Haazinou

 
BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

Kippour 5762

A trois reprises, la Thora fait mention de l’expression ‘’ce même jour’’ en rapport avec des événements du passé qui portent sur l’avenir de l’humanité en général, du peuple d’Israël en particulier et du libre choix donné à toute personne.

 En effet, à propos de Noé le texte dit : ‘’Ce même jour Noé était entré dans l’arche…’’ (Gen. VII – 13), pour souligner que c’est dans la pleine clarté du jour que Noé y effectua son entrée sur l’ordre de l’Eternel, bravant ainsi les gens qui avaient dit : ‘’Si nous remarquons quelque chose, nous ne le laisserons pas entrer’’. Aussi D… décida de la faire entrer en plein jour, invitant toute opposition de quiconque à se manifester. 

De même à propos de l’Egypte, il est écrit : ‘’Ce même jour D… fit sortir les enfants d’Israël’’ (Ex. XII – 51), pour bien mettre en évidence que c’est en plein jour au vu et au su des Egyptiens qui avaient déclaré qu’ils s’opposeraient à la libération du peuple d’Israël d’Egypte, que cela s’est passé. 

Enfin la même expression est utilisée au sujet de la mort de Moïse notre maître : ‘’L’Eternel parla à Moïse ce même jour. Monte sur cette montagne…. Et regarde le pays de Canaan que Je donne en possession aux enfants d’Israël. Meurs sur la montagne que tu vas gravir….’’ (Deut. XXXII – 48).

L’emploi de cette formule ‘’ce même jour’’ est motivé par le fait que les enfants d’Israël avaient dit : ‘’Si jamais nous remarquons chez lui telle ou telle chose, nous ne le laisserons pas, lui qui nous a fait sortir d’Egypte, qui a fendu pour nous la mer…. Non, nous ne le laisserons pas. Alors l’Eternel déclara : Voici, Je vais le faire en plein jour’’.

Nos Sages tentent de comprendre ce que les enfants d’Israël auraient pu faire pour entraver la volonté de l’Eternel et épargner la mort à Moïse, ou la post-poser.

En effet, en ce qui concerne Noé et son entrée dans l’arche, de même que la sortie des enfants d’Israël d’Egypte, on comprend aisément qu’un entourage mal intentionné peut intervenir effectivement et faire obstacle à la réalisation de l’événement. Aussi la Thora a voulu mettre en évidence et souligner que nul ne pouvait se dresser contre la volonté de l’Eternel et entraver la marche de l’histoire de l’humanité  et du peuple juif.

C’est pourquoi l’événement se passe au grand jour, d’une manière éclatante pour que l’on sache que la volonté de l’Eternel préside aux destinées . 

Mais en ce qui concerne la mort de Moïse, on ne comprend pas, à priori, comment on aurait pu intercéder en sa faveur.

Et à cela Rabbi Haïm Chmolevitch nous éclaire en disant que les enfants d’Israël auraient pu réciter une ardente prière et provoquer ainsi un sursis à la mort de  Moïse. 

L’exemple de la puissance de la prière et de l’impact qu’elle peut avoir, nous est fourni par Moché lui-même, lorsqu’il s’est tenu en prières pour annuler le verdict qui le frappait, lui interdisant l’entrée en terre d’Israël.

Nos Sages disent que Moïse avait élever 515 prières, la valeur équivalente aux lettres dont se compose le terme :’’vaethanan el Hachem’’, ‘’J’ai adressé ma supplique à l’Eternel’’. Et l’Eternel répondit à Moïse : ‘’Assez pour toi. L’heure n’a pas encore sonné’’ (Deut. III – 23). Moïse comprit alors que la volonté divine était qu’il n’entre pas au pays. Et il cessa de prier. C’est ce qui lui a valu d’être qualifié de ‘’fidèle serviteur’’ .

L’exemple du roi Hezkiyahou est des plus éloquent.

A l’annonce du décret de sa mort par le prophète Isaïe au nom de l’Eternel, Hezkiyahou n’a pas perdu espoir et ne s’est pas laissé aller à cette fatalité du verdict lui prédisant une mort prochaine. 

Hezkiyahou s’écria à l’adresse du prophète Isaïe qu’il est une tradition dans sa famille, de génération en génération, quand bien même la personne se trouverait menacée d’un danger imminent, ou encore que le couperet soit posé sur son cou, il ne doit pas désespérer et ne point solliciter la miséricorde de l’Eternel. Et c’est ce que fit le roi Hezekiyahou. Il implora la miséricorde de l’Eternel et il fut agréé.

Aujourd’hui c’est le moment propice pour la prière, et nul n’ignore la menace qui pèse sur toute l’humanité, sur le peuple d’Israël et sur chaque personne individuellement. 

Tant l’existence physique  qu’économique et morale, sont mises en danger par le fanatisme aveugle et absurde. Aussi nous devons prier avec ardeur pour que l’homme, créature de l’Eternel, reconnaisse son créateur le D… vivant, et attribuer à la vie son cachet divin inviolable, pour tout être . 

Les premiers mots que nous disons au réveil sans évoquer le nom de D…, c’est notre gratitude au roi vivant et existant, de nous avoir restitué la pleine conscience de la vie.

Puisse l’humanité exprimer sa reconnaissance à l’Eternel qui nous a donné la vie.

 

De Roch Hachana à Kippour

Les fêtes et les célébrations marquent les temps forts de notre existence, de notre cheminement dans la vie. Tels des îlots ou des tremplins, ils nous permettent de graver nos empreintes pour servir de points de repère pour ceux qui nous suivent, de même qu’ils ont constitué un relais pour ceux qui nous ont précédés. 

Le cheminement de Roch Hachana à Kippour s’étend sur dix jours, après une préparation telle une mise en condition des trente jours du mois de Eloul. 

Ces dix jours appelés ‘’yamim noraïm’’, jours d’une intense prise de conscience de notre raison d’être, du rôle qui nous est dévolu, de la voie qui nous est désignée, sont qualifiés de ‘’terribles’’. Journées austères prodigieusement réservées à nous retrouver, à nous restituer dans le temps et dans l’espace, tant vis à vis de nous-mêmes, de notre semblable et de notre créateur. 

La célébration de l’année nouvelle est entourée de rites qui tendent à nous rappeler les éléments essentiels susceptibles d’éveiller notre conscience aux valeurs les plus élémentaires et les plus profondes qui sous-tendent notre appartenance et notre filiation au mode de vie, à la voie tracée au judaïsme. 

La naissance de l’année nouvelle n’est pas marquée par une explosion de joie, par d’exubérantes agapes, mais par un repas de fête où les traditions culinaires observées servent également d’aide-mémoire, de signes de rappel aux buts recherché, et comment appréhender l’année à venir. D’où la notion de justice, de jour du jugement ‘yom ha din’’. En effet selon la tradition, ce jour est réservé au tribunal céleste qui juge tous les hommes et les inscrit dans le grand livre d’en Haut, et décrète qui vivra, qui mourra… Qui sera élevé, qui sera abaissé. 

Ainsi donc, ce jour prend le caractère d’un rendez-vous avec le destin. Ce jour qui inaugure un cycle particulier propice au repentir, à la réparation des égarements, au retour à la source, au créateur, mène à Yom Kippour, point culminant du pardon demandé tant à l’homme qu’à D…

Au jour de Roch Hachana le destin de chacun est inscrit. Il est maintenu en sursis pendant les dix jours du retour ‘’assereth yemeth techouva’’, pour être définitivement scellé à Yom Kippour. Selon la tradition talmudique ce jour est appelé Roch Hachana parce qu’il commémore, non pas la création du monde, mais celle de l’homme, soit le sixième jour de la création où l’homme a choisi l’orientation de son destin en goûtant au fruit de la confusion du bien et du mal. 

Dans la liturgie de cette solennité, il est appelé ‘’jour du début de Ton œuvre, souvenir du premier jour où l’homme a été créé’’.

Ce nom attribué par nos Sages ‘’tête de l’année’’, évoque le caractère de ce jour ‘’tête pensante, en-tête’’ d’une réflexion, d’un départ, telle la personne humaine qui possède une tête qui renferme un cerveau. De même Roch Hachana est la tête de l’année ; celle-ci procède de la vie pour tous les membres du corps. Ainsi à Roch Hachana s’épanche la vie pour tous les jours de l’année.

C’est aussi un jour anniversaire et une commémoration, comme nous le répétons dans nos prières : ‘’le souvenir du premier jour’’, ou encore ‘’ce jour est le commencement de ton œuvre’’.  Pris à la lettre, Roch Hachana est qualifié de ‘’jour où le monde est à nouveau créé’’. En effet nous disons également dans nos prières : ‘’Aujourd’hui le monde est enfanté, aujourd’hui on convoque au tribunal toutes les créatures des mondes’’. A la réflexion, ce jour-là ne marque ni un événement, ni une commémoration, ni même un moment particulier dans le cycle du temps. Il est le commencement, le point de départ d’un temps, comme dans une succession d’entités tout à fait délimitées. Le temps devient alors comme un organisme vivant ; il a une naissance et une mort. Ainsi donc Roch Hachana est la naissance organique  du temps annuel, l’année qui vient à la vie.  En d’autres termes, tout ce qui existe doit naître. A Roch Hachana le monde revient au point zéro, les pendules du temps  sont remises au point zéro ; en somme ce n’est pas le temps du commencement que nous vivons, mais celui d’avant, le temps d’avant la création, celui qui précède la vie. Il ressemble aux battements du cœur. Chacun constitue un phénomène à part. A chaque instant la vie jaillit à nouveau. Ce phénomène de diastole et de systole est appelé en termes cabalistiques ‘’aller-retour’’. Toutes les formes de la vie psychologique et biologique sont ainsi caractérisées. C’est là la vie du temps. 

Le mot ‘’pa’om’’ qui désigne en hébreu le battement, s’applique également à un moment du temps. Ainsi ‘’pa’am – une fois’’, fait allusion aux battements du cœur, ‘’une fois’’, puis une autre fois, comme un métronome.

Nous nous situons à Roch Hachana au moment critique où une année vient de mourir, où il faut pour que nous vivions que s’opère la naissance de l’année nouvelle. Nous sommes pour ainsi dire sans cesse entre deux battements de temps. Et comme le temps est à la fois discontinu et cyclique, de même chaque jour se présente comme un cycle de deux fois douze heures, celles du jour et celles de la nuit. Aucune heure ne ressemble à l’autre, chacune a sa propre vie, sa dimension et sa couleur. Les cabalistes indiquent cela en montrant qu’il existe vingt-quatre combinaisons des quatre lettres du Tétragramme. Chaque heure est placée sous le signe d’une de ces combinaisons, chacune a son code unique. 

Le temps a été créé pour donner vie aux mondes supérieurs et inférieurs. C’est ainsi que naissent le passé et le futur. La première vie s’en va, remonte à sa source et une autre vie descend d’en haut et devient le temps. 

De la même manière, nous avons le cycle de la semaine, du mois, et enfin de l’année. 

Mais alors que les structures du temps sont cycliques, Roch Hachana marque un commencement absolu. Chana = doublement, répétition, changement, renouvellement radical du temps.

Rabbi Chénéor Zalman de Ladi écrit : ‘’Roch Hachana, c’est le déroulement de la volonté suprême ; c’est pourquoi ce jour est appelé ‘’tête de l’année’’ ; car tout comme la personne humaine possède une tête qui est tête et cerveau du corps, de même l’année possède une tête, et c’est Roch Hachana.

 

Roch Hachana 5763

Il est bien connu que la halakha, la marche à suivre telle qu’elle nous est dictée dans le Choulkhane Aroukh, le code de la loi, nous dicte le sens et la portée de chaque instant de la vie juive. Elle nous dévoile la nature profonde de chacune des fêtes qui parsèment notre calendrier. Ses indications nous permettent d’en saisir la signification profonde. 

Ainsi à l’égard de la fête de Roch Hachana, le Beth Yossef, auteur du code de la loi, stipule qu’il est impératif  de prêter attention en ce jour solennel, de ne point mentionner dans nos prières, le mot ‘’heth’’ -  transgression dont on s’est rendu coupable. 

Aussi dans la liturgie réservée à ce jour, nulle place n’est accordée à l’évocation du ‘’viddouye’’, de la repentance, qui consiste à énumérer les écarts et les manquements dans notre conduite en rapport avec l’enseignement de la Thora. Le ‘’viddouye’’ est plutôt réservé au jour de Kippour pendant lequel nous récitons 396 fois l’aveu de toutes les transgressions commises. 

Par contre, à Roch Hachana, même l’évocation du mot ‘’heth’’, fut-elle à travers la consommation de la noix dont la valeur numérique est équivalente à celle de ce mot ‘’heth’’, est déconseillée. 

Il est à remarquer également que contrairement aux autres fêtes, la Thora n’a pas réservé dans le culte sacrificiel au Temple, une offrande d’expiation en cette solennité. La Thora n’insiste que sur l’ordonnance de faire retentir le son du choffar. Dès lors, on peut se demander quel est l’élément capital auquel ce jour est consacré. 

L’examen rapide de nos textes de prières, nous permet de relever le thème de la royauté divine qui revient comme un leitmotiv et qui ressort abondamment de nos prières. Tous les accents de notre sollicitude à l’Eternel gravitent autour de notre volonté, non seulement de la reconnaissance de l’Eternel comme maître absolu de la création et de l’histoire, celle de proclamer son règne, mais également de le voir s’étendre sur tout l’univers. 

L’homme, couronnement de la création, tente de se frayer la voie à travers la proclamation du règne de l’Eternel. C’est par ce biais qu’il peut réaliser sa vocation et atteindre sa plénitude. Au jour anniversaire de sa prise de conscience d’être créé comme le reflet de la divinité, il concourt à reconnaître en sa source la dimension et la place qu’il occupe sur terre. Il tente de vivre pleinement au diapason de la symphonie de l’au-delà, dans le monde ici-bas. C’est dans cette quête d’étendre la royauté du créateur sur lui et par delà sur l’univers entier, que l’homme juif consacre sa réflexion tout particulièrement en ce jour. 

Toute sa pensée, ses paroles et ses actes doivent participer à la manifestation du règne de l’Eternel. C’est dans ce projet qu’il accède au titre de noblesse qu’il porte à travers le nom ‘’Israël’’, celui qui a choisi la voie de la droiture, tant envers son prochain qu’envers l’Eternel. 

Ainsi, il est dit : ‘’Israël acher bekha itpa ar – C’est par toi Israël que l’Eternel est glorifié’’. C’est là l’objectif fondamental et essentiel de ce jour de l’enfantement de l’univers ; et par voie de conséquence, de celle de l’humain. C’est là la mission du peuple juif au sein des nations et qui s’exprime plus intensément en ce jour ‘’en-tête’’ de l’année, tête pensante qui contient en germe toutes les composantes des événements en devenir. C’est dans cette attente et cette espérance d’un renouveau prometteur, plein de bonnes promesses pour la communauté juive et pour toute l’humanité, que l’on sonne du choffar, comme pour annoncer le renouveau du règne de l’Eternel et notre filiation au patriarche Avraham à travers la corne de bélier, souvenir de la ligature, du lien indéfectible qui nous attache à la foi en un D… UN et absolu. 

Et comme rien ne peut se réaliser dans la solitude et l’anonymat, nous sommes invités en ce jour, à nous unir pour ne former qu’un seul faisceau lumineux capable de percer les ténèbres de la nuit de l’exil, celle de nous-mêmes et celle de D…

La fête de Roch Hachana célèbre les retrouvailles. Elle constitue le tremplin d’une année passée et le passage vers une année porteuse de bénédictions pour tous. Puisse D… entendre nos prières et étendre da bénédiction sur notre vie. Puisse la vie l’emporter sur la mort, comme cela transparaît à travers tous nos écrits ; ‘’l’arbre de vie’’ c’est notre Thora, c’est notre havre de paix, c’est notre salut

 

Roch Hachana 5763

Le Talmud  enseigne : C’est à Roch Hachana que la prière de nos matriarches Sarah et Rahel fut exaucée et qu’elles connurent la joie de la maternité, ainsi que Hanna, épouse stérile de Elkana, qui enfanta Samuel, prophète de l’envergure de Moïse notre maître, et qui présida aux destinées d’Israël durant plus de quarante ans (Roch Hachana 11 a). Aussi, le choix de lecture fixé par nos Sages au jour de Roch Hachana, tant de la Thora que celui des prophètes, évoque l’avènement de la naissance d’Isaac, de sa ligature et la naissance du prophète Samuel. Le récit des affres que connut Hanna durant la période de stérilité qui la frappait, est suivi de la louange qu’elle adresse à l’Eternel en guise de reconnaissance. Ce chef-d’œuvre de spontanéité, de sensibilité et de finesse dans sa sollicitude à l’Eternel, fait dire à nos Sages dans le Talmud, au nom de Rav Hamnouna : ‘’Combien d’enseignements précieux nous pouvons déduire des expressions utilisées par Hanna’’(Berakhoth 31 a). Nos Sages comptent cette femme exceptionnelle parmi les sept prophétesses de la Bible, et soulignent  chacune de ses paroles  ’’Hanna parlait en elle-même ; on voyait seulement remuer ses lèvres, mais on n’entendait pas sa voix…’’(I Samuel I – 13). L’expression ‘’Hanna parlait en elle-même’’ nous apprend que la prière prend sa source dans l’intention intime du cœur, siège du sentiment. C’est cette vibration interne qui doit animer la relation de la personne en prière vis à vis de son créateur. La remarque ‘’ l’on voyait seulement remuer ses lèvres’’, nous invite à prêter attention d’articuler distinctement les mots et les syllabes qui composent la prière. Nos lèvres doivent aussi véhiculer les sentiments qui nous habitent. La précision ‘’On n’entendait pas sa voix’’, permet à nos Sages  de conclure que lors de la prière silencieuse, l’on ne doit pas élever la voix. De la mention ‘’Héli la crut ivre’’, nos Sages retiennent qu’il est interdit à la personne en état d’ivresse d’élever sa prière à l’Eternel. Enfin, la réprimande que Héli adresse à Hanna en lui disant : ‘’Combien de temps veux-tu étaler ton ivresse ? Vas cuver ton vin!’’,conduit Rabbi Eleazar à dire que la personne qui découvre chez son prochain quoi que ce soit d’inconsidéré à ses yeux, a le devoir de le rappeler à l’ordre et de le réprimander. Par ailleurs, si nous portons notre attention aux termes éloquents et poétiques exprimés par Hanna dans sa prière, nous pouvons souligner également la portée de ceux-ci. Ainsi Rabbi Eleazar rapporte au nom de Rabbi Yossi Ben Zimra, que le témoignage ‘’Hanna parlait en elle-même’’ atteste de l’invective que celle-ci proféra dans sa douleur à l’égard de l’Eternel. ‘’Maître du monde, tout ce que Tu as créé chez la femme remplit un rôle et une fonction : les yeux pour voir, les oreilles pour entendre, le nez pour sentir, la bouche pour parler, les mains pour l’ouvrage, les pieds pour marcher, les seins pour donner la tétée. Et mes seins que Tu as placés sur mon cœur, c’est  pourquoi ? N’est-ce pas pour donner à téter ? Donne-moi donc un enfant que je puisse nourrir de mes seins’’. L’expression inhabituelle ‘’vatitpalel al Hachem – elle pria sur D…’’, renforce cette impression évoquée par Rabbi Eleazar et offre l’image de la profonde amertume que ressent Hanna et qu’elle déverse sans retenue devant l’Eternel. C’est seulement une fois apaisée, après avoir prié longuement devant l’Eternel et quelques années après, que Hanna présenta son enfant au Grand-Prêtre Elie et qu’elle dit : ‘’Je suis cette femme que tu as vue ici près de toi, implorer l’Eternel’’(I Samuel I – 27). Ainsi donc, la prière véritable traduit les sentiments profonds enfouis dans le cœur, en toute sincérité et en toute honnêteté. Même sous une forme d’invective à l’égard de l’Eternel, la prière doit s’accompagner de la modestie qu’il convient d’observer. Nos Sages ne manquent pas de reconnaître ce caractère en l’attitude de Hanna, qui fut pleinement consciente de sa petitesse vis à vis de l’Eternel. Rabbi Eleazar dit : depuis l’œuvre de la création de l’univers, nul n’a invoqué l’Eternel par le nom de ‘’D… des armées, créateur des constellations’’ jusqu’à ce que vint Hanna qui le qualifie ainsi. ‘’Maître de monde, Tu es le créateur d’une multitude de constellations dans Ton univers : Te serait-il donc si difficile de me donner un fils ?’’ A trois reprises, Hanna se présente à l’Eternel comme une servante et use de ce terme comme un leitmotiv dans sa prière où l’audace et l’humilité sont conjuguées. C’est dans des termes semblables que le patriarche Avraham s’adresse à l’Eternel en lui disant : ‘’Loin de Toi d’agir ainsi, de frapper l’innocent avec coupable, les traitant tous deux de même façon ! Loin de Toi ! Celui qui juge toute la terre serait-il un juge inique ?’’ Tout en connaissant ses limites, il poursuit : ‘’De grâce ! J’ai entrepris de parler à mon souverain, moi poussière et cendres’’ (Gen. XVIII – 25 à 27).

Hanna nous enseigne également à travers sa prière que celle-ci ne formule pas uniquement des demandes à l’Eternel, mais qu’elle est prête  également à donner de sa personne. Rappelons à cet effet que le mot ‘’tefila’’ tire sa source du verbe ‘’palol’’ qui signifie ‘’chercher, scruter’’. La prière est tout à la fois une expression de gratitude à l’Eternel pour tous les bienfaits qu’Il nous accorde, de tout ce que nous pouvons solliciter de Lui, mais aussi ce que nous sommes en devoir de réclamer de nous-mêmes. A travers la prière, nous réalisons une introspection qui nous  permet de découvrir toutes les potentialités déposées en nous par le créateur. La prière éclaire notre horizon pour nous frayer la voie afin de nous réaliser au mieux, et de trouver le meilleur épanouissement dans la vie, tant sur le plan individuel que sur le plan communautaire , social, et spirituel avec l’aide de l’Eternel.

 

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.