|
||||||
BÉRÉCHITE (Genèse)
|
Etoiles et grains de sable La Thora atteste : ‘’L’Eternel fit sortir Avraham dehors et dit : regarde le ciel et compte les étoiles si tu peux en supputer le nombre ; et Il lui dit : ainsi sera ta descendance’’ (Gen. XVI – 5). Alors que précédemment D… lui dit : ‘’Je rendrai ta descendance semblable à la poussière de la terre, tellement que si l’on peut nombrer la poussière de la terre, ta descendance aussi pourra être nombrée’’(Gen. XIII – 16). Ainsi D… a employé deux métaphores, les étoiles du ciel et le sable de la mer, pour annoncer au patriarche Avraham comment sera sa postérité. Nous pouvons nous demander pourquoi D… utilise ces deux images représentant des extrêmes opposés. D’une part les innombrables étoiles qui brillent au firmament dans l’immensité de l’espace, et d’autre part le sable de la mer foulé aux pieds par toute personne. A la réflexion nous pouvons avancer que toute évocation d’élément dont on ne peut définir la grandeur, relève de deux considérations. Soit que l’objet est innombrable sur le plan quantitatif, tel que les grains de sable qui recouvrent la terre et sur lesquels nous n’avons nulle emprise pour les quantifier ; ou alors que la difficulté du dénombrement s’apparente au niveau de la nature même de l’objet, soit sur le plan qualitatif. La valeur monétaire de cent checkels et celle de cent dollars nous en offre l’exemple. En effet, on ne peut définir ces deux sommes que dans la mesure où nous pouvons les mettre en rapport avec un dénominateur commun. Ceci nous éclaire sur l’emploi dans le texte de l’adverbe ‘’ko’’ (ainsi), au lieu du mot ‘’ken’’ (comme ceci). L’adverbe ‘’ko’’ qui désigne les étoiles du ciel se retrouve également dans le passage de la Thora qui relate le sacrifice d’Isaac. Dans ce contexte, le patriarche Avraham s’adresse à ses serviteurs et leur dit : ‘’nelkha ad-ko’’ (Gen. XXII – 5), ‘’jusque là-bas’’. De même au sujet de la triple bénédiction des Cohanim, la recommandation leur est adressée en ces termes :’’ko tevarekhou’’ (Nbres VI – 23),’’voici comment vous bénirez’’. Cette analogie à partir du terme ‘’ko’’ qui apparaît ici et là, nous permet de comprendre que le rapprochement établi avec les étoiles du ciel signifie que la descendance de Avraham soit telle que le montre l’exemple du patriarche Avraham et de son fils Isaac, allant d’un cœur parfaitement uni pour accomplir la volonté de l’Eternel. L’expression ‘’ad-ko’’ désigne l’ascension au sacrifice suprême pour la gloire de l’Eternel, celui auquel ils sont parvenus tous les deux. De même en ce qui concerne la bénédiction divine transmise par les Cohanim, par les prêtres, celle-ci ne peut être atteinte que par le mérite d’une élévation spirituelle de l’ensemble du peuple juif. Dès lors nous comprenons que la comparaison au sable de la mer et aux étoiles du ciel, revient à une double appréciation : celle représentant le peuple d’Israël à la nuque roide, tout à la fois obstiné et volontaire pour le bien comme pour le mal, ainsi qu’il se montrera tout au long de son histoire. ‘’Le peuple d’Israël ne connaîtra presque jamais une existence bourgeoise, paisible ou uniforme. Son ascension sera vertigineuse, comme sa chute sera profonde. Soumis et vaincu, Israël éprouvera des souffrances qu’aucun autre peuple ne connaîtra jamais; mais victorieux, triomphant, ayant repris le chemin qui le mène à l’avant-garde , Israël atteindra des hauteurs insoupçonnées’’. Comme dit Rachi dans Méguilath Esther : ’’Lorsque Israël monte, il s’élève jusqu’aux étoiles. Lorsqu’il choit, il tombe jusqu’au sable de la mer’’(Esther VI – 13). Le nom Si les générations étaient méritantes, l’Eternel aurait attribué un nom à chaque personne et de par le nom de l’Eternel, ils auraient décelé ses attributs et ses œuvres (Berechith Rabba). La plupart de nos écrits font mention de l’idée que la Thora dans son entièreté, avec toutes les lettres de l’alphabet qui la composent, s’articule autour