dieux égyptiens et entraînait la peine de mort. Le spectacle du traitement infligé à la divinité choyée des Egyptiens, sans crainte de leur réaction, démontre d’une façon éclatante la foi et le courage qui animaient les enfants d’Israël dans leur volonté et leur aspiration d’être affranchis de l’esclavage et de se mettre à l’écoute des commandements de l’Eternel. Aussi le Chabbat veille de Pessah qui marque cette date historique, est qualifié de ‘’grand’’. Il faut souligner cependant que le choix du terme ‘’grand’’ de préférence à tout autre qualificatif, s’inspire de l’expression de la Haggadah de Pessah ‘’ouv’mora gadol’’ ‘’dans une grande révélation’’, à savoir la manifestation de la Chékhina, la gloire de l’Eternel. Comme il est dit (Deut. IV, 34), ‘’fut-il jamais une divinité qui essayât de venir tirer à elle un peuple du sein d’un autre, par des épreuves, des signes, des prodiges et des combats ; avec une main puissante et un bras étendu, par de grandes révélations, comme tout ce que l’Eternel, notre D…, a fait pour vous, en Egypte, sous vos yeux ?’’ Ainsi, la manifestation de la Chékhina appelée’’ la grande révélation de l’Eternel’’, à travers les signes précurseurs de la libération d’Egypte, n’a pas pour unique dessein de soumettre le Pharaon et de le contraindre par la force à obéir à l’injonction de l’Eternel de libérer le peuple , mais a pour but essentiel de répondre à cette déclaration du Pharaon : ‘’je ne connais point l’Eternel et je ne renverrai point Israël’’. En effet, nul n’ignore qu’à la suite des faits miraculeux produits par l’Eternel à la vue du Pharaon, celui-ci n’a pas courbé l’échine et ne s’est pas décidé pour autant à renvoyer le peuple juif d’Egypte. Certes, D… aurait pu le contraindre sur le champ et sans ménagement à obéir à sa volonté. Mais tel n’était pas le but visé, car le Pharaon ne s’obstinait pas dans son refus de libérer les enfants d’Israël pour une raison économique uniquement, à savoir , garder une main-d’œuvre sous son emprise, mais il était mû également par une motivation idéologique, celle de ne pas répondre à l’ordre de l’Eternel, qu’il refuse de reconnaître. C’est pourquoi, D… a multiplié et varié les plaies en Egypte, pour mettre un terme à toutes les velléités du Pharaon et surtout de lui faire savoir que D… est présent dans sa création. C’est cela qui est désigné par ‘’ouv’mora gadol’’ ‘’la grande révélation’’, qui se traduit par ‘’la manifestation de la présence divine’’. Et c’est de cela que témoignent les enfants d’Israël ce chabbat 10 Nissan, lorsqu’ils obéissent à l’ordre de l’Eternel, en accomplissant la mitzva de l’agneau pascal. Cette grandeur manifeste de l’Eternel dans sa révélation, a rejailli sur ce chabbat hagadol, à l’instar du rôle éminent qu’occupe le chabbat dans la conscience juive qui atteste et témoigne de l’Eternel et de la création qu’il gouverne selon sa volonté.
