Berechit
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Au commencement, D… créa… Le Midrach et de nombreux exégètes soulignent le fait que le récit biblique de la création de l’univers est attribué au créateur appelé du nom de ‘’Elohim’’ uniquement D… de rigueur. Nulle mention n’est faite tout au long du premier chapitre, du nom ‘’Ado-naï’’, le Tétragramme ineffable, attribut de bonté, ou encore du nom ‘’ Chaddaï’’, le Tout Puissant qui met un terme à son œuvre. De multiples explications nous sont fournies, parmi lesquelles je voudrais rappeler celle avancée par le Rabbin Baroukh HaLévi Epstein de Pinsk. Celui-ci rappelle le principe fondamental selon lequel le créateur n’intervient pas de par sa volonté dans les lois de la nature créée, telles qu’elles furent conçues dès leur création. Comme le rapporte le Zohar, les lois de la nature imprimées dans chacun des éléments amenés à l’existence, n’est pas sujet à un changement quelconque, même lorsqu’on use de ses lois contre la volonté de l’Eternel. Comme disent les Sages dans le Talmud (Avoda Zara 54 b) : la personne qui aurait volé une mesure de blé et l’aurait ensemencé dans le sol, aurait pu s’attendre à ce que ces graines ne germent pas et ne se développent pas, du fait qu’elles ont fait l’objet d’un larcin . Il n’en est pas ainsi. La nature créée suit son cours et les personnes responsables du vol devront rendre compte de leur acte et seront jugées. On aurait pu penser également que l’homme ayant pris la femme de son prochain, ne s’attende pas à ce qu’elle conçoive un enfant de lui. Eh non! la nature suit son cours normal, même si l’union de cet homme et cette femme est un délit. C’est pourquoi les Sages dans les Maximes des Pères (chap. V, Michna 6) enseignent : ‘’ dix choses ont été créées la veille du Chabbat de la création, au crépuscule. Ce sont :1) la bouche de la terre qui engloutit Korah et ses complices (Nombres 16 – 32) ; 2) la bouche du puits de Myriam ; 3)la bouche de l’ânesse de Bilaam (Nombres 22 – 28) ;4) l’arc-en-ciel (Genèse 9, 12-17) ;5) la manne ;6) le chamir, ver minuscule capable de fondre les pierres les plus dures (Sota 48 b); 7)les caractères d’écriture ;8) les formes des lettres ; 9)l’écriture du langage selon le Méeri ; et 10) les tables de la Loi. Certains disent également les démons, esprits nuisibles, le tombeau de Moïse et le bélier du patriarche Avraham ; et d’autres ajoutent aussi la tenaille faite avec la tenaille, allusion à l’artisanat humain, à l’industrie moderne, à l’outil.
Nos Sages affirment par cela que D… a créé le monde en six jours et n’a introduit aucun changement aux lois qui en assurent le fonctionnement. Comme dit l’Ecclésiaste (I, 9) : ‘’Ce qui a été est ce qui sera, ce qui a été fait est ce qui sera fait, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.’’
Ainsi les miracles passés et futurs ont été fixés lors de la création, bien qu’ils apparaissent à nos yeux comme des phénomènes nouveaux, comme dit Maïmonide dans les ‘’huit chapitres’’. La particularité des choses citées ici par nos Sages, est d’avoir en commun le fait de participer à l’existence des enfants d’Israël, de contribuer à la réussite de sa vocation et la plénitude de sa foi. En effet, sans l’existence de ces faits miraculeux, ni le peuple juif, ni sa foi, n’auraient survécu. Méeri développe abondamment comment chacun de ces miracles est intervenu à un moment crucial de l’histoire du peuple juif et a eu une influence certaine, d’une grande portée sur le plan éthique et théologique. Et si d’autres faits miraculeux sont passés sous silence par nos Sages de la Michna tels que : la traversée de la mer Rouge ou celle du Jourdain, ou encore l’arrêt de la course du soleil sous Josué, et d’autres phénomènes relevant du miracle, c’est en fait parce qu’ils ne sortent pas de l’ordre naturel établi, et qu’en réalité ils ont été programmés et projetés dès le moment de la création de l’élément dont ils seront faits. Le Talmud (Chabbat 156 a) interprète cette parole de la Thora ‘’D… fit sortir dehors Avraham, Il le fit sortir hors de sa tente pour lui montrer les étoiles’’, en s’appuyant sur l’interprétation midrachique : sors de ton destin tel qu’il est inscrit dans les étoiles. Ce qui sous-entend que la configuration des constellations qui fixent le signe zodiacal de chacun à sa naissance, D… ne veut pas en bouleverser la nature, même là où il le faut, et préfère opter pour une autre voie vis à vis de cette personne suivant sa volonté, afin d’éviter d’apporter un changement aux lois qui régissent les constellations telles qu’elles furent fixées lors de la création. Ainsi D… dit à Avram: ‘’tu as vu dans les astres que tu n’aurais pas d’enfant. Saraï non plus. Mais Avraham et Sarah dotés d’un nom différent auront une destinée différente. Avraham et Sarah auront un fils, Isaac.