des noms du Saint béni soit-Il. Nahmanide rappelle brièvement cet enseignement dans son introduction à l’exégèse de la Thora. Nous détenons une tradition authentique selon laquelle toute la Thora est composée de noms divins.En d’autres termes, le texte de la Thora écrite se présente sous forme d’une succession ininterrompue de lettres en absence de toutes divisions, mots, expressions, versets, chapitres, ou toute forme de ponctuation. La Thora fut donnée à Moïse notre maître, et transmise de génération en génération selon le mode de lecture connu de nos jours. A priori, nous ne comprenons pas pourquoi l’Eternel est désigné par tant de noms, et que le nom même composé de quatre lettres, soit le tétragramme, reste dissimulé et inaccessible à notre entendement. Qu’importe donc pour nous la multiplication des noms divins, au point qu’elle s’étende à toute la Thora. Nous savons par ailleurs, que le nom attribué à un objet ou à tout être vivant, exprime et contient en lui ce qu’il symbolise. Aussi, l’Eternel ayant créé l’univers selon le modèle de la Thora, il est impératif qu’elle également, soit libellée avec le nom divin. Certes, le but principal visé par la Thora ne réside pas dans les noms divins, mais dans l’enseignement et les ordonnances qu’elle nous prescrit ; cependant elle exprime forcément aussi le nom divin de notre créateur. C’est à cela que font allusion nos Sages , en disant : La Thora et le Saint béni soit-Il, ne font qu’un ; car la Thora est l’expression de sa divinité. Ceci rappelle cet enseignement talmudique : Rabbi Meïr rapporte : lorsque j’étais au service de Rabbi Ichmaël, je versais de l’acide chlorhydrique dans l’encre… et lorsque je vins chez Rabbi Ichmaël, il me posa la question : quel est ton occupation ? Je lui répondis : je suis scribe. Il me dit alors : mon fils, prête une grande attention à ton ouvrage, car tu accomplis là une œuvre céleste , et tu risques d’élider une lettre ou d’écrire une lettre superflue, et tu auras détruit l’univers tout entier… (Erouvin 13 – a). A priori on ne comprend pas la grande sévérité d’une lettre qui viendrait à manquer ou à être superflue dans l’écriture de la Thora. Mais sachant que la Thora est le code sur lequel est fondé la création, on mesure les conséquences incommensurables du moindre changement qui altérerait le texte. Une telle erreur occasionnerait un déséquilibre qui peut entraîner l’effondrement de l’harmonie et mènerait à la destruction. Rappelons aussi que la Thora étant éternelle, elle convient à toutes les époques et à toutes les situations suivant leurs variations. Chaque génération décèle dans le texte la compréhension à la lumière de la réalité qui la caractérise. Aussi, une lettre en plus ou en moins peut provoquer le détachement du lien de la Thora avec la réalité d’une existence déterminée , ou la bloquer. Certes, tout ce qui vient à l’existence obéit à la volonté de l’Eternel. Il est obligatoire par conséquent, qu’elle soit contenue dans le nom divin, donc dans la Thora. C’est sur base de cela que nos Sages interprètent cette parole du Zohar qui atteste que la Thora a septante facettes. Car sur le plan symbolique, elle se présente sous de multiples aspects, à l’infini. C’est cela qui traduit l’approche de l’Eternel infini à travers la Thora. La Thora se révèle dans chaque génération dans le temps et dans l’espace, avec de nouveaux visages. Quels que soient la nature et le caractère, elle s’agence et s’identifie à ce monde nouveau. Ceci nous permet de comprendre la gravité du moindre changement qui interviendrait dans l’écriture de la Thora. Nonobstant cela, il faut ajouter que, de même que chez toute créature telle qu’elle fut créée, les membres qui lui sont propres lui sont nécessaires, il n’en demeure pas moins que certains organes sont qualifiés de vitaux, alors que d’autres ne le sont pas. Il en va de même des noms attribués à l’Eternel. On peut dire par analogie que le tétragramme est le nom ineffable