Pessah La haggada de Pessah, ou le récit de la sortie d’Egypte, occupe une place prépondérante dans le séder, le déroulement de la nuit pascale. Bien des événements de l’histoire du peuple juif sont évoqués ce soir là, à travers les gestes rituels, traditionnels et familiaux. A cette mémoire collective vient se greffer l’épisode marquant d’une épreuve vécue ça et là sur le plan individuel ou familial. Et comme par enchantement, chacun des détours de l’histoire s’insère dans le destin collectif du peuple d’Israël et dans cette espérance de voir se réaliser la promesse de l’Eternel faite au patriarche Avraham de nous libérer de toutes formes de servitude. A travers la lecture de la haggada, nous nous mettons sur les traces de ces deux émissaires, Moïse et Aaron, le prophète et le prêtre, mandatés par l’Eternel pour accomplir une mission extraordinaire, celle de se présenter au pharaon, roi d’Egypte, et de lui transmettre cet ordre de l’Eternel : ‘’Laisse partir mon peuple’’. Mais la réponse du pharaon est cinglante : ‘’Qui est D… pour que j’écoute Sa voix et pour laisser partir Israël. J’ignore D… et je ne laisserai pas partir les enfants d’Israël.’’ Le dialogue engagé semble à jamais brisé. La fracture est profonde entre le pharaon, incarnation de la tyrannie, et la volonté de l’Eternel, l’Etre absolu, en quête de sa créature humaine. Le pharaon ignore délibérément le D… qui octroie la liberté ; et bien plus, il désire usurper le pouvoir du Tout Puissant. La narration des événements à travers la haggada, nous montre que le pouvoir de l’être humain ne peut être absolu. Il demeurera tout relatif, conduira à l’abus d’autorité et finira par mener à la violence et au mal parce qu’il échappe au contrôle du principe sur lequel il se fonde, et s’éloigne de la source qui l’alimente, celle de la liberté dans le respect de l’éthique et du bien universel. La haggada de Pessah nous rappelle le don de ce concept donné à l’humanité et qu’elle ne peut acquérir que si elle est mue par une volonté de réalisation dans un noble projet d’avenir. En effet, le principe de liberté ne s’inscrit pas dans l’ordre de la nature créée ; il ne résulte pas non plus de la succession des événements qui font l’histoire. C’est pourquoi il fait l’objet, dans la conscience juive, d’un commandement, d’une mitzva, dont seul le pouvoir d’obéissance permet à l’humain d’être accompli et de connaître le plein épanouissement, tant sur le plan individuel que collectif. La sortie d’Egypte nous apprend que le principe de la liberté est pour ainsi dire, transcendant. Il relève du devoir d’être, et de toute personne. Il est le fruit de son œuvre lorsqu’il est mu par le désir de le cueillir. C’est dans cet esprit que la Thora qualifie le fête de Pessah, celle du passage effectué, de la négation de l’être, de son asservissement vers sa réalisation, porté au pied du mont Sinaï pour y recevoir la Thora. C’est pourquoi nos Sages interprètent l’expression employée par la Thora pour désigner la lettre gravée sur la pierre ‘’harout al haloukhoth’’ en ponctuant le mot ‘’harout’’ autrement, pour le lire ‘’hérout – liberté’’. C’est dans la volonté de s’inscrire dans la lettre gravée, que l’on acquiert la liberté. J’ajouterai que le mot ‘’atsmaouth – indépendance’’ peut se lire en deux mots ‘’étsem oth – le corps de la lettre’’. C’est dans le contenu, dans l’esprit de la lettre, que s’exprime la liberté. Et c’est pourquoi d’ailleurs, la fête de Pessah est qualifiée de ‘’ temps de notre libération’’. En d’autres termes, la célébration de cette expérience collective porte la marque d’une intervention divine, d’une affirmation de la présence transcendante de D… à travers l’acceptation de la liberté acquise par les enfants d’Israël sortis d’Egypte. Et si par ailleurs Pessah coïncide avec le printemps, avec la résurrection de la nature, ce n’est guère pour célébrer la réapparition de la vie végétale, mais essentiellement pour associer l’avènement de l’affranchissement de l’esclavage en ce premier mois du calendrier, en ce mois début de la saison ‘’aviv’’ qui marque la maturation de l’épi de blé. La fête de ‘’aviv’’ telle que l’appelle encore la Thora, désigne le moment privilégié, par analogie avec l’épi de blé, avec l’éclosion et la fondation du peuple d’Israël, celui auquel la liberté est donnée pour conduire la nature à son plein épanouissement, en harmonie avec le projet divin. Ainsi donc, c’est pour se mettre au service du créateur que le peuple d’Israël accède à la liberté au pied du mont Sinaï. Comme dit le texte : ‘’Lorsque J’aurai fait sortir les enfants d’Israël d’Egypte, ils rendront le culte à l’Eternel au pied du mont Sinaï’’. Il faut souligner que la liberté acquise au Sinaï est offerte en patrimoine universel à toute l’humanité. Chaque année les Juifs célèbrent et vivent cette libération universelle avec l’espoir que celle-ci s’étende et se réalise chez toutes les nations. C’est pourquoi il est de tradition d’introduire le récit de la haggada de Pessah en lançant cette invite à tout celui qui désire effectuer ce passage : ‘’Qu’il vienne le partager avec nous’’.
Depuis le lendemain de la Fête, le deuxième jour de Pessah Depuis le lendemain de la Fête, le deuxième jour de Pessah, les agriculteurs d’Eretz Israël, devaient apporter une offrande au Temple, en guise de gratitude et de remerciement à l’Eternel, pour la nouvelle moisson de l’orge. Cette offrande au Temple, appelée « Minhat ha omer » est une oblation composée d’une mesure « Omer » d’orge torréfiée. Communément, le but recherché à travers l’offrande au Temple, est comme son nom l’indique « korban », la recherche d’une approche, d’une proximité de l’Eternel. Ainsi, l’objet du sacrifice « zévahim » provenant d’un animal, d’une bête ou d’un oiseau, est d’expier le délit commis et d’amener la personne à prendre conscience que le sort réservé à cet être vivant de l’espèce animale, représente la condamnation et le châtiment qu’elle mériterait pour avoir failli à son devoir. Les offrandes composées de produits de la récolte, ménahot, oblations ou encore les nissakhim, libations, faites de vin, d’huile et d’eau, visent le même dessein, elles éveillent l’homme à réaliser son bonheur et à rendre hommage à son créateur qui lui a permis de tirer profit de cette belle nature mise à sa disposition. A l’occasion de la fête de Pessah qui célèbre sur le plan agricole la fête du printemps et le début de la moisson de l’orge, la Thora nous recommande d’apporter au Temple « minhat ha omer ». Convient-il cependant, de se servir d’orge, aliment réservé autrefois à l’animal, pour en faire une offrande à l’Eternel ?.Par ailleurs cet aliment évoque « Minhat kinaoth », l’offrande du mari qui soupçonne sa femme d’adultère. Notons dans ce cas, que le choix de cette nourriture animale est justifié. En effet, le soupçon que fait peser le mari sur sa femme, relève d’une trahison à travers un acte d’instinct proche de l’animal, d’où le symbole de l’orge, nourriture animale. Ainsi, le but recherché à travers cette offrande, vise la maîtrise de la volonté et du désir de la personne mue par ses instincts et qu’elle devrait élever pour les mettre au service de l’idéal divin enseigné dans la Thora. Comme l’enseigne le Zohar, le mauvais penchant est un mal nécessaire à l’homme pour l’inciter d’avantage encore à l’obéissance à la loi, et de parvenir ainsi à un service cultuel intégral pour transformer le négatif en positif. L’offrande faite à base de blé en est une illustration éloquente. Le blé évoque la sagesse dont l’homme est doté, disent nos Sages, car l’enfant apprend à appeler son père, papa, lorsqu’il a atteint l’âge où il goûte aux céréales. Néanmoins, cela demeure une sagesse naturelle que l’homme soit appelé à élever au niveau de la sagesse divine. Par contre, l’oblation à base d’orge n’évoque rien d’autre qu’une attitude animale d’une tête baissée occupée par sa nourriture. Certes, cette attitude pourrait évoquer l’image de la personne humble prête toujours à porter le fardeau, à plier l’échine pour assumer sa lourde charge sans nulle récrimination. Mais cela comporte le risque de conduire la personne vers l’annihilation de soi et la perte de toute dignité. Mais l’homme est en mesure de se ressaisir pour se vouer totalement à l’Eternel avec une abnégation et une volonté de soumission à D.. , de la sorte, il transforme le symbole de cette nourriture animale, et de porter son inclinaison instinctive à un niveau élevé, pour en faire une nourriture céleste. Alors il aura réalisé la métamorphose du naturel de soumission à une adhésion et une élévation vers l’absolu. Dans cet ordre de pensée, le balancement de l’offrande de l’ Omer, et son élévation, précisément au lendemain du premier jour de la fête, prend tout son sens. En effet, la liberté acquise par la grâce et la volonté de l’Eternel le premier jour de fête, permet à l’homme d’apporter celle-ci en offrande sur l’autel du Temple pour vouer totalement à l’Eternel son nouveau statut d’homme libre et de quitter le joug de l’Egypte, symbolisée par cette nourriture animale, pour se mettre sous la protection de l’Eternel.
Grand Rabbin Chalom Benizri.
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