BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

Le Tabernacle  -  Temple 

Le Rabbin Elie Munk dans son commentaire ‘’La voix de la Thora’’ introduit le passage de la Thora consacré à la construction du Tabernacle, les divers objets qu’il contient et le service cultuel, en rappelant que ‘’après la conclusion de l’Alliance et la promulgation des principales lois morales, sociales et religieuses, les enfants d’Israël sont appelés à offrir leur contribution matérielle au bénéfice de la cause sacrée … Bien plus qu’une profession de foi purement platonique ou même qu’une attitude morale et sociale envers autrui, la Thora exige un dévouement total à l’Eternel de la part de la nation comme de la part de chaque individu, et la forme la plus élémentaire de cette consécration est la contribution matérielle fournie par chaque membre de la nation ‘’en l’honneur de D… ‘' comme il ressort du texte. 

L’accent mis sur le but ultime de la réalisation de cette œuvre nous permet de comprendre l’étendue des multiples menus détails ordonnés par la Thora quant à la confection du Tabernacle et de ce qu’il renferme, et du service sacerdotal qui doit s’y accomplir. Seule l’obéissance scrupuleuse aux ordonnances s’y rapportant est garante de la présence de D… en ce lieu. Le moindre écart des instructions et des dispositions indiquées pour chaque élément de cet édifice et de son contenu, constitue une contrefaçon, qu’il s’agisse du poids, de la nature des matériaux utilisés, de la taille et de la forme. Le devoir de se conformer aux moindres petits détails s’étend également à l’édification du Temple à venir, comme en témoigne cette recommandation du roi David à son fils le roi Salomon : ‘’Tout cela, tous les détails du plan, est consigné par écrit tel que l’inspiration de l’Eternel me l’a fait connaître’’.

Rachi rapporte que tout changement apporté à la confection des chérubins qui surmontent l’Arche de l’Alliance, est frappé de la défense :’’Ne m’associez aucune divinité, dieux d’argent, dieux d’or, n’en faîtes point pour votre usage’’(Ex. XX, 23).

Dans le même ordre de pensée, Nahmanide souligne l’interdit tout particulier qui s’applique à l’emplacement réservé aux objets du Tabernacle ou du Temple, tel que l’ordonne la Thora : ‘’Attachez-vous scrupuleusement à tout ce que je vous ai prescrit’’ (Ex. XXIII, 13).

Rabbi S. R. Hirsch voit dans le Tabernacle et dans les objets sacrés qu’il contient, l’expression symbolique de la pensée qui nous engage à nous élever vers l’idéal de la sainteté et de l’amour de D… Partant de là, il démontre notamment que les métaux cités représentent une image métaphorique de certaines valeurs morales graduées selon leur alliage avec des facteurs du mal et de l’iniquité, ou comme symbole du processus de purification sur les plans de la morale et de l’équité. Ainsi   le    cuivre  נחושת représente, en raison de ses propriétés métallurgiques, la nature neutre, non ennoblie ; l’argent, כסף celui du processus de purification en vue de l’obtention de la parfaite pureté de   l’or זהב. Il en va de même pour les étoffes, le שש byssus   (fin lin) représente  l’aliment végétatif dans la personnalité humaine, alors que le  שני      l’écarlate, fourni par l’insecte cochenille représente l’élément animal et le ארגמן    la pourpre, celui du facteur humain, le rouge étant par excellence אד'ם le rappel de                      l’homme et enfin le תכלת                        l’azur, évoque les régions célestes où trône la divinité.

Par ailleurs, une des explications fournie aux menus détails à observer dans la réalisation du Tabernacle – Temple, se trouve dans sa représentation en modèle réduit de l’univers et de tout ce qu’il renferme. Ce qui nous suggère que les 39 travaux de base interdits le jour du Chabbat sont calqués sur ceux accomplis en vue de l’ensemble de cette œuvre. Ceci pour permettre à l’homme d’avoir un aperçu de l’œuvre de la création des cieux et de la terre.

 D… lui offre une image et un modèle de son ouvrage à travers les travaux exigés pour l’édification du Tabernacle – Temple et ce qu’il renferme. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’enseignement talmudique : ‘’Betsal El   savait   agencer les lettres par lesquelles 

furent créés les cieux et la terre’’ (traité Berakhoth 55 a). 

Betsal El connaissait le secret des lettres au moyen desquelles D… créa l’univers et à l’aide de ces lettres, il a construit le modèle réduit de l’univers, le Temple – le Tabernacle. Ainsi donc toute la création est un immense sanctuaire créé par l’Eternel et au cœur de celui-ci, à Jérusalem, l’Eternel nous a ordonné de bâtir un modèle réduit afin que dans cette miniature particulière réside la présence divine et que de la sorte dans la terre de Sion il y ait un Tsion, un ‘’ lieu de repère’’ particulier de sa majesté, telle la capitale d’un grand royaume. Dès lors nous comprenons aisément pourquoi tant de détails sont importants dans la réalisation de cette œuvre.            

 

Mon prélèvement

‘’Parle aux enfants d’Israël, qu’ils prennent pour moi un prélèvement, de tout homme que portera son cœur, vous prendrez mon prélèvement’’ (Ex. XXV – 2).

L’expression ‘’vous prendrez mon prélèvement’’ semble à priori une répétition superflue dans ce verset. Le lecteur attentif ne saisit pas pourquoi après avoir recommandé à chacun des membres du peuple d’Israël de participer de son don, soit un prélèvement, il est nécessaire de souligner : ‘’de tout homme porté par son élan du cœur à faire cette offrande’’. 

Le Zohar explique que ‘’kol ich’’, tout homme, désigne le ‘’Erev rav’’ une tourbe nombreuse, les non- Juifs qui se sont mêlés aux enfants d’Israël sortis d’Egypte. Ainsi la Thora s’adresse en premier aux enfants d’Israël, en leur recommandant de donner leur participation ; puis se tournant vers les personnes non incluses au sein des enfants d’Israël, en précisant que c’est de leur plein gré qu’ils sont invités à prendre part à cela. Certes, on peut se demander pourquoi la Thora met l’accent sur l’élan du cœur précisément en ce qui concerne ces personnes. Référons-nous pour cela à cet enseignement talmudique (Baba batra 10 b) :

Rabbi Yohanan ben Zaccaï dit à ses élèves : mes chers enfants, quel est le sens du verset qui dit ‘’la justice grandit une nation, le crime est l’opprobre des peuples’’(Prov. XIV – 34). Rabbi Eliezer répliqua : ‘’la justice grandit une nation’’ fait allusion au peuple d’Israël, à propos duquel il est écrit : ‘’Y a-t-il comme ton peuple Israël une seule nation sur la terre que D… lui-même soit allé délivrer d’Egypte pour en faire son peuple…’’ , et la fin du verset :’’le crime est l’opprobre du peuple’’, désigne la justice et la bonté pratiquées par les nations qui sont condamnables, parce que motivées par leur intérêt de grandeur. Comme l’atteste le texte : ‘’Ils offrent des sacrifices agréables au D… du ciel et prient pour la vie du roi et de ses fils’’(Ezra VI – 10). Ce qui signifie clairement que le but de leur offrande est intéressé.

Le Talmud pose la question : la personne qui agit de la sorte ne serait-elle pas néanmoins considérée favorablement ? En effet, la beraïta enseigne par ailleurs : celui qui déclare : je fais don de cette pièce de monnaie afin que mes enfants vivent, ou pour que j’aie part au monde à venir- bien qu’il accomplisse le geste  pour un profit personnel, est considéré comme un homme intègre.

Pour rétablir cette contradiction, le Talmud fait la distinction entre le don de l’israélite et celui du non-juif. 