qui traduit la grandeur de l’Eternel, alors que les autres noms, y compris les autres lettres de la Thora, sont tels que les branches, les feuilles, les bourgeons, les fleurs portés par le tronc dont les racines symbolisent le tétragramme. Comme dit Rabbi Yossef Gikatilya : ‘’Sache que toute la Thora est à considérer comme un développement du tétragramme ineffable. C’est là le mystère de la Thora divine authentique’’. Dès lors nous comprenons pourquoi la lecture du tétragramme fut dissimulée de par la sainteté qu’il revêt et qu’il fut même interdit de le prononcer tel qu’il se présente dans l’écrit. Dénommé ‘’le nom unique’’ ou ‘’le nom révélé’’, il n’est accessible dans sa lecture correcte qu’à de rares élus. Rabbi Eliezer de Varmisa, surnommé Baal Ha Rokéah (12e siècle) décrit la cérémonie de sanctification et la bénédiction prononcée par le maître qui transmet le secret de la lecture du nom divin au disciple qui réunit les qualités d’en être détenteur. Il existe différents degrés de noms divins suivant le niveau de sainteté qu’ils revêtent. Certains peuvent être effacés , d’autres non. Certains ne peuvent être évoqués qu’en des lieux propres ; d’autres sont considérés comme des surnoms qui désignent D… Il y a également des anthropomorphismes attribués à l’Eternel pour emprunter le langage des êtres humains, ou encore pour désigner la nature de l’action telle qu’elle se présente au niveau sensoriel chez l’humain. C’est dans cet esprit que Rabbi Moché Cordovero interprète l’expression de la Thora : ‘’un œil sous un oeil, une dent sous une dent, un pied sous un pied’’ et autres. Il est évident que l’on ne crève pas l’œil de la personne jugée pour un tel acte sur une tierce personne. Idem pour la dent ou pour le pied. L’expression de la Thora ‘’un œil sous un œil’’ signifie la réparation du dommage causé au sens de la vue et non à l’organe lui-même ; d’où le choix des mots ‘’ ‘ayin tahat ‘ayin’’ - l’œil sous l’œil, et non pas œil pour œil. De même pour une dent, une main ou un pied etc… Ainsi donc, l’auteur du dommage doit apporter une réparation maximale de la faculté perdue.Même des noms que nous attribuons et qui à priori n’ont aucune incidence avec l’objet ou la personne qui les portent, s’attachent à la nature profonde de l’élément désigné et reflètent ses caractéristiques ; à l’exemple de la personne qui dort profondément et qui se réveille au cri de son nom. C’est peut-être de là que vient le changement de nom que l’on donne à une personne qui traverse une grave maladie et que l’on voudrait voir se relever et recouvrer la santé sous un autre nom, sous une autre identité. On voudrait en somme la soustraire à certaines contingences défavorables et l’inscrire dans un nouveau registre.La Thora nous présente un exemple similaire où l’Eternel dit à Moïse notre maître :’’Je suis Ado-Naï. Je me suis révélé à Avraham, à Isaac et à Yaakov, par le nom El Chaddaï ; et par mon nom Ado-Naï Je ne me suis pas fait connaître d’eux’’ (Ex. VI – 2, 3). Il est bien connu que le peuple d’Israël ne fut formé qu’à la sortie d’Egypte et lors de la promulgation de la Thora. Et pour cela il fallait la révélation de D… sous le nom ineffable Ado-Naï, que seul le peuple d’Israël, dans sa langue et dans ses écrits, est apte à articuler correctement. Rappelons à cet effet que le nom divin Elohim met en relief l’attribut de rigueur et de justice de l’Eternel tout Puissant. Il apparaît d’ailleurs à travers la Thora pour désigner les juges, les chefs puissants de la collectivité, et même les divinités étrangères. Notons enfin que la valeur numérique du mot Elohim correspond à celle qui désigne la nature créée ‘’ha teva’a’’. C’est la raison pour laquelle ce nom est le seul usité dans le premier chapitre de la Thora consacré à l’œuvre de la création de l’univers, alors que le nom Chaddaï désigne le tout Puissant qui met un terme à la formation du monde, de l’univers en extension, pour lui assigner ses limites.
