BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

Le blasphème

La Thora rapporte ce récit : ‘’Il arriva que le fils d’une femme israélite et fils d’un Egyptien, sortit au milieu des enfants d’Israël ; ils se querellèrent dans le camp, ce fils d’une israélite et l’homme israélite. Le fils de la femme israélite proféra, en blasphémant, le nom sacré ; on le conduisit devant Moïse. Et le nom de sa mère était Chéloumith, fille de Dibri, de la tribu de Dan’’.(Lév. XXIV – 10, 11).

Rachi rapporte cet enseignement du Midrach Rabba (32 – 3) qui s’interroge à propos de l’indication du texte : ‘’le fils d’une femme israélite sortit’’. D’où sortait-il ?

Rabbi Lévi dit : Il sortit de son monde. Comme il est dit à propos de Goliath :’’Alors un géant sortit des rangs des Philistins’’ (I Samuel XVII – 4). 

Rabbi Berakhia dit : Il sortait du passage précédent du texte qui indique :’’Et tu prendras de la fleur de farine, et tu en cuiras douze galettes…, chaque jour de Chabbat on les disposera devant l’Eternel, en permanence’’. Ce fils d’une femme israélite raillait cette indication de la Thora, visant les pains de proposition disposés sur la table du Temple. Il tournait cela en ridicule en disant : La coutume du roi est de manger chaque jour du pain frais ; serait-elle  maintenant de manger du pain vieux de neuf jours ?

Rabbi Hiya dit : Il est sorti du passage de la Thora qui traite de la généalogie des enfants d’Israël, d’après leur filiation à la tribu dont ils sont issus et leur appartenance à la maison paternelle. Rabbi Hiya poursuit en disant :  Ce fils d’une femme israélite a voulu planter sa tente dans le campement de la tribu de Dan. Ceux-cilui dirent : de quel droit plantes-tu ta tente parmi nous ? Il leur répondit : je suis descendant de la tribu de ma mère, celle de Dan. Ils lui répliquèrent : ‘’Chacun est rangé sous une bannière distincte, d’après leur tribu paternelle ; ainsi camperont les enfants d’Israël’’ (Nb. II – 2), et non en rapport avec la mère. Il s’adressa au tribunal de notre maître Moïse qui le condamna. C’est alors qu’il blasphéma.

Le développement de ces paroles de la Thora, sous l’éclairage du Midrach et des trois opinions qui y sont exposées, nous invite à tirer les enseignements suivants :

Ainsi, l’opinion de Rabbi Lévi, selon laquelle ce fils d’une femme israélite était sorti de son monde, veut nous signifier que celui-ci a renoncé à sa part au monde à venir. En effet, en se rendant coupable de blasphème et en reniant l’Eternel, la loi le condamne au retranchement de la communauté d’Israël. Il ne fait plus partie du peuple de l’Eternel, qui s’inscrit dans le projet d’une vie et d’une existence dans le devenir du monde éternel. Et la référence choisie est celle de Goliath que le roi David accuse d’avoir défié les légions du D… vivant. En défiant D…, Goliath est sorti, il s’est exclu du monde à venir.

L’opinion de Rabbi Berakhia se fonde sur la juxtaposition du récit de cet épisode du blasphème, au passage précédent de la Thora, que nous avons évoqué. 

Rabbi Berakhia veut mettre en évidence que la raillerie des commandements de la loi de l’Eternel a été la cause qui a mis cette personne sur la voie du mal, au point de se laisser entraîner à blasphémer. Celui-ci ayant appris les règles relatives aux pains de proposition, dont le sens nous échappe   et  demeure caché, au lieu d’avouer son incompétence à les appréhender, attribue son incompréhension à l’incohérence dont il qualifie cette prescription et s’est permis de se moquer des paroles de la Thora.

Rabbi Hiya par contre met en exergue l’importance de la filiation et de l’appartenance à une famille, soit à la lignée dans laquelle on s’inscrit, garante du plein épanouissement de l’individu ; de son adhésion aux valeurs religieuses, morales et sociales. Privé d’un cadre de vie familial et communautaire, la personne risque de s’égarer sous les influences étrangères, et connaître la dégradation et le déracinement des normes et  des  valeurs  ancestrales. 

 

Consécration du Cohen

Cette section de la Thora intitulée Emor, expose longuement les lois particulières réservées aux Cohanim, aux prêtres, et nous fait part de leurs devoirs et de leurs droits : la responsabilité qui leur incombe vis-à-vis du peuple et réciproquement. 

Au delà de toutes les règles minutieusement détaillées, il y a une indication générale adressée au peuple quant à sa conduite à l’égard des Cohanim, énoncée en ces termes : ‘’Tiens le pour saint, car c’est lui qui offre le pain de ton D… Qu’il soit saint pour toi, parce que Je suis saint Moi l’Eternel qui vous sanctifie’’(Lév. XXI – 8). 

La tradition nous enseigne que les enfants d’Israël doivent se montrer respectueux à l’égard des Cohanim et pourvoir à leur subsistance en leur offrant régulièrement les vingt-quatre prélèvements appelés ‘’matanoth kehouna’’, car le culte sacrificiel qui leur est confié, attire la bénédiction céleste sur l’ensemble de la nation. Il est à remarquer néanmoins qu’il ressort de ce verset que le devoir de respecter leur sainteté n’est pas lié à leur sacerdoce. Il subsiste, même après la cessation du culte des sacrifices. C’est pourquoi le texte dit : ‘’Il restera saint pour toi’’. Le Choulhane Aroukh déclare : ‘’Il est interdit même de nos jours de se faire servir par un Cohen… à moins qu’il ne renonce à l’honneur qui lui est dû’’.  Le Cohen ne peut certes pas abdiquer et se désister des devoirs qui découlent de son privilège de naissance. Mais il peut selon certaines opinions, renoncer aux honneurs qui lui reviennent. Maïmonide va plus loin encore et conteste ce droit de renonciation. Le verset précité nous met en présence de la rencontre de quelques types de sainteté : la sainteté du Cohen et celle de l’Israélite, la sainteté acquise par l’effort de l’homme et celle octroyée par l’élection divine. Cependant, au dessus de toutes, plane la sainteté du Roi des rois ‘’ki kadoch ani Hachem Elokehem – parce que Je suis saint Moi l’Eternel qui vous sanctifie.

