BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

Enfants ou serviteurs

‘’Vous êtes des enfants du Seigneur votre D…’’(Deut. XIV – 1).

Ce verset établit une relation filiale entre les enfants d’Israël et l’Eternel ; alors qu’il est écrit par ailleurs : ‘’C’est à moi que les enfants d’Israël appartiennent comme serviteurs’’ (Lév. XXV – 55).

Pour rétablir cette contradiction apparente, le Midrach Berechith Rabba (X – 1) dit : Quand vous accomplissez la volonté de D…, vous êtes appelés ses enfants, et lorsque vous ne l’accomplissez pas, vous êtes ses serviteurs.

Rabbi Akiva réplique à cela par une série de versets qui démontrent que le peuple d’Israël reste les enfants de l’Eternel, même s’ils n’exécutent pas toutes ses lois. 

A première vue on serait enclin à considérer l’avis de Rabbi Akiva comme étant le plus juste et le plus logique. En effet, même lorsque l’enfant dévie de la voie de son père et trahit ses espérances, le lien filial demeure indéfectible. Comme dit le Talmud, le mot  ‘’Ben ‘’ enfant, s’applique même à l’enfant mamzer. Par contre, le serviteur, lorsqu’il ne se conforme pas à la volonté du maître, perd ce qualificatif. Pour comprendre ce Midrach, nous devons nous référer à cet enseignement talmudique (Menahoth 41 a). qui souligne la particularité de certaines ordonnances de la Thora dont le non-accomplissement n’entraîne nullement le délit de passer outre l’ordonnance de la Thora. Par exemple, il est bien connu que le devoir de mettre les franges aux quatre coins d’un vêtement ne s’applique qu’à une étoffe à quatre coins portée comme vêtement. L’on n’est pas tenu de confectionner expressément un vêtement à quatre coins pour se conformer à la mitzva du tsitsith. Ainsi donc la personne qui ne dispose pas d’un tel vêtement et qui néanmoins crée les conditions nécessaires à la mitzva du tsitsith, fait montre de sa volonté d’accomplir l’ordonnance de l’Eternel. Elle agit en somme comme un enfant qui déploie des efforts pour obéir à la volonté de son père, alors que rien ne l’y oblige.

Le patriarche Yaakov nous en donne l’exemple. Bien que son père Itshaq ne lui ait réclamé que des mets et que sa maman Rivkah ne lui ait préparé que cela, Yaakov apporta également du vin.  Ainsi donc, Yaakov par amour filial, a fait un effort supplémentaire qui lui a valu une mitzva de plus. Un serviteur par contre doit s’acquitter de sa tâche , et n’entreprend rien de plus que ce qui lui est réclamé. Cette réflexion nous permet de nous interroger au sujet de cet enseignement du Touré Zahav dans le Orah Hayim, ‘’le sentier de la vie’’ (chap. XXV – folio 1), qui accorde une valeur plus grande à la prescription des tsitsith par rapport à celle des tefilin (phylactères), en faisant valoir que la mitzva des tsitsith s’applique même les samedis et jours de fête, ce qui n’est pas le cas des tefilin. L’argument que nous avons développé nous permet bien au contraire d’accorder une plus grande importance aux tefilin, étant donné que ceux-ci font l’objet d’une prescription positive non soumise à une condition particulière, contrairement aux tsitsith dont la mitzva n’entre en vigueur que s’il est question d’un vêtement à quatre coins. Sans quoi, nous pourrons en être complètement dispensés. Nous pouvons citer d’autres exemples encore. Notamment l’ordonnance d’annuler tout levain chez soi avant Pessah.  La  personne  qui   n’aurait plus de levain, ne devrait plus rien supprimer et serait quitte de la mitzva. Et pourtant elle s’efforcera d’apporter le levain chez elle pour pouvoir réaliser l’ordonnance de la Thora.

Il ressort de tout cela que les paroles du Midrach visent plutôt l’élan déployé par la personne pour réaliser le commandement de l’Eternel, qui peut être apparenté à l’attitude de l’enfant envers ses parents, ou celle du serviteur à l’égard de son maître. Le Midrach porte également sur toutes les mitzvoth qui ne peuvent se réaliser que si l’on crée les conditions nécessaires à leur application, dans un   élan   d’amour   de  la   mitzva.