La génération de la tour de Babel La Bible n'est pas simplement une compilation de vingt-quatre ouvrages provenant de différentes sources ou d'une seule, et chacune des histoires qu'elle renferme ne forme pas non plus une anthologie de légendes. La Bible est une entité divisée en vingt-quatre ouvrages dont chacun complète l'autre. Les événements relatés ici et là sont intimement liés et les enseignements qu'elle dispense s'expriment en une multitude d'expressions révélées et dissimulées. Ceci vise particulièrement les cinq livres de la Thora dont le style d'écriture permet des descriptions et maintes précisions des événements , sans qu'ils soient perçus et révélés de manière évidente à tout lecteur. C'est pourquoi on ne compte presque pas une section de la Thora qui ne suscite de multiples et divers questionnements. Et c'est précisément ces interrogations qu'elle soulève qui comportent un grand intérêt et une grande importance à la compréhension de l'écrit. Car ce sont ces réflexions et ces pensées suscitées par le texte qui fraient le chemin pour la recherche de dénouement des difficultés apparentes ou des incompréhensions qui trouvent leur éclaircissement. Parmi les passages de la Thora des plus étonnants, l'on considère l'épisode qualifié de ''génération de la confusion du langage''. Le récit rapporté ne repose à priori sur nulle logique. En effet, le texte relate ainsi l'événement: ''Toute la terre avait une même langue et des paroles semblables. Or, en émigrant de l'orient, les hommes avaient trouvé une vallée dans le pays de Sennaar et s'y étaient arrêtés. Ils se dirent l'un à l'autre: ''préparons des briques et cuisons-les au feu''. Et la brique leur tint lieu de pierre, et le bitume de mortier. Ils dirent:''allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet atteigne le ciel; faisons-nous un établissement durable pour ne pas nous disperser sur toute la terre, pour voir la ville ..... la terre'' (Gen. XI - 1 à 9). Déjà, avant même la période de la formation du Talmud (2e s.), de nombreux Sages éprouvèrent des difficultés à comprendre ce texte, et se posèrent la question de savoir quelle est la nature de l'interdit dont s'est rendu coupable cette génération. Quelle est l'infraction contenue dans le projet de la construction d'une ville au milieu de laquelle on édifierait un gratte-ciel? Certains parmi les Sages de la Aggada avancèrent l'idée partagée par beaucoup d'entre eux, qu'au sein des bâtisseurs de cette ville l'on comptait ceux qui avaient pour projet de surmonter cette tour d'une idole brandissant une épée , comme si elle bravait l'Eternel et le provoquait au combat. C'est là l'expression d'une volonté de rébellion et de rejet de la suprématie de l'Eternel. D'autres Sages sont d'avis que cette génération s'est rendue coupable d'idolâtrie. L'attention portée au texte ne permet cependant pas de plaider en faveur de l'argument de l'un ou de l'autre. La compréhension de ce passage de la Thora ne peut être appréhendée que si l'on se place au plan philosophique quant à l'importance de la langue, et tout particulièrement du nom qu'ils doivent exprimer , la nature du sujet dans son intégralité. Ce qui rejoint la perception de la pensée juive quant à la nature des noms d'objets ou des noms personnels. C'est de là que vient l'interdit de prononcer le nom divin, en se conformant à l'écrit et à la ponctuation qui convient. Car ceci n'indique pas la lecture correcte du tétragramme ineffable. La ponctuation authentique est tenue secrète, afin d'éviter des dérives. Rappelons que le premier homme connaissait la nature profonde des choses et des créatures. C'est pourquoi la providence l'a désigné pour qu'il leur attribue un nom. Comme dit le texte: ''... Il les amena devant l'homme (les animaux) pour qu'il avisa à les nommer; et telle chaque espèce animée serait nommée pour l'homme, tel serait son nom. - L'homme imposa des noms à tous les animaux qui paissent, aux oiseaux du ciel, à toutes les bêtes sauvages...'' (Gen. II - 19,20). Sans nul doute, les descendants du premier homme Adam, se sont servis de ces noms qu'il avait donnés; sans quoi ceux-ci n'auraient aucun intérêt. Noé qui fut le successeur direct de l'engagement du premier homme et qui a cheminé dans sa voie, avait reçu de Cheth, du troisième fils de Adam et de ses descendants, le secret des noms , en assurait la transmission aux générations futures. La connaissance du contenu du nom est d'une grande importance. Elle prévient l'homme de tout égarement et de toute erreur. A travers le nom, l'on pouvait déceler la quintessence de la flore et y percevoir les propriétés thérapeutiques. Ce n'est pas en vain que les membres de la Grande Assemblée ont consacré beaucoup de temps et se sont investis dans une profonde réflexion , pour formuler la prière silencieuse. Et pourtant qu'importe que la personne formule la prière spontanément dans une langue ou l'autre, dans tel style ou tel autre, et tout particulièrement en ce qui concerne les demandes pour les besoins personnels adressés à l'Eternel. Après l'exil de Babylonie, le langage s'est altéré; ce qui a amené les Sages à établir les formules de prière et à formuler les textes de la prière silencieuse appelée les dix-huit bénédictions; La lourdeur du langage pouvait entraîner la personne à exprimer les demandes qu'il aurait mieux valu éviter de mentionner, ou même s'abstenir de réciter. C'est ce qui a conduit les membres de la Grande Assemblée à trouver les formules de prières qui conviennent pour traduire les sentiments qui animent chacun de nous et qui reflètent ce qui occupe nos pensées et notre cœur . Le Zohar ne dit-il pas (Terouma 162): ''rahamana liba ba'é - le miséricordieux réclame l'élan du coeur '' . Rappelons que depuis l'époque de Moché notre maître et jusqu'à celle d'Ezra le scribe (5e s. avant) , chacun adressait ses prières à l'Eternel comme il pouvait, dans son langage propre. Seules les trois premières et les trois dernières bénédictions qui encadrent la prière silencieuse, ont été libellées selon la formule que nous leur connaissons jusqu’à, ce jour: 1)birkat avod, bénédiction des pères 2)birkat guévoura , bénédiction de la toute puissance de l'Eternel 3)birkat kedoucha, bénédiction de la sainteté et des trois dernières: 1)birkat ha avoda, bénédiction du service 2)birkat ha hodaa, bénédiction de la reconnaissance 3)birkat ha chalom, bénédiction de la paix
Rappelons que nos Sages du Talmud (Mo'ed katane 18 a - Sanhedrin 102 a) reconnaissent qu'une alliance est scellée avec les lèvres. En d'autres termes , la faculté est donnée à toute personne de pouvoir s'exprimer en toute liberté et d'utiliser ses lèvres pour adresser sa prière à l'Eternel. Dans le même ordre d’esprit, nous pouvons noter que la génération de la tour de Babel avait pour ainsi dire une langue unique et des paroles identiques par le fait que chaque individu utilisait les termes en usant du même langage, et que chaque mot désignait la même chose . Ainsi la communication était aisée et partagée par tous. Suite au développement de la population et son expansion, cette génération s’est rendu compte du danger qui menaçait cet acquis. Notons que divers facteurs d'ordre psychologique et climatique, exercent une influence sur le langage parlé. A l'exemple des Américains et des Anglais qui utilisent le même idiome ; et pourtant l'anglais parlé aux Etats-Unis est différent de celui du Royaume-Uni. De même en d'autres lieux, tel que l'allemand des habitants du nord et celui des résidents du sud. Même en Israël, les habitants du Galil se distinguaient par la prononciation de la lettre heth, alors que ceux de Ephraïm se reconnaissent à la prononciation du chin articulé sin. C’est la perte de cet acquis fondamental et significatif d’un langage unificateur que la génération de la tour de Babel voulait éviter. D’où leur volonté de construire une tour qui abriterait ceux qui assureront la garde, la pureté de la langue et la connaissance énorme qui s'y cache. C’est ce que le texte souligne à travers ces mots : ‘’Acher banoiu béné ha Adam - Que les fils de l’homme ont bâti’’. Cette appellation ‘’fils de l’homme’’ évoque Adam ha richone, le premier homme, qui a attribué les noms aux créatures, avec toutes les nuances et les vertus du langage dont il avait la connaissance. La transmission et la conservation de cette qualité du sens et de la portée du vocable, était donc légitime pour la génération de la tour de Babel. La perception rigoureuse du nom révélateur de la nature profonde de l’objet ou de la personne , ne satisfaisait plus le projet divin dans la perspective du nouveau monde entaché par le premier péché de la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; celui-ci étant désormais fondé sur le système de rémunération et de châtiment. Ce qui explique le pourquoi le texte ne fait pas mention d’un péché effectif et de la punition qui s’en serait suivie pour cette génération de la tour de Babel. En somme, D… a voulu corriger le cours des événements qui ne s’harmonisaient plus , suite à la transgression d’Adam et Eve. Aussi, Il a limité la compréhension et la signification profonde du langage ; ce qui a engendré des divergences de pensée, des incompréhensions et le manque d’un langage commun. Il en est résulté que les hommes avaient abandonné leur projet , celui de la construction d’un gratte-ciel, comme point de ralliement et de reconnaissance. A la lumière de ce qui précède , nous pouvons convenir que lorsque le monde connaîtra sa réhabilitation, ou comme l’appelle le Zohar, la réparation, il s’en suivra nécessairement le recouvrement du langage d’antan. Ceci nous renvoie à cet enseignement de ‘’Devarim Rabba (1 a)’’ : ‘’Sache que dans les temps à venir, l’Eternel fera germer au jardin d’Eden des arbres merveilleux’’. Et que sera cette merveille ? s’interroge le Midrash. C’est le remède apporté au langage… L’expression utilisée par le Midrash donne lieu à un double commentaire de nos Sages. Rabbi Yohanan souligne que la langue , c’est-à-dire le langage, trouvera son remède. En quelque sorte, il sera rétabli dans son essence première et portera en lui les attributs qu’il recèle en désignant tel ou tel objet ou personne, comme nous l’avons exposé plus haut. Par contre, Rabbi Yehochoua ben Levi dit que la langue , allusion à l’organe à l’intérieur de la bouche, sera guéri. En quelque sorte, la langue ne ‘’fourchera’’ plus, pour utiliser des termes inadéquats. Enfin, quel que soit le remède, la réparation du langage entraînera celle de l’univers. Et ainsi, le monde sera empli de la connaissance de D…
Grand Rabbin Chalom Benizri.
|