 

Oblation 

Deux offrandes sont présentées au Temple en rapport avec la supputation du omer ordonnée par la Thora. La première au début du compte des quarante-neuf jours, et la deuxième au terme de cette période. La première appelée l’offrande du omer, est composée d’un pain azyme, alors que la seconde est présentée sous forme de deux pains levés. Cette dernière est à l’opposé de toutes les oblations qu’on apportait au Temple, à propos desquelles il est dit : ‘’Aucune oblation que vous offrez à l’Eternel ne doit être fermentée, car vous ne ferez fumer d’aucune espèce de levain ni de miel comme combustion, pour l’Eternel’’(Lév. II – 11). Afin de comprendre la différence entre les deux offrandes, nous devons nous référer à ce qui distingue le pain levé et le pain azyme. Ce qui est particulier à ce dernier, c’est qu’il est désigné de pain de misère. En effet, tant par sa consistance, farine et eau, que par sa forme invariable, il est pauvre, alors que le pain levé est mû par l’action de la fermentation qui fait travailler  la pâte et lui donne forme. Et néanmoins, le pain azyme représente le symbole d’une valeur élevée, celle de la nature originelle chez l’homme, couronnement de l’œuvre de la création divine. Cet état originel est sain, et le met à l’abri des voies sinueuses de la vie. Comme dit le roi Salomon : ‘’… c’est que D… a fait les hommes pour être droits. Ce sont eux qui ont recours à toutes sortes de roueries’’ (Eccl. VII – 29). 

Le pain levé par contre, symbolise l’homme en pleine activité qui jouit de toutes ses facultés et  de sa liberté d’action, au point même qu’il vient à ignorer le créateur qui l’en a gratifié. C’est pourquoi le seul remède du hamets, c’est d’être consumé par le feu. Voilà ce qui explique le refus d’apporter  l’offrande du pain levé en ce lieu consacré à l’aspiration de l’homme à la recherche de la proximité de son créateur, au lendemain de la libération d’Egypte. Le seul moyen de réhabiliter le hamets, ce penchant du mal qu’il représente, c’est de le soumettre aux directives de la Thora. C’est par le biais de la liberté acquise au travers de la réalisation des mitzvoth, que l’homme peut approcher son créateur et devenir un partenaire appelé à poursuivre et à collaborer à l’édification de l’univers créé par D…   

 

L’arrivée au pays

Nous lisons dans cette section de la Thora : ‘’Parle aux enfants d’Israël et dis leur : Quand vous serez arrivés dans le pays que Je vous accorde et que vous y ferez la moisson, vous apporterez un omer des prémices de la moisson au Cohen (au prêtre)’’ (Lév. XXIII – 10). Cette offrande des prémices de la moisson, est qualifiée par nos Sages comme une expression de gratitude à l’Eternel pour la nouvelle récolte de l’orge. La Thora recommande au Cohen de balancer cette mesure d’orge, le omer, devant l’Eternel. Ce balancement consiste en un mouvement horizontal de va et vient, puis d’élévation et d’abaissement. Nos Sages du Talmud (Menahoth 62 b) précisent que ce geste doit être effectué accompagné de la pensée à celui à qui appartiennent les quatre points cardinaux.  Cet acte manifeste que le produit qui résulte de l’œuvre de l’homme, de son labeur, est lié néanmoins au créateur et au dispensateur des produits de la terre. L’Eternel bénit le sol et nous accorde ses fruits. Cet hommage rendu à l’Eternel dans son Temple, précisément au lendemain de la fête de Pessah qui commémore l’avènement de la liberté nationale, renferme ce message , celui de ne pas nous laisser emporter par un sentiment d’orgueil ou par l’égoïsme et l’arrogance qui nous entraîneraient au reniement de la toute puissance divine. La singularité de cette offrande de gratitude en hommage à l’Eternel, réside précisément par le fait qu’il met en exergue, non pas un fait miraculeux qui sort du cadre de la nature et qui heurte notre entendement, mais bien au contraire, il porte aux nues la nature créée par l’Eternel, et la bonté de la providence divine, dispensatrice des biens mis à notre disposition tout naturellement. C’est cette nature dans sa simplicité, dans son cours normal, pour laquelle nous glorifions l’Eternel. C’est cette idée que les Sages du Midrach ont voulu mettre en évidence en nous invitant à prêter attention à ne point considérer la mitzva du omer comme étant simple et anodine. Car c’est par le mérite de l’accomplissement de cette mitzva que le patriarche Avraham a eu en possession la terre d’Israël. Et effectivement, la première ordonnance que les enfants d’Israël mirent en pratique lorsqu’ils s’installèrent au pays au temps de Josué, était celle de l’offrande du omer, pour montrer ainsi la manifestation de la providence divine qui gouverne son peuple sur cette terre. Une terre sainte dont chaque grain de sable recèle des valeurs qu’il dissimule, derrière le cours naturel des événements qui débouchent sur l’avènement messianique.

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.