Soulignons au passage que c’est là que nous retenons la leçon que le Talmud formule en conclusion en ces termes : ‘’En mazal lé Israël, Israël n’est pas soumis aux signes du zodiaque, aux astres.’’ En d’autres termes, la doctrine du judaïsme souligne avec force que le déterminisme du destin ‘’qui serait inscrit dans les étoiles’’, n’est pas irrévocable et sans appel. Il existe des moyens d’action ultimes, capables d’influer sur le cours des destinées humaines. Ces moyens permettant de métamorphoser la personne et par voie de conséquence les signes du zodiaque dans lesquels elle est inscrite, sont : le retour vers D…, la téchouvah ; la prière, la téfilah ; et la charité, la tsédaqah. Le changement de nom et le changement de lieu produisent également un changement profond dans l’existence humaine. Alors que d’autres croyances professent la foi aveugle en la prédestination inscrite dans l’horoscope et la considère pour absolument irrévocable, Avraham le patriarche, précurseur du monothéisme, s’entend dire par l’Eternel qu’il possède la capacité de sortir hors de son destin astrologique. Il a pour ainsi dire le pouvoir de s’inscrire sous d’autres signes de par son mérite personnel, et de pouvoir ainsi intervenir dans le cours de sa destinée. Avraham père d’une multitude de nations, sort des limites de Avram, ce qui le désigne en tant que père illustre, pour échapper aux contingences naturelles physiques, sociales et économiques, dans lesquelles est confinée la destinée des autres nations. Avraham choisit d’être commandé par l’esprit.Signalons en conclusion que le nom de D… Elohim et le mot HaTévaa, la nature, ont la même valeur numérique 86. Ainsi le nom divin, attribut de rigueur, imprime des lois immuables dans la nature créée.
Bi – Rechith Dans son commentaire de la Thora, Rachi s’efforce de dégager avant tout la signification littérale du texte, le pchat. Toutefois il ne renonce pas à avoir recours au commentaire dialectique et homélitique quand il le juge nécessaire. Aussi à propos des premières paroles de la Thora, Rachi écrit : ‘’Vraiment ce texte nous dit : explique-moi’’, pour souligner que ces mots ‘’ au commencement D… créa les cieux et la terre’’, réclament en l’occurrence une interprétation homilétique qui se confond avec le sens littéral. Ces mots qui viennent en tête de la Thora rejoignent ainsi l’enseignement midrachique de nos Sages qui décomposent le mot ‘’berechith’’ en ‘’bi – rechith’’ , c’est par moi qui fut au commencement que D… créa l’univers . Soit, c’est par ‘’berechith’’, début, entendons par la Thora, que l’œuvre de la création vit le jour, en d’autres termes ‘’ le monde a été créé pour la Thora appelée commencement de Sa voix’’. Comme l’atteste le verset dans le livre des Proverbes : ‘’D… m’appela à l’existence, ‘’rechith’’, au début de son action’’ (Prov. VIII – 22).Bi- réchith signifie également : c’est pour les enfants d’Israël que le monde est appelé à l’existence ; ceux-ci sont qualifiés de ‘’commencement de la moisson’’ dans la bouche du prophète Jérémie :’’Israël est une chose sainte appartenant à l’Eternel, les prémices de sa récolte’ (Jér.II – 3). Pour bien comprendre ce qui a motivé Rachi à fondre l’enseignement du Midrach, l’interprétation homélitique, pour le mettre au niveau du sens littéral, nous devons porter notre attention sur la