Le Talmud poursuit en rapportant  d’autres opinions et interprétations, et conclut cet échange par l’explication de Rabbi Yohanan ben Zaccaï, qui dit que le verset des Proverbes se traduit de la façon suivante :De même que l’offrande d’un sacrifice d’expiation apporte le pardon aux enfants d’Israël, de même la justice et la charité procurent le pardon aux nations.

Revenons néanmoins à l’interprétation du verset par Rabbi Eliézer, pour comprendre le fond de sa pensée. Car, bien que son explication n’ait pas été retenue, elle mérite d’être développée pour ne pas être condamnée et rejetée pour cause de relents racistes ou empreints d’un rejet et d’exclusion du non-juif. Ce que Rabbi Eliezer veut mettre en exergue et distinguer, c’est l’action de justice et de bonté, fondée sur la foi ou portée par un élan enfoui dans le cœur et l’esprit de la personne. Chez l’israélite le plus éloigné de la pratique des mitzvoth, on trouve néanmoins un acquis ancestral, une vibration intime de source lointaine et dissimulée dans les replis de son cœur, de sa mémoire et de sa conscience. Il n’en est pas de même pour les personnes idolâtres, ou celles qui fondent leur existence sur la croyance des constellations du ciel et qui se fient au hasard, parce que  la justice et la bonté dont celles-ci font état  s’avèrent 

mues par un intérêt de quelque ordre que ce soit, et  nul jugement positif de leur acte ne peut être invoqué. C’est dans cet esprit que Rabbi Eliézer propose son interprétation du verset des Proverbes. Celle-ci s’applique bien également à l’expression du verset ‘’de tout homme que portera son cœur, vous prendrez mon prélèvement’’. En d’autres termes, si des personnes étrangères à la croyance du peuple juif, désirent prendre part à l’édification du Temple, lieu de résidence de la présence divine, elles ne pourront le faire que si elles sont mues par un sentiment propre de toute égoïsme, d’orgueil ou d’humiliation à l’égard des enfants d’Israël et de leur D…

 

Le sanctuaire

Cette paracha et celles qui suivent, ‘’Tetsavé’’, ‘’Ki Tissé’’, ‘’Véyakel’’ et ‘’Pekoude’’, sont consacrées à la construction du Tabernacle. Ce projet et sa réalisation sont décrits dans le moindre détail par la Thora. Contrairement à son habitude d’être très concise dans ses enseignements pour d’autres sujets , et non des moindres, tels que les lois relatives au Chabbat qui sont d’une importance  considérable, ici, par contre, la Thora s’étend dans des descriptions détaillées en vue de l’édification du Temple amovible. Curieusement on remarque que même en ce qui concerne la construction du Temple du roi Salomon, et dans la prophétie d’Ezechiel dans sa vision du troisième Temple, de nombreux chapitres lui sont consacrés pour le décrire longuement. D’où la question de savoir pourquoi lui accorde-t-on un si grand intérêt ? Quelle importance représente-t-il ?

Rabbi Moché Bar Nahman explique cela dans son introduction au livre de l’exode, en disant :’’Le décret de l’exil ne connaîtra son terme que lorsque les enfants d’Israël retourneront dans leur pays et qu’ils atteindront le niveau de leurs patriarches Avraham, Itshaq et Yaacov’’.

Lorsque les enfants d’Israël sont affranchis de l’exil en Egypte, bien qu’ils aient acquis la liberté, ils sont encore considérés en état d’exil. En effet, ils se trouvent toujours hors du pays promis. Ils traversent le désert. Mais arrivés au mont Sinaï pour y recevoir la Thora et ayant érigé le tabernacle, la présence de l’Eternel résida parmi eux. Ils connurent alors le niveau spirituel de leurs ancêtres et atteignirent la délivrance. Ceci explique pourquoi le livre de l’exode se clôture par l’édification du sanctuaire. On retient de cette explication de Nahmanide une idée nouvelle et profonde à propos de la délivrance finale. Ce n’est pas uniquement la liberté de toute forme d’asservissement et même la conquête de son pays, qui font d’un peuple asservi, un peuple libre. Ce qui est singulier et unique en son genre dans la délivrance d’Israël, fut dans la proximité de D… qu’ils connurent, à l’instar de celle des pères de la nation. Ce qui leur a permis cette ascension, c’est le sentiment profond qu’ils éprouvèrent lors de la révélation de l’Eternel au mont Sinaï et les ordonnances qui furent établies pour l’édification du Temple ainsi que le service sacerdotal qui symbolise cette approche de l’Eternel et la met à leur portée. Ainsi donc, la valeur considérable attribuée au tabernacle et au Temple, est liée au fait que la présence divine réside au sein des enfants d’Israël ; ce qui leur permet de s’élever au plus haut niveau. Certes, D… emplit toute la terre et ne peut être contenu dans un espace délimité. Comme dit le roi Salomon lors de l’inauguration du Temple : ‘’Mais est-ce qu’en vérité D… résiderait sur la terre ? Alors que le ciel et tous les cieux ne sauraient Te contenir, combien moins cette maison que je viens d’ériger. Tu accueilleras cependant Eternel mon D…, la prière et les supplications de ton serviteur. Tu exauceras la prière fervente qu’il t’adresse en ce jour’’ (I Les Rois VIII- 27). Le roi Salomon proclamait ainsi publiquement que ce n’est nullement une vraie habitation qu’il a bâtie pour l’Eternel. Comme dit le prophète Isaïe :’’Ainsi parle l’Eternel :’Le ciel est mon trône et la terre mon marche-pied : quelle est la maison que vous pourriez me bâtir, le lieu qui me servirait de résidence ? Mais tout cela, ma main l’a créé ! Tout cela est né d’une parole de l’Eternel’’(Is. LXVI – 1). Le Temple est destiné au peuple d’Israël pour lui servir de point de ralliement, de centre spirituel, un lieu d’élection pour la gloire de l’Eternel, à l’exemple du corps humain qui sert de sanctuaire et d’habitacle pour l’âme qui l’anime. Et comme dit la Thora :’’La nuée enveloppe la tente d’assignation, et la majesté du Seigneur emplit le tabernacle’’ (Ex. XL – 34). C’est dans le même ordre     d’idée     que    nos    Sages expliquent cette expression de la Thora ‘’qu’ils prennent pour Moi un prélèvement’’ (Ex. XXV – 2). Il ne s’agit certes pas de faire un don à l’Eternel. Peut-on donner à Celui à qui tout appartient ? Le choix du verbe est révélateur. Il n’est pas dit ‘’qu’ils donnent’’, mais ‘’qu’ils prennent’’, ce qui sous-entend qu’ils prélèvent de ce que D… leur a donné pour le vouer au service de l’Eternel ; ou encore, à mon humble avis : ‘’véyik’hou li – qu’ils me prennent’’, dans le sens d’une union d’un attachement profond.  Le Midrach Rabba enseigne à propos de cette parole de la Thora ‘’Ils prendront pour Moi une offrande’’. Ceci est en rapport avec ce que dit la Thora par ailleurs : ‘’La Thora que Moïse nous a présentée est un héritage pour l’assemblée de Jacob’’ (Deut. XXXIII – 4). Rav Simhaï souligne le mot ‘’moracha – héritage’’ et nous propose une deuxième lecture. Ne lis pas ‘’moracha – héritage transmis par d’autres’’, mais ‘’Yéroucha – un patrimoine’’. Ainsi la Thora représente l’identité même du peuple juif. Voilà ce qui explique selon le Rav Yehouda Léon Esckenazi (Manitou), le pourquoi le texte dit : ‘’D… réside en eux (Israël) et pas seulement en Lui, en le sanctuaire.’’

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.