BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)
BÉRÉCHITE (Genèse)
 

 

 

L’inné et l’acquis

 ‘’Or, lorsque les garçons grandirent, Essav fut un homme expert dans la chasse, un homme des champs, et Ya’aqov, un homme se dévouant entièrement, qui habitait dans des tentes’’ (Gen. 25 – 27 

La Thora nous invite souvent à nous rendre attentifs aux événements qu’elle relate à propos de nos pères, de nos patriarches. Nos grands hommes ne nous sont jamais présentés comme des êtres parfaits. Nul d’entre eux n’est divinisé, nul d’entre eux n’est considéré comme l’homme idéal, au sujet duquel on pourrait dire : en lui le divin s’est fait homme. Aucune vie humaine ne nous est présentée comme un modèle à suivre et dont l’exemple doit nous inspirer ce qui est juste et bon, ce qu’il convient de faire ou pas. Lorsque la Thora veut nous indiquer un exemple à suivre, elle ne nous présente pas une créature née de la poussière, elle nous offre en modèle l’Eternel. Comme il est dit : ‘’Levez les yeux vers moi ! Inspirez-vous de moi. Empruntez mes voies.

Nulle autre référence ne nous est donnée pour servir de norme, qui nous permettrait de dire que telle attitude, ou telle chose est juste parce qu’un tel s’est conduit de cette façon. La Thora ne se prête pas à servir comme recueil d’exemples du bien ; elle se contente de nous faire le récit authentique des événements passés. Elle ne couvre pas les égarements et les faiblesses de nos grands hommes ; elle ne tait pas leurs fautes ; elle confère au témoignage qu’elle nous offre, le cachet de l’authenticité. En dénonçant les failles de nos grands hommes, la Thora ne les diminue pas à nos yeux ; bien au contraire, elle confirme leur grandeur et les rend d’autant plus exemplaires et édifiants. Sans la passion, sans le combat intérieur qui les animaient, leurs vertus et leurs mérites nous seraient apparus comme résultant de leur naturel supérieur et ils ne seraient point exemplaires pour nous. Ce qui conduit nos Sages à conclure de là de ne jamais nous faire les apologistes des héros spirituels des personnages bibliques. Ce que la Thora cherche, c’est la vérité qui constitue le cachet de la parole divine. En l’occurrence, la Thora nous rend attentifs à travers cette parole, ‘’Essav fut un homme expert dans la chasse, un homme des champs ; et Ya’aqov, un homme se dévouant entièrement’’, aux contrastes entre les petits-enfants d’Avraham qui pourraient provenir non seulement de leurs dispositions, mais aussi d’une éducation défectueuse. Ainsi lorsque Rivkah arriva au terme de sa grossesse et que l’enfantement eut lieu, le texte souligne :’’Voici il y avait des jumeaux dans son sein’’(Gen.25 24).

Le terme ‘’véhiné’’ introduit généralement un événement inattendu. Ayant été informé du contraste qui opposerait les enfants qu’elle portait, Rivkah pouvait s’attendre effectivement à la naissance de deux enfants complètement différents, comme cela peut arriver, même chez des jumeaux. Et ce qui est surprenant, c’est qu’ils se ressemblaient, et ce n’est que dans leur constitution qu’ils étaient différents. L’un était physiquement plus développé que l’autre, mais une commune physionomie et une impression d’unité apparente se dégageaient d’eux. Ce qui laisse supposer que cette ressemblance externe dissimulait la différence profonde de caractère, enfouie en leur for intérieur. C’est ce qui ressort également de l’écriture défective du mot ‘’tomim’’ au lieu de ‘’téomim’’. En effet, alors que ‘’téomim’’ désigne des jumeaux, ‘’tomim’’ apporte la précision d’une symétrie et d’une harmonie. Si cela était vrai sur le plan physique, cela ne l’était pas dans leur caractère.