réflexion suivante : n’est-ce pas que le créateur de l’univers est éternel et infini! Comment dès lors l’œuvre de la création qui porte son empreinte ne peut être reconnue dans cet ordre ! Nous constatons en effet que nulle chose dans l’univers n’a d’existence permanente et éternelle, et que même les valeurs spirituelles et morales se dégradent de génération en génération et s’étiolent au fil du temps. Ainsi la Thora promulguée au mont Sinaï dans son intégralité et dans sa pureté, est frappée par l’oubli au cours des générations, si bien que nous nous trouvons de nos jours très éloignés de la perfection qui la recouvrait. De même la délivrance et la sauvegarde de l’empire concentrationnaire que connut le peuple juif en Egypte, s’est mue au cours des siècles en un nouvel exil chargé d’innombrables souffrances. Par ailleurs la destruction du Temple et la désolation du peuple d’Israël devenu étranger sur sa terre, contribuent et conduisent à la perte d’identité, à une assimilation qui menace jusqu’aux fondements de l’être juif. Comment expliquer cet ordre des événements dans l’économie de l’œuvre de la création voulue par l’Eternel ? Le mot ‘’berechith’’ qui introduit l’enseignement de la Thora, cette en-tête, nous éclaire à ce sujet et répond à notre interrogation en soulignant que le projet voulu par l’Eternel, toute la création et les éléments tant au niveaux matériels et spirituels qu’elle renferme, sont contenus en germe dans ‘’berechith’’. En d’autres termes, il faut considérer tout cela au stade du commencement voulu par l’Eternel, soit que cette œuvre et son entreprise dans sa globalité sont en vue de l’évolution souhaitée et l’aboutissement qui lui est assigné, à savoir : la Thora et les mitzvoth. L’ensemencement d’un grain de blé nous offre un exemple éloquent qui illustre notre propos. La graine enfouie dans la terre germe, pousse, produit un nouvel épi et se multiple abondamment. Celle-ci vouée à la disparition après germination au fond de la terre, renaît et se reproduit. Il en est ainsi pour l’ensemble des éléments qui participent à la création. Bien qu’ils soient appelés à l’existence pour demeurer à jamais, néanmoins ils passent avant tout par différentes phases, tels les six jours de la création. Ainsi toutes les mutations et les évolutions que connaît le monde, les processus de croissance et de renaissance, font partie d’un cheminement et d’un développement qui concourent à le porter à sa finalité. Certes les voies de l’Eternel sont impénétrables. Nous ne pouvions appréhender le pourquoi l’œuvre de la création se déploie de telle manière ou autre, ou qu’elle suive tel ou tel processus pour parvenir à sa maturation ultime. Comme dit le prophète Jérémie : ‘’Car vos pensées ne sont pas mes pensées , ni mes voies ne sont vos voies, dit l’Eternel’’ (Jér. LV – 8). En définitive il importe de savoir que nulle existence dans la création n’est vouée à l’abandon. Tout ce qui est, bien qu’il échappe à notre entendement ou qu’il heurte notre bon droit, notre bon sens esthétique ou moral, participe en vérité et dans l’absolu, au stade du commencement. En somme, il constitue une parcelle de ce processus appelé ‘’berechith’’, et en l’absence duquel on ne pourrait parvenir au but ultime, celui d’un univers irradié de la présence divine et où l’humanité se délecte de ses bienfaits.