 

Tov Vara’a

L’attention portée sur le récit de la création et celle précisément de l’homme, son couronnement, nous révèle que le récit présente une omission intentionnelle à l’égard de celui-ci. Contrairement à tous les éléments dont la création est ponctuée par l’appréciation contenue en cette parole : ‘’Et l’Eternel vit que c’est bien’’, la venue à l’existence de l’homme au sixième jour, ne bénéficie pas de ce jugement. Certes, le texte souligne que :‘’l’Eternel vit tout ce qu’Il avait fait ; et voici que c’est très bien’’ (Gen. I – 31) . Mais cette évaluation concerne l’œuvre des six jours de la création et non celle de l’homme. Il semble que c’est précisément l’absence de cette appréciation qui atteste le mystère de la nature profonde de l’homme. Dans les autres œuvres de la création, le jugement porté par l’Eternel témoigne de la fin de l’ouvrage réalisé. L’appréciation vient couronner l’achèvement d’une œuvre parvenue à sa pleine formation et à son développement final. Ceci explique pourquoi le second jour, soit la deuxième étape de la création, n’a pas mérité ce qualificatif, car précisément l’ouvrage de ce jour n’était pas encore achevé (voir Rachi). Et c’est uniquement lorsqu’elle fut menée à son terme, au troisième jour, que l’appréciation ‘’bien’’ est évoquée par deux fois.  Nous pouvons en conclure que la formation de toutes les autres créatures coïncide avec l’achèvement de leur venue à l’existence. Ainsi, dès que l’astre solaire fut mis sur orbite, il joua son rôle et remplit ses fonctions. De même pour toute la faune et la flore et l’ensemble de la création. Ainsi que : ‘’Lorsque la terre avait produit des êtres vivants ….’’ (Gen. I – 24), celle-ci apparut immédiatement sous sa forme définitivement achevée. D’où nos Sages du Talmud concluent (Baba kama 65 b) : Un taureau est appelé de ce nom dès son premier jour de naissance. Mais en ce qui concerne l’homme, sa création n’est qu’une étape dans son évolution ; et son principe vital – néfech haya – qui l’anime, connaît un développement et se forme avec le temps. Comme en témoigne le verset :’’D… forma alors l’homme  poussière (de la terre de l’homme) et insuffla dans sa face un souffle de vie, et ainsi l’homme devint une personnalité vivante’’ (Gen. II – 7). Nous remarquons que les paroles de la Thora soulignent bien que ce que D… prit de la terre pour la formation de l’homme, n’est que ce qui est terre en lui. Et c’est cette partie  de la terre qui se désagrègera comme poussière pour retourner à la terre. Alors que ce qu’il y a de vivant en l’homme, D… ne l’a pas pris de la terre. Il lui insuffla le souffle de vie. Ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est que chez ces derniers le principe vital adhère à la substance terrestre. Leur corps et leur âme sont issus de la terre ; alors que chez l’homme, seule la substance inerte provient de la terre. Et c’est uniquement le souffle divin qui fait de lui une personnalité vivante. Et c’est en cette personnalité que réside la liberté, l’immortalité et tous les attributs qui font la grandeur humaine. La vie humaine n’est pas liée au corps, mais à l’esprit. Et même lorsque celui-ci se retire, le principe vital lui reste attaché. C’est pourquoi la conservation physiologique de 

l’homme et son état de santé ne dépendent pas simplement du corps. Il peut, quand tout le reste semble dépéri, se maintenir en vie par l’esprit ; car l’esprit supporte aussi la vie. En l’homme se trouve donc deux êtres de nature entièrement différente. Le premier relève de la terre ; mais de même que la terre est livrée à sa domination, ainsi le peu de poussière de la terre dont se compose le corps humain, lui est soumis. Car son être spirituel vivant, son être véritable, n’adhère pas à la terre. C’est pourquoi l’homme peut et doit dominer ce qu’il a en lui de terrestre. 

Bien que ce corps terrestre ne puisse en tant que tel, se dérober aux nécessités inhérentes à sa nature et succombe aux influences des éléments terrestres, il doit œuvrer  à l’aide de l’âme que D… lui a insufflée, pour s’élever au-dessus des nécessités contraignantes, s’affranchir et élever en même temps le corps dans la sphère de la liberté.

 

Le ‘’guett’’

La législation sur le mariage est introduite suivant la méthode de la Thora, celle de procéder du négatif au positif. Aussi, elle décrit en premier la loi relative à la conduite de l’homme qui éprouve de la haine envers son épouse. Cette attitude de la Thora correspond à l’affirmation de la création ex nihilo, placée au début de la genèse, de l’œuvre de la création. Cette règle générale s’applique également aux lois rituelles sur l’alimentation introduites par cette expression : ‘’Vous ne mangerez point de la chair d’un animal déchiré dans les champs’’(Ex. XXII – 30).

Et dans le même esprit, les lois sur la liberté commencent par l’exposé du droit d’esclavage. Enfin, nous lisons dans notre section les lois qui forment la base de celles qui ont trait à l’union matrimoniale, celles concernant le divorce : ‘’Si un homme a pris femme et a consommé le mariage, qu’ensuite elle cesse de lui plaire parce qu’il aura trouvé en elle de l’inconduite, il lui écrira un acte de divorce, le lui remettra en mains propres, et la renverra de chez lui’’ (Deut. XXIV – 1). 

Le Rabbin Chimchon Raphaël Hirsch écrit au sujet de ce verset : Il est beau de parler d’un amour éternel. Les réalités humaines ne sont pas toujours à l’échelle de nos rêves. Rien ne sert donc de donner au choix de l’individu un caractère indissoluble ; ce qui le forcerait à adopter une attitude de révolte envers des liens  qui l’enchaînent. Sans doute le divorce présente-t-il un côté dramatique. Mais c’est sans comparaison possible avec les conséquences d’une vie conjugale basée sur l’incompréhension et parfois même la haine. Le divorce est ainsi véritablement l’institution qui permet au mariage d’atteindre son but, celui de la formation d’un noyau organique et viable dans la société. La loi juive accorde donc aux conjoints la faculté de rompre le mariage à condition que cela se fasse en présence de témoins et suivant des règles établies. L’initiative en est toujours prise par le mari….. C’est à lui de donner à son épouse ‘’sefer keritouth’’, la lettre de divorce, appelée ‘’guett’’. 

Soulignons cet enseignement du Sefer Ha Hinoukh qui estime que le guett forme un moyen terme entre ceux qui interdisent de divorcer dans tous les cas, et ceux qui l’autorisent par une simple parole du mari. En effet, comme on le sait, l’Eglise catholique interdit le divorce, en se basant sur les évangiles de Marc (X – 2 à 12), où il est écrit :’’Ce que D… a uni ne peut pas être défait par les hommes’’.  

D’autre part, les orientaux se contentent d’une parole pour chasser la femme de leur foyer.  

Le nom ‘’guett’’ attribué au libellé de divorce, fut adopté selon le Talmud (Tossafoth guittin) suivant la somme de la valeur numérique de douze (guimel trois plus neuf) qui rappelle les douze lignes que renferme le guett. D’aucuns disent que les deux lettres ‘’guimel’’ et ‘’teth’’ se rejettent l’une l’autre et ne s’unissent jamais pour former un mot par leur association. C’est pourquoi elles ne peuvent désigner qu’un acte de séparation. D’autres disent qu’il existe en mer une pierre appelée guita qui de par sa nature chasse toutes les pierres qui viennent vers elle. Et c’est de là que découle le mot ‘’guett’’. On pourrait également mentionner cette allusion qui justifierait le mot ‘’guett’’ formé de trois et neuf. En effet la Michna énumère neuf ouvrages que la femme a le devoir de réaliser pour son époux ; et trois obligations   qui  s’imposent  au mari. 

Ainsi, lorsqu’ils se séparent, ils sont libérés de leurs engagements : lui de trois et elle de neuf, soit ‘’guett’’. Mais en vérité toutes ces explications ne sont que des artifices. Elles ne constituent pas les motifs fondamentaux du vocable ‘’guett’’. D’ailleurs ce mot n’est pas réservé exclusivement à l’acte de divorce. Le Talmud nomme ainsi tous les actes notariés, tels que : guitté mamone, guett hov, guett pachouth. L’auteur de ‘’Tossefeth brakha’’ le Rabbin Baroulh Epstein, attribue l’origine de ce mot à la langue romaine, au mot ‘’acte’’ qui désignait un témoignage et  se serait  transformé  en  ‘’guett’’.

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.