C’est pourquoi aussi longtemps qu’ils étaient petits, on ne prenait pas garde et on n’accordait pas suffisamment d’attention à la dissemblance qui couvait en leur for intérieur. Et de ce fait on a omis d’appliquer à leur encontre la grande leçon pédagogique formulée par le roi sage (Prov. 22 – 6) :’’Instruis le jeune homme selon ce que commande sa voie’’.

En d’autres mots, ce conseil sage nous recommande d’éduquer chaque enfant selon ses dispositions innées, en veillant au développement ultérieur de son caractère humain et juif. Or, Ya’aqov et Essaw avaient reçu un enseignement et une éducation absolument identiques. Il ne faut pas perdre de vue que le devoir du judaïsme exprimé à travers la réalisation des mitzvoth, est unique en son genre. Il est à la portée de tout un chacun dans sa signification fondamentale ; mais il présente une multitude de variétés du point de vue de son accomplissement, en rapport avec la diversité des dispositions humaines.

 

Le ‘’Tsibour’’  La communauté 

Le Talmud enseigne : « Ce qui ne peut être réalisé par la personne elle-même, peut être effectué par l’entremise de son messager » (Makoth 10b).

Cet enseignement énoncé par nos Sages du Talmud est corroboré dans nombre de récits rapportés dans la Thora. Ainsi, l’histoire du patriarche Avraham nous fournit deux exemples.

Avraham désireux d’acquérir une sépulture pour son épouse Sarah, dans le caveau de Makhpela, s’adresse au propriétaire de celui-ci, en faisant appel aux enfants de Heth. Avraham est convaincu de la sorte, d’amadouer le vendeur et de pouvoir prendre possession de ces lieux.

De même, soucieux de trouver pour son fils Isaac une épouse issue de sa propre famille, Avraham mande son serviteur fidèle Eliézer, lui fait prêter serment et lui confie de se mettre en quête de la future épouse, en allant à Haran.

On retrouve une conduite analogue chez Yossef Ha Tsadik. Celui-ci confie à son intendant, la mission de solliciter du pharaon, l’autorisation d’emporter la sépulture de son père Yaacov, d’Egypte, pour l’inhumer en terre de Canaan dans le caveau de Makhpela.

Ce qui justifie cette démarche, c’est la nature inhérente à l’être humain.

En effet, lorsqu’une personne charge un messager d’être son porte-parole, il lui signifie par là qu’il a toute confiance en lui et qu’il est son représentant personnel.

La confiance et l’importance accordées au messager le portent au même niveau que celui qui l’a mandaté. Aussi, il sera plus difficile à la personne sollicitée par son entremise d’opposer un refus à la fois à lui-même et à la personne qu’il représente.

C’est pourquoi, on peut davantage espérer voir sa demande aboutir et être agréée par l’entremise d’une tierce personne, que par soi-même.

Cette réflexion nous permet de comprendre ce récit rapporté dans le Talmud (Berakhoth 34b) : « Rav Hanina est allé étudier la Thora auprès de Rav Yohanan ben Zaccaï. Il advint que le fils de ce dernier tomba malade. Il manda son disciple Rav Hanina de prier l’Eternel d’accorder la guérison à son fils. Rav Hanina adressa une fervente prière à l’Eternel au nom de Rav Yohanan ben Zaccaï, et fut agréé. Suite à cela, Rav Yohanan ben Zaccaï fit la réflexion suivante: Si c’était moi-même qui avait sollicité l’Eternel, ma prière n’aurait pas eu autant d’impact et un si prompt effet pour la guérison de mon fils.

Comme dit l’Ecclésiaste (IV – 9) 

« Il vaut mieux être à deux que seul… »

C’est dans cet ordre de pensée que nos Sages accordent une plus grande valeur à la prière en communauté, car comme l’enseigne le Talmud : »D… agrée la prière de la communauté quand bien même il se trouve en leur sein des personnes qui n’ont nul mérite » (Berakhoth 8a)

Il est  à   remarquer  que  le mot hébraïque qui désigne    l’Assemblée 

« Tsibour » contient dans les lettres qui le composent l’abréviation de « Tsadikim », les Justes,

« Binouniyim » les moyens, et

les « rechaïm » les impies. 

