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La foi !!! L’enseignement de la foi ouvre sur deux voies d’accès, celle qui relève de la raison, de l’ordre de la pensée, de la réflexion et de l’argumentation, et celle de la vision intérieure, profonde et intime. La première permet à l’homme de connaître le créateur par le biais de la création de l’univers ; les merveilles qu’il recèle attestent de l’existence de celui qui les a appelées à la vie. Cette réflexion évoque la démarche première du patriarche Avraham. Nos Sages rapportent qu’à l’âge de trois ans Avraham reconnut son créateur. A la question : Qui a créé l’univers ? C’est l’astre solaire, se dit-il ; mais la nuit tombée, il comprit qu’il n’en était rien. Il se dit alors : c’est la lune entourée de tous ses serviteurs, les étoiles. Il se ravisa pour conclure après mûre réflexion, qu’en vérité il y a un créateur de l’univers et de tout ce qu’il renferme. C’est ce mode d’approche et d’analyse qu’adopte également l’auteur de l’ouvrage ‘’Le devoir des cœurs’’ pour étayer la foi sur base de preuves logiques qui attestent du créateur. En effet, ce maître a pensé : Est-il possible qu’une goutte d’encre tombe sur une feuille et que par le plus heureux des hasards, elle se répande de façon telle qu’elle se divise en lettres, en mots, en phrases pour donner corps à un exposé d’une parfaite harmonie ? Certes, cela serait utopique. Une page manuscrite impose à tout esprit doté de raison qu’elle n’est pas le fruit du hasard et qu’elle est certainement l’œuvre d’un homme. Il en va de même pour toutes les choses qui nous entourent. Leur présence et tout ce qui les compose, attestent indéniablement qu’elles sont le produit d’un créateur. Il en est de même , pourrait-on dire, de la foi en l’Eternel en ce qui concerne notre existence. Seul D… est doué d’une sagesse infinie, omniscient, éternel, etc ... Et par là même, nous ne pouvons concevoir que l’univers créé par D… soit venu à l’existence d’une façon inattendue, aléatoire , sans une attention et une conception premières bien réfléchies et dans un ordre précis. Les merveilles de ce monde racontent la gloire de l’œuvre de l’Eternel et manifestent d’une façon éclatante l’existence du créateur; et cependant la connaissance du créateur à partir de ce raisonnement demeure imparfaite, car fondée sur la raison uniquement, elle reste limitée. Par ailleurs, la grandeur de la divinité ne peut être mesurée sur base de la parcelle infime de la création que l’homme est en mesure d’atteindre. La grandeur divine est bien au delà de tout ce que l’homme peut saisir. Nos sages disent que le Saint béni soit-Il, a créé ce monde au moyen d’une seule lettre, la lettre hé. Ils tirent cela du verset qui dit :’’ki beyah Hachem tsour ‘olamim - c’est par ‘’yah’’= ‘’youd ‘’ et ‘’hé’’ que l’Eternel a façonné les mondes’’ . D’où nos Sages concluent que par la lettre youd, D… a créé le monde à venir, et par le hé, le monde ici-bas. Ainsi donc; deux des vingt-deux lettres de l’alphabet ont suffi pour créer l’univers dans lequel nous vivons. Nos sages nous font remarquer que la lettre ‘’hé’’ qui a présidé à la création de notre monde, est la lettre la plus facile à prononcer, à émettre parmi toutes les autres, parce qu’elle émane tout naturellement du souffle expiré, sans nul effort et dans le plus grand silence. J’insiste encore en faisant valoir que, quand bien même l’homme est émerveillé par la splendeur et la magnificence de la création et qu’il porte son regard vers les hauteurs pour proclamer avec vénération ‘’séou marom enekhem our ou mi bara elé - ‘’ portez vers les hauteurs vos yeux et voyez qui a créé cela’’, il reste limité dans ses perceptions. Ainsi donc on ne peut se contenter d’une reconnaissance de l’Eternel à travers la découverte des merveilles de l’univers ; la foi doit être fondée sur une base plus élevée, elle procède d’une animation intérieure , intime de l’être. La foi fondée sur une logique bien étayée, confortée par la contemplation des éléments du monde créé, attestent de leur créateur. Cette approche appartient néanmoins à une logique , à une argutie qui s’appuie sur un principe d’ordre général pour en déduire la preuve d’une particularité. Ce qui n’est pas le cas de la croyance fondée sur une vision intérieure. Pour illustrer cela, prenons l’exemple de la loi relative à la restitution d’un objet perdu. Le propriétaire d’un livre perdu qui donne un signe distinctif de son livre tel que la présence d’un trou à telle page au niveau de telle ligne, prouve par là même qu’il en est le propriétaire et récupère son bien. C’est après avoir donné un signe incontestable que lui seul détient, que la restitution peut s’effectuer. Cependant quand bien même le signe distinctif constitue un élément de preuve irréfutable, celui-ci demