BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

L’interdit alimentaire

‘’Car Je suis l’Eternel, votre D… ; vous devez donc vous sanctifier et rester saints parce que Je suis saint, et ne point contaminer vos personnes par tous ces reptiles qui se meuvent sur la terre. Car Je suis l’Eternel qui vous a fait monter du pays d’Egypte pour être votre D… ; et vous serez saints parce que Je suis saint’’. (Lév. XI – 44, 45)

Nos Sages soulignent le choix de l’expression ‘’hama’alé etkhem’’, ‘’qui vous a fait monter’’, employée dans cette formule qui vient clôturer les lois alimentaires, alors que par ailleurs la Thora emploie plutôt la formule ‘’hamotsi etkhem’’, ‘’qui vous fait sortir’’, ou encore ‘’qui vous a fait sortir’’. A ce propos le Talmud enseigne que le terme ‘’hama’alé’’ souligne précisément le caractère élevé auquel l’homme est conduit à travers l’observance des lois alimentaires dictées par la Thora. ‘’Le Saint béni soit-il s’est exclamé : Si Je n’avais fait monter les enfants d’Israël d’Egypte que pour leur prescrire  de se préserver de l’impureté des êtres animés qui se meuvent sur la terre, cela m’aurait suffit. Sans quoi, en effet,  ils se seraient fondus parmi les Egyptiens qui se nourrissent et se vautrent dans cette d’alimentation impure. 

Cependant le Talmud se demande si l’expression particulière ‘’hama’alé’’ atteste effectivement d’un mérite plus grand du fait de l’abstinence d’une telle nourriture, que l’observance des poids et mesures, ou du prêt sans intérêt, à propos desquels il est fait mention dans ‘’vous avoir sortis’’, ‘’hamotsi etkhem’’(Lév. XIX – 36, XXV – 38), et non pas ‘’hama’alé’’, ‘’qui vous ai élevés’’.

Le bon sens nous dicterait que le mérite de celui qui s’attache à l’observance de l’interdit relatif aux êtres animés qui se meuvent et qui rampent sur la terre, serait moindre, du fait de la répulsion naturelle que l’on éprouve pour cette nourriture. Et le Talmud convient que le mérite n’est effectivement pas plus grand, mais que cette nourriture suscitant le dégoût met davantage en évidence  le niveau auquel les enfants d’Israël sont promus sur le plan spirituel.

Nahmanide donne l’exemple d’un soldat qui accomplit sa mission au  quotidien et qui  n’est pas appelé pour autant à recevoir une distinction honorifique pour ses bons et loyaux services. C’est uniquement pour un acte de courage hors du commun qu’il sera honoré. Et cependant  s’il venait à manquer à son simple devoir, il serait considéré rebelle. 

Il en est de même en ce qui concerne l’abstinence des aliments interdits. La personne qui s’en préserve n’en retire aucune distinction exceptionnelle. Mais si elle venait à enfreindre la loi, elle altérerait et dénaturerait fondamentalement son être. En somme, elle manquerait à son devoir élémentaire et quotidien. C’est ce qu’indique le terme choisi ‘’hama’alé’’. Il est vrai que le manquement à tout autre interdit porte également atteinte aux fondements de l’être juif. Néanmoins ceux-ci  restent extérieurs à la personne, alors que les interdits alimentaires s’intègrent en lui. L’aliment interdit pénètre dans ses moindres fibres pour faire partie intégrante de sa chair à un  point tel qu’il devient très difficile de s’en défaire. 

La nourriture interdite communique l’impureté qui se traduit par une obturation qui  fait écran à la lumière divine qui tente d’éclairer notre âme. Le terme ‘’toum’a’’, ‘’impureté’’,  s’apparente à ce qui est ‘’atoum’’, fermé hermétiquement. Comme disent nos Sages : la transgression des lois de l’Eternel obstrue complètement le cœur de l’homme. A l’inverse, le mot ‘’tahor’’, pur’’, s’apparente à la lumière qui répand tout son éclat dans l’ouverture qu’on lui offre. 

Le Zohar enseigne que ‘’la personne qui se nourrit d’interdits alimentaires perd pour ainsi dire son identité corporelle et physique’’. Rappelons qu’en de nombreux endroits le Talmud décrit l’influence exercée par la boisson et la nourriture sur l’activité mentale de l’homme. 

D’aucuns voient en les interdits alimentaires une discipline spirituelle et morale propice à l’élévation de l’homme.

 Le Talmud rapporte (Sanhedrin 65 b) : si les Justes le voulaient, ils auraient pu créer le monde.

Comme dit le prophète Isaïe  :’’Mais vos méfaits ont mis une barrière entre vous et votre D… ; vos péchés sont cause qu’Il a détourné sa Face de vous et cessé de vous écouter’’ (59 – 2).

Ainsi donc, ce sont uniquement les transgressions qui entravent cette possibilité et qui nous éloignent de notre divinité. Sinon, disait le psalmiste : ‘’Qu’est donc l’homme que Tu penses à lui ? Le fils d’Adam  que Tu le protèges ? Pourtant tu l’as fait presque l’égal des êtres divins ; Tu l’as couronné de gloire et de magnificence’’ (Ps. VIII – 5, 6).

L’homme renferme en lui les facultés lui permettant la plus grande proximité de son créateur. C’est uniquement la transgression qui le prive des forces divines contenues en lui.

Les Sages du Talmud font le récit de ces hommes justes qui ont donné vie à des créatures telles que  le Golem du Maharal de Prague, etc…

A la réflexion nous sommes amenés à conclure que la nourriture peut réduire l’homme au stade animal comme elle peut l’élever au plus haut degré de spiritualité. Le fruit défendu à Adam, au premier homme, en est l’illustration la plus éloquente.

 

Lu pour vous :

Un homme ne devrait pas manger de viande, sauf s’il en a une envie irrésistible. (Talmud de Babylone, Houlin 84 a – d’après Deut. XII, 20)

Les lois de la cacherout viennent nous enseigner que la préférence du Juif devrait aller à une alimentation végétarienne. Si, toutefois, on ne peut contrôler l’envie de manger de la viande, celle-ci doit être cacher ; cela rappellera que l’animal ingéré est une créature de D… ; que la mort de cette créature ne doit pas être prise à la légère ; que chasser pour le plaisir est interdit ; que personne n’a le droit de rester insensible au sort de toute chose vivante ; et que nous sommes tous responsables de tout ce qui survient aux autres êtres (humains ou animaux), même si nous n’avons pas de contact personnel avec eux. (Pinhas Peli, Torah Today, p. 118)

Lorsqu’on lui demandait s’il était végétarien pour des raisons de santé, Isaac Bashevis Singer répondait: ‘’Oui, pour des raisons de santé… du poulet!’’

 

Les attributs divins 

L’œuvre de la création de l’univers et celle de l’humain son couronnement, sont fondées sur les sept attributs divins. Cet enseignement s’appuie sur cette parole du livre ‘’Divrei hayamim  - Les Chroniques’’ :’’Lekha Ado-naï haguédola véhaguévoura véhatiféreth véhanétsah véhahod kikhol bachamaïm ouvaarets, lekha Ado-naï hamam lakha véhamitnassé lekhol léroch – A Toi Seigneur appartiennent la grandeur, la puissance, la gloire, l’autorité et la majesté ; car tout au ciel et sur la terre (est) tien’’ (I Chro. XXIX- 11). Nos sages du Talmud enseignent : l’attribut de bonté (hessed) de l’Eternel a présidé à la création du monde (Berakhoth 58 a). Comme l’atteste cette parole du psalmiste : ‘’Olam hessed ibané – Le monde est édifié sur la grâce’’ (Ps. LXXXIX – 3). Le commentaire du Malbim et de Alchikh découvre dans cette parole du psalmiste que la création de l’univers repose sur l’attribut de bonté de l’Eternel. C’est en se référant au rapport de la grandeur et de la bonté, que Moché Rabbenou invoque l’Eternel en disant : ‘’Ata hahilota léarhoth et avdekha et godlekha – Eternel Tu as rendu ton serviteur témoin de ta grandeur…’’(Deut. III – 24). La corrélation entre la guédoula , la grandeur, et le hessed, la bonté, apparaît de manière imagée dans la coupure du mot gadol – grand, découpé en ‘’gamol dal’’, ce qui signifie pourvoir aux besoins de la personne démunie.

Sur le même modèle on peut lire également le mot hessed en le coupant en deux pour obtenir ‘’has daleth’’, c’est-à-dire avoir de la compassion pour la personne amoindrie. Rappelons enfin que la lettre hé qui a présidé à la création du monde, est composée dans sa formation de la lettre daleth et de la lettre youd. Il nous apparaît donc que la grandeur et la bonté vont de pair et que la guédola , la grandeur, fait appel à l’attribut de hessed de l’Eternel. Il est intéressant de noter que les lettres qui suivent l’attribut ‘’grand – gadol’’ dans l’ordre alphabétique, sont les lettres qui forment le mot midda – mesure, soit le mem après le lamed, le daleth après le guimel, et le hé après le daleth.  Ce qui nous indique assurément que l’attribut de gadol ( guédola ) vient en tête des autres qualificatifs attribués à D… Il est bien connu par ailleurs que l’attribut de hessed – bonté, est attaché à ahava – amour, qui contient également le principe du don. D’ailleurs le mot bé ahava – avec amour, coupé en deux donne ’’ ba  hava ‘’– venir (ba) pour apporter (hava) . En d’autres mots béahava renferme l’idée de la personne qui entreprend avec élan d’apporter sa contribution, le don de soi. Par contre, l’attribut de guévoura – puissance, est attaché à celui de la crainte dans le sens de déférence. Ce qui se vérifie dans leur valeur numérique identique : guévoura et yir’a = deux cent seize. Il est intéressant de souligner que les lettres qui suivent le mot gavor – fort, sont celles qui forment le mot daguesh qui désigne le point qui renforce la lettre hébraïque qui le supporte  et qui se trouve ainsi dotée de l’attribut de rigueur, de justice, soit de la guévoura, de la puissance. L’attribut de splendeur de l’Eternel s’est révélé dans toute sa magnificence lors du don de la Thora au mont Sinaï. C’est par ce qualificatif que la Thora est désignée, car elle révèle la splendeur infinie de l’Eternel. C’est aussi l’attribut du patriarche Yaakov surnommé homme de vérité. Comme dit le texte : ‘’Un homme intègre demeurant dans les tentes’’  (Gen. XXII – 27), allusion à la maison d’étude de Chem et de Ever (voir commentaires de Rachi). Le patriarche Avraham incarne l’attribut de la grandeur, la guédoula, donc de la bonté, hessed. Son fils Itzhaq  personnifie l’attribut de puissance et de crainte ’’ y’ir’a’’ . Et enfin, Yaakov notre patriarche réunit en lui la somme de ces deux attributs dans toute leur plénitude et leur splendeur à travers la Thora, tiféreth. L’attribut de netsah – éternité, se manifestera dans toute sa plénitude dans les temps à venir, avec la victoire finale du Saint béni soit-Il sur la nation mécréante Edom. Le rapport entre le mot netsah qui indique un temps infini au verbe natséah – vaincre, s’exprime par le fait que la victoire véridique est celle qui s’inscrit à jamais dans le temps. L’attribut de la majesté, hod, s’est révélé selon l’enseignement talmudique (berakhoth 58 a) sur nahal arnone, le cours d’eau arnone, lieu d’où l’ennemi guettait l’arrivée des enfants d’Israël dans leur marche vers la terre promise. D… intervint et les montagnes qui servaient d’abri et de refuge aux ennemis d’Israël les engloutirent. Et ainsi les enfants d’Israël traversèrent ce lieu sans se rendre compte même de l’intervention divine en cet endroit, et n’en prirent connaissance que par le biais de la source d’eau vive du puits de Myriam. Le Tzl’h dans son commentaire du traité Berakhoth fait remarquer que les lettres de l’attribut ‘’hod’’ prises inversement, donnent le mot ‘’davé ‘’ qui traduit un état de souffrance ; et conclut que l’attribut de majesté dont étaient parés les enfants d’Israël était vécu par leurs ennemis comme un objet d’affliction et de souffrance. Ainsi donc, la rigueur dont furent l’objet les nations eut lieu simultanément avec la bonté dont bénéficièrent les enfants d’Israël. Comme dit la Thora : ‘’Ta droite Seigneur est un signe par la puissance ; Ta droite Seigneur écrase l’ennemi’’ (Ex. XV – 6). A ce propos Rachi dit : ‘’La main gauche s’est transformée en celle de droite lors du passage de la mer Rouge et la rigueur de la justice s’est également changée en celle de la miséricorde.’’ Le Talmud enseigne également que la majesté de l’Eternel, hod, s’est révélée dans le Temple. La mauvaise conduite des enfants d’Israël ayant provoqué sa destruction, il est devenu source de leur affliction dans leur exil. Et c’est pourquoi Ezechiel dit dans ses Lamentations :’’  ‘al  zé haya davé libénou ’’ – c’est cet état de destruction du Temple qui est la cause de notre affliction’’ (Ekha V – 17).En d’autres termes, le hod, l’objet de notre majesté, s’est mué en celui de notre souffrance. Aussi, c’est par le mérite du deuil et de l’affliction des enfants d’Israël pour la destruction du Temple,  que la providence leur accordera la joie de vivre  la reconstruction majestueuse du Temple dans l’avenir. Comme disent nos Sages dans le Talmud : ‘’Toute personne qui porte le deuil sur Jérusalem aura le mérite d’assister à la joie de sa reconstruction’’ (Guittin 57 b). L’opposition entre les termes hod et davé est expliquée par l’auteur du commentaire ‘’Béer Moché’’ en rapport avec le peuple amalécite, incarnation du mal , surnommé dans le Zohar davé . Amalek, source de l’impureté, a pour ange protecteur Samaël qui comme son nom l’indique , tente de fermer les yeux des humains pour qu’ils ne puissent pas voir la majesté de l’Eternel dans le monde. Il est l’antithèse de cet attribut du Temple source de sainteté et lieu de révélation de la majesté divine. 

C’est pour cette raison qu’une des trois prescriptions ordonnées aux enfants d’Israël à l’orée de leur entrée en terre sainte, est de déraciner avant tout ce que représente Amalek qui entrave la construction du Temple. Enfin, le mot davé, affliction, est équivalent dans sa valeur numérique (=15) au mot gaava, orgueil. Cette valeur commune nous renseigne sur les traits de  caractère répréhensibles de Amalek, l’orgueil et l’impudence. 

C’est là la source des maux qui frappent l’humain, qualifiée en ces termes par le roi Salomon :’’Tout cœur hautain est en horreur à l’Eternel…’’(Prov. XVI – 5). La valeur numérique du mot gaava correspond également à celle du mot yah qui désigne l’Eternel. Car comme dit le psalmiste : ‘’L’Eternel règne. Il est revêtu de majesté. L’Eternel se revêt, se ceint de puissance. Aussi par Lui l’univers est stable et ne vacille point’’ (Ps. XCIII – 1). 

C’est  face à cette grandeur de l’Eternel, à sa sainteté et sa majesté que se dresse avec arrogance Amalek:’’Amalek était le premier des peuples ; mais son avenir est voué à la perdition’’ (Nbres XXIV – 20).  Le changement de l’ordre des lettres d’un mot qui entraîne l’usage de l’un ou l’autre des  attributs précités de l’Eternel vis-à-vis de sa créature, s’exprime également à travers le mot rahem, prendre en grâce, qui se transforme  dans un ordre différent des lettres en le mot herem, désolation et anéantissement. L’auteur appelé Baal Ha Tourim fait remarquer que l’expression utilisée dans notre rituel ‘’beroguez rahem tizkor’’ extraite de la prière de Habacuc : ‘’… au milieu de la colère, souviens-toi de la clémence’’ (Hab. III – 2), est une supplique pour que l’attribut de la rigueur de la justice, de herem, se transforme en celui de miséricorde, rahem. Les hommes justes peuvent solliciter de l’Eternel de par leur mérite, d’inverser le verdict d’une justice rigoureuse en celle empreinte de clémence ;alors  que les mécréants provoquent l’inverse. Les différents exemples de mutation et d’ambivalence des termes qui désignent les attributs divins, nous montrent à l’évidence le principe fondamental , à savoir que le changement des attributs divins n’est pas inhérent à D… en personne, mais correspond plutôt à l’état et au niveau des créatures qui les perçoivent. On pourrait donner l’image pour cela, de l’effet que produit le soleil en asséchant le linge blanc en faisant ressortir sa couleur éclatante de propreté ; et dans le même temps il couvre d’un hâle le visage de celui qui s’expose à ses rayons. Dans les temps à venir, disent nos Sages du Talmud:’’L’Eternel sortira le soleil de son étui et une chaleur intense envahira le monde. Les mécréants seront jugés et brûlés au contact de ses rayons, alors que les justes seront guéris de leurs maux’’ (Nedarim 8 b). Ainsi donc, tout dépend  de  la   conduite  de   l’homme.

  

Halakha, mariage et divorce

Je voudrais vous dépeindre le début de l’aventure humaine à travers la lecture de quelques passages de la Thora. Afin de situer notre sujet, la mitzva- le devoir de l’union consacrée de l’homme et de la femme, et celui de la rupture de cette union.

Dans le livre de la Genèse, au terme de la sixième étape de la création, nous lisons au verset 26 : ‘’D… dit : nous allons faire un Adam dans une enveloppe digne de nous et s’accordant à notre image et qu’ils exercent leur domination sur les poissons de la mer et sur l’oiseau du ciel et sur le bétail et sur toute la terre et sur tout rampant se portant en avant sur la terre’’.

Le verset suivant : ‘’D… créa alors l’homme dans une enveloppe digne de D…, il le créa masculin et féminin, il les créa’’.

Ainsi, dès le premier abord, l’homme, l’unique être appelé Adam, est revêtu d’une enveloppe divine. Et la vocation que D… lui confère est celle de parvenir au moyen des mitzvoth qui lui seront données, de remplir sa fonction d’un être physique, capable de porter la ressemblance spirituelle avec D… et de se préserver de tout ce qui serait susceptible de l’éloigner de ‘’tselem Elohim’’, de cette enveloppe digne de D…

Cet être créé se présente masculin et féminin. Tous deux sont faits de la même manière, à l’image de D…, c’est-à-dire parés de la même dignité, promus au même devenir dans une parfaite égalité. Bien que le ‘’zakhar’’, le masculin apparenté au terme ‘’zakhor’’ (se souvenir), a pour affinité d’être le conservateur et que le ‘’nekéva’’ (le féminin) évoque ‘’nakav’’ (l’être déterminé), il demeure néanmoins qu’à travers l’union des deux, la vocation humaine  peut se réaliser. L’homme s’unira à la femme, en quête de sa vocation, alors que cette dernière trouve la sienne en s’unissant à l’homme. 

Au verset 28 :’’Et D… les bénit ; et D… leur dit : soyez féconds et reproduisez-vous et remplissez la Terre et soumettez la et exercez votre domination sur le poisson de la mer, sur l’oiseau du ciel et sur toute bête se portant en avant sur la Terre.’’

La faculté et la capacité de fructifier et de multiplier est ainsi confiée à l’homme telle une tâche à accomplir de son plein gré. Ce qui est chez l’animal un acte purement physique, devient dans l’union des deux êtres en vue de l’engendrement du fruit humain, un acte moral librement consenti. La multiplication exprimée dans la bénédiction de l’Eternel, signifie qu’à travers les enfants se retrouve l’image physique, spirituelle et morale des parents. Ce projet nécessite la fondation d’un foyer, d’une famille, qui constituent les meilleurs garants d’un épanouissement harmonieux des enfants sur le terrain propice à l’éducation humaine fondée sur les hautes valeurs morales et sociales, capables de promouvoir la société et d’édifier l’humanité. Ces devoirs incombent à l’homme et à la femme à la fois ; leurs efforts conjugués sont d’égale importance en vue de la réalisation de la vocation humaine. Pour réaliser cet objectif, la Thora réclame du masculin et du féminin d’user chacun des moyens appropriés à sa nature profonde, physiologique, psychologique etc… propres à l’homme et à la femme. Ainsi l’assujettissement de la Terre à des fins humaines, est dévolu en premier lieu à l’homme. Dans le même esprit, le devoir de se marier et de fonder un foyer, s’adresse impérativement à l’homme et non à la femme. Cette prescription est conditionnelle pour la femme et ne devient effective que par son attachement à l’homme, ainsi que le développe le Talmud (traité Yébamoth 65 b).

Poursuivons notre lecture, le chapitre II verset 18 :’’Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je vais lui faire une aide qui, lui faisant face, lui soit appropriée’’. L’expression ‘’ezer kénigdo’’, une aide face à lui, fait l’objet de très nombreux développements. Aussi, je me limiterai à deux.

Celui de Rabbi Chélomo Itzhaqi, commentateur classique de la loi écrite et orale, qui rapporte en s’inspirant du Midrash : ‘’Si l’homme le mérite, elle sera son soutien ; s’il en souffre, elle sera face à lui , adversaire’’. Ces paroles sibyllines révèlent le bonheur du couple  dans la réussite de leur union et le drame qui les amène à devenir des adversaires . 

La deuxième explication à laquelle je me suis attaché, est celle d’affirmer que le qualificatif ‘’une aide face à  lui’’, ne signifie nullement une soumission, mais une parfaite égalité et une équivalente dignité. La femme est placée aux côtés de l’homme parallèlement  à lui, sur la même ligne. Le mot clé ‘’ezer’’ signifie aide et désigne l’autre par excellence, la femme, qui apporte à l’homme la possibilité d’être relevé d’une partie de ses obligations pour réaliser sa vocation humaine, pour qu’il ait la possibilité de s’acquitter pleinement des devoirs qui lui sont plus spécifiques et par là même de permettre à la femme de se réaliser pleinement dans le rôle et la vocation qui lui sont dévolus. Face à lui, dans un autre domaine, se situant sur la même ligne, l’homme et la femme s’attachent à des tâches différentes, de telle sorte que chacun s’acquitte d’un domaine particulier et se complètent mutuellement. C’est dans cette union parfaite résultant d’un face à face de l’homme et de la femme portés l’un vers l’autre dans un  élan issu de leur libre volonté pour donner naissance à l’amour, que la vocation humaine peut se réaliser. L’homme a besoin de cette aide  qui lui fait face, scellée dans l’union consacrée du mariage pour être réellement. C’est pourquoi D… façonna la femme avec un côté de l’homme.

Le terme choisi dans le texte évite le verbe ‘’baro – créer’’, et celui de ‘’yatsor – former’’, ou encore de ‘’ ‘asso- faire’’, et opte expressément pour le verbe ‘’bano – construire’’, pour souligner qu’il s’agit là d’un dédoublement de ce qui était à l’origine une seule créature, ce qui atteste une fois de plus de la parfaite égalité de l’homme et de la femme .

L’homme en découvrant la femme à ses côtés, s’est écrié : ‘’C’est celle-ci enfin ! Os de mes os et chair de ma chair ! Celle-ci peut être nommée Icha, car elle a été prise d’un ich’’ (v. 23).

Là aussi nos Sages découvrent dans cette exclamation, l’expression d’une volonté de l’identité de destin et de dignité qui unit désormais l’homme et la femme. 

Telle une conclusion, le verset 24 nous apprend : ‘’Voilà pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme et ils forment une seule chair’’.

‘’Cela n’est pas possible, dit Rabbi Chimchon Raphaël Hirsch, que si l’homme et la femme forment en même temps un esprit, un cœur, une âme, et d’ajouter , cela n’est possible que s’ils soumettent toute leur force et toute leur inspiration , toutes leurs pensées et tout leur vouloir , à l’unique volonté supérieure , afin de satisfaire à son service.’’

L’ordonnance adressée à l’homme de prendre une épouse, bien que formulée sous forme de bénédiction, n’est pas un simple souhait à caractère facultatif, mais une obligation essentielle, mise en première  place, en tête des six cent treize commandements que renferme la Thora.

Son caractère sacré remonte aux origines et fait partie du plan de la création. Aussi nous pouvons dire à la lumière des enseignements de la Thora, que le fondement de toute l’humanité prend naissance dans la formation du couple et de son épanouissement. C’est dans cet embryon social, dans l’union de l’homme et de la femme, que s’opère également la rencontre de l’humain et du divin. Et si l’apparition de l’homme constitue l’attente de l’achèvement de la création, celle de la femme en est son couronnement.

Le Choulkhane Aroukh Eben Ha Ezer, le code de la loi juive, énonce en tête des lois matrimoniales : ‘’Tout homme a l’obligation de prendre une femme comme épouse…’’(Choul. Ar. I – 1).

Rabbi Moché Esserlès note à ce propos l’enseignement des Sages qui compte six types de bénédictions dont l’homme bénéficie de par son union à la femme. Celle-ci procure à l’élu de son cœur , la berakha (la bénédiction), elle l’entoure comme une muraille protectrice  (homa), elle lui apporte la grâce (tova), le conduit à l’étude et à la connaissance (la Thora), lui procure la joie (simha) et fait régner la paix (le chalom).

Le code de la loi stipule aussi :’’On ne peut vendre un rouleau de la Thora que pour se consacrer à l’étude de la Thora et pour épouser une femme’’.

La relation entre le devoir du mariage et celle de l’écriture du rouleau de la Thora, souligne qu’une vie d’ascèse ou de réclusion dans le but même de se vouer à une retraite spirituelle ou à un sacerdoce de quelque ordre que ce soit, est étrangère à l’esprit du judaïsme. La joie qui entoure la consécration de l’union de l’homme et de la femme, est également portée au plus haut niveau . C’est cette joie que réclame le prophète Isaïe pour un avenir merveilleux où les relations entre l’homme et son créateur atteindront leur plénitude : ‘’Tel que se réjouit le fiancé pour son épouse, ainsi D… se réjouira du peuple d’Israël’’ (Is. LXII – 5).

Les fondements des lois matrimoniales sont consignés dans le traité Kiddouchine où la première Michna enseigne : La femme est acquise par mariage par trois procédures : l’argent symbolisé par l’anneau nuptial- le contrat de mariage, la ketouba, et la relation conjugale – la cohabitation, et s’acquiert elle-même  par deux procédures : par le gueth (divorce) ou par le décès du mari. Cet enseignement de la loi orale prend appui sur le verset du deutéronome : 

‘’Quand un homme aura pris une femme et cohabité avec elle, si elle cesse de lui plaire parce qu’il aura remarqué en elle quelque chose de malséant, il lui écrira un libellé  de divorce, le lui mettra en mains et la renverra de chez lui’’  (Deut. XXIV).  Ce verset renferme de multiples enseignements que nos sages développent dans le traité Guittine. Le don du gueth et son libellé font l’objet d’une grande préoccupation chez nos sages. En effet, celui-ci demande une attention scrupuleuse , une connaissance étendue et une foi profonde. 

Ce livre de rupture ‘’sefer kéritout’’ tel qu’il est nommé par la Thora, a pour objet de lever un interdit , celui de la femme mariée interdite à tout autre homme. Il vise non seulement le changement d’un statut social ou une situation de loi halakhique juridique de la femme, mais de rompre tous les liens existant entre elle et son époux ; Alors que la consécration du mariage conformément à la loi de Moïse et d’Israël, donne naissance à une existence nouvelle de l’homme et de la femme, comme une seule entité enveloppée par  la présence divine, le divorce se traduit par la dissolution de cet état existentiel du couple. Et la mise en pratique de cette rupture s’accomplit uniquement , comme la Thora le stipule, lorsque l’homme ayant consacré la femme, lui écrit un livre de rupture et le lui donne en mains, conformément aux règles et aux lois relatives au divorce.

L’acte de divorce n’apparaît pas dans la Thora comme une permission qui annule l’union qui a échoué, ou comme annexe et faisant suite aux lois de consécration de la femme. Mais il est à considérer comme un sujet intrinsèque, telle une prescription positive de la Thora que nos maîtres dénombrent parmi les six cent treize commandements.

Il est évident que le divorce n’est pas souhaité, et encore moins prescrit. Bien au contraire, le judaïsme recommande vivement de faire régner la paix entre l’homme et la femme. C’est pourquoi d’aucuns interprètent l’institution du divorce par la Thora, comme ayant pour objet de nous instruire des circonstances dans lesquelles il est permis de divorcer.

Cette prescription positive, bien qu’elle ne soit pas souhaitée à priori, a néanmoins le caractère d’un commandement à l’instar de l’ordonnance adressée au voleur de restituer l’objet volé. Il est évident qu’il ne convient pas de se trouver devoir restituer un objet  volé, mais s’étant rendu coupable de vol, la Thora enjoint au voleur de restituer l’objet volé. 

Il en va de même pour le divorce. Celui-ci n’est nullement souhaité et encore moins recommandé. Mais toutefois, dans des situations  bien déterminées, il est alors prescrit au mari de divorcer, afin de s’épargner tout vol de la conscience d’autrui, tout viol , toute violence. On peut s’interroger sur le pourquoi la Thora a fixé cette prescription particulière  de l’acte de divorce à l’aide d’une lettre de rupture et pourquoi elle a formulé cela sous forme précisément d’une mitzva positive. 

Je voudrais rapporter pour cela l’enseignement du Sefer Ha Hinoukh traduit de l’hébreu par Robert Samuel et intitulé : le livre des six cent treize commandements .

Je cite : ‘’Quoiqu’il en soit, tout le monde est d’accord pour dire que si sa femme est devenue pour lui une source de chagrin et d’amertume, mieux vaut se séparer d’elle. L’homme n’a pas l’obligation comme chez certains peuples, de rester uni à elle jusqu’à la mort (fut-elle infidèle). Toutefois la Thora ordonne , lorsque le mari veut divorcer de sa femme, qu’il le fasse par un acte écrit. Un renvoi par de simples paroles pourrait prêter à des situations équivoques et banaliser cette union. Mais si la femme doit produire un acte signé par des témoins et enregistré par le tribunal, aucun danger n’est à craindre. D’autre part, si l’époux doit avoir recours aux tribunaux, il aura le temps de réfléchir et peut-être reviendra-t-il sur sa décision première. Car grande est la recherche de la paix.

Pour la petite histoire, je vous livre la réflexion d’un rabbin venu d’Israël comme messager d’un tribunal rabbinique. Il assistait à l’écriture d’un gueth que je m’appliquais d’écrire sous l’autorité du Grand Rabbin Chaïkin. Constatant la lenteur de mon écriture, ce rabbin dit : ‘’Chez nous en Israël, si l’écriture du gueth devait prendre autant de temps, les intéressés se seraient ravisés et auraient préféré continuer leur vie commune en paix’’.

 

J’ai tenté à travers mon exposé de la miztva du mariage et celle du divorce, de donner un aperçu du point de vue de la conception biblique de la tradition juive. Je me suis gardé d’en analyser la portée. Si le thème de l’alliance entre D… et le peuple d’Israël est calqué sur celui du couple, nous pouvons en mesurer l’importance et la gravité. Et dans la perspective de cette alliance, le divorce est inconcevable ; d’où la vigilance extrême indispensable à l’évolution spirituelle du couple appelé à vivre des turbulences , mais déterminé par ailleurs à s’inscrire dans le projet messianique de l’histoire. Et pour ce faire, une messirout nefech, un don d’être, s’impose.

 

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.