Ainsi, l’union de tous favorise la sollicitude à l’Eternel qui agrée la prière du « Tsibour ».

 

‘’Zakhor’’ et ‘’Chamor’’ 

Le Talmud (traité Chabbat 33 b) rapporte cette anecdote à propos de Rabbi Chimon bar Yohaï et son fils Rabbi Eleazar : ‘’Ceux-ci, fuyant la persécution romaine au deuxième siècle, se sont réfugiés dans une grotte en Judée, treize années durant. Ils vécurent dans la clandestinité à l’abri de la tyrannie des procurateurs romains. Rabbi Chimon bar Yohaï et son fils sortirent enfin de leur refuge. C’était un vendredi. A leur entrée en ville, ils rencontrèrent un vieillard chargé de deux brins de myrte. Ils l’accostèrent et lui demandèrent : à quoi sont destinées ces deux branches aromatiques ? Il leur répondit : c’est en l’honneur du Chabbat. Effectivement, la tradition était répandue à l’époque, comme elle le demeure par ailleurs dans certaines communautés de nos jours, d’accueillir le Chabbat en respirant des plantes aromatiques, avant même de faire le kiddouch, et en prononçant la bénédiction au préalable : Toi D… Tu es la source, notre D… Roi de l’univers qui a créé des herbes (des écorces) aromatiques.

C’est à travers cette respiration agréable que l’on s’imprégnait 

de l’âme supplémentaire qui nous habite le jour du Chabbat. Rabbi Chimon bar Yohaï et son fils demandèrent: mais pourquoi prends-tu deux brins de myrte? Ne pourrais-tu pas te contenter d’un seul ? Le vieillard répondit : un est fait pour évoquer le commandement de la Thora (quatrième commandement du premier décalogue dans la Genèse) exprimé à travers le verbe ‘’zakhor eth yom ha chabbat – souviens-toi du jour du Chabbat’’. Ce commandement positif fait appel à la pensée, à la connaissance intellectuelle, à tout ce qui contribue à créer l’esprit du Chabbat, l’atmosphère et l’harmonie qui président à ce jour. L’autre brindille fait allusion au même commandement répété dans le Décalogue, dans le livre du Deutéronome, et énoncé sous forme de ‘’chamor - observer’’, nous invitant à ne pas enfreindre le Chabbat en posant un acte profance. Ainsi, alors que ‘’zakhor’’ vise le respect du Chabbat sur le plan de la pensée, ‘’chamor’’ constitue une mise en garde de ne pas l’enfreindre dans l’acte. Le vieillard chargé de ces deux branches de myrte a ainsi montré à Rabbi Chimon bar Yohaï et à son fils, que la plénitude que l’on tente d’atteindre le jour du Chabbat, passe par la coordination de la pensée et de l’acte. Et comme dit Rabbi Chelomo Alkabets HaLévi dans son poème ‘’Lekha Dodi’’ (16e siècle) : ‘’zakhor vé chamor’’ (ou dans l’ordre inversé pour la poésie ‘’chamor vé zakhor’’) prennent source dans la même parole.

Tout avantage ou prépondérance accordé à l’un par rapport à l’autre, brise l’harmonie et nous fait manquer le but. Enfin, de même que lors de l’accueil du Chabbat on respire des plantes aromatiques pour que l’âme supplémentaire nous soit insufflée, ainsi à l’issue du Chabbat, c’est à travers la bénédiction sur le parfum d’une plante aromatique que nous nous séparons de cette âme supplémentaire. 

Rappelons à cette occasion que le sens de l’odorat, contrairement aux autres sens, n’a pas participé au péché originel. Il a pour ainsi dire, gardé son état de pureté initiale.

Aussi, le Chabbat étant comparé au monde à venir, se trouve lié au sens de l’odorat qui n’a point été entaché et qui nous porte à retrouver la pureté originelle, la dimension du Chabbat, celle de l’au-delà.

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.