L’origine de l’homme L’origine de l’homme a toujours éveillé l’intérêt et suscité la curiosité de la pensée humaine. Pourtant nulle preuve convaincante, nulle explication satisfaisante n’est venue combler ou apaiser cette recherche. L’ imagination fertile de l’homme vagabonde ici et là, émet des hypothèses, avance des arguments pour soutenir l’une ou l’autre théorie. Il n’en reste pas moins que l’irréversibilité du temps ne lui permet pas de soumettre le passé à l’examen. Les enseignements de la Thora par contre, n’accordent pas grand intérêt à ce qui a précédé la venue à l’existence de l’homme. C’est davantage sa finalité plutôt que son origine qui motive son questionnement. C’est là sa préoccupation première : ‘’Ayéka – où es-tu homme ? Quelle est l’orientation que tu t’es donnée ? Quel est le but que tu t’es assigné pour te réaliser dans ton existence ici-bas ?’’. La Thora s’attache au sens de la vie de l’homme, à sa réalisation active dans l’espace et le temps qui lui sont assignés. La quête de l’origine de l’homme demeure l’apanage de la science. Celle-ci ne s’implique pas dans la recherche des normes d’ordre éthique, moral ou affectif, mais uniquement dans la compréhension de la nature. Pour la Thora, l’homme est doté du souffle divin. Il est créé à la ressemblance de ce qui caractérise son créateur. Animé du souffle de vie déposé en lui par l’Eternel, l’homme s’en trouve anobli. C’est pourquoi l’homme doit aspirer à la spiritualité, à ce qui fait de lui un être élevé. A l’instar du premier homme, il doit répondre à la question de l’Eternel : ‘’Où es-tu homme ?’’. L’écho de cette voix résonne dans les profondeurs de son âme, dans son subconscient. Il est invité à se frayer le chemin de la vie, modulé au rythme du mode de vie que lui prescrit la Thora. Le danger qui le guette, c’est de voir son esprit soumis et inféodé à ses pulsions, à ses penchants de toute nature. Le réveil sera d’autant plus douloureux que la confusion de l’échelle des valeurs éthiques, morales et spirituelles l’aura submergé. Pris dans la tourmente et la confusion des pressions de toutes parts qui s’exercent sur lui dans la société qui l’environne, et le mode de vie qu’elle fait miroiter à ses yeux, il finit par être perverti, comme en témoigne la Thora à travers le récit de ceux qu’elle nomme ‘’les fils de la race divine’’ (Gen. VI – 2). Ces derniers trouvèrent que les filles de l’homme étaient belles et choisirent pour femmes toutes celles qui leur convinrent. C’est cette déchéance de « la femme objet » notamment, qui a conduit inéluctablement au déluge. Le danger qui guette l’homme, c’est d’oublier l’image divine qui est déposée en lui; et plus douloureux encore, c’est lorsqu’il l’arrache et la rejette loin de lui, pour vivre sans foi ni loi. Nos Sages font remarquer que le règne animal fut créé en conformité avec sa volonté d’être. En d’autres termes, l’Eternel les a conçus selon le souhait exprimé par chaque bête selon son espèce, son aspect, ses facultés, ses caractéristiques. Comme si chacune de ces créatures avait la possibilité d’exprimer sa manière d’être. C’est ce qui ressort de l’expression du texte tel que :’’Que les eaux fourmillent d’une multitude animée…’’ (Gen. I – 20), ou encore:’’Que la terre produise des être animés selon leur espèce…’’ (Gen. I – 24). Par contre, à propos de l’homme, le texte souligne : ‘’Faisons l’homme à notre image , à notre ressemblance…’’ (Gen. I – 26) . L’homme n’est donc pas né comme il aurait voulu, mais selon la volonté du créateur. Aussi, l’ayant doté du libre arbitre et ayant fait de lui le couronnement de la création, l’homme peut occasionner par ses actes la déchéance et la destruction de toute la création, en s’insurgeant contre la volonté de son créateur. D’autant plus qu’il a été désigné comme le collaborateur de l’Eternel dans l’œuvre de la création. Enfin, rappelons cet enseignement de nos Sages dans ‘’Les Maximes des Pères’’:’’Rabbi Eleazar Hakapar dit : c’est contrairement à ta volonté que tu fus créé, que tu vis, que tu meurs et que tu es appelé dans l’avenir à rendre compte de tes œuvres devant le Saint béni soit-Il’’ (Max. fin chap. IV). C’est parce qu’il en est ainsi que l’école de Beth Chammaï et celle de Beth Hillel, après avoir soutenu un débat prolongé d’une durée de deux ans et demi, en vinrent à la conclusion que si l’homme avait à choisir s’il aurait mieux valu pour lui de venir à l’existence ou pas, le conseil arrêté est de porter son choix sur la non venue au monde. Mais, qu’étant appelé à naître malgré sa volonté, il lui faut méditer ses actes. Ainsi donc, dès sa naissance, l’homme est appelé à assumer son existence en mettant en œuvre toutes ses aptitudes et les facultés déposées en lui par son créateur.
Grand Rabbin Chalom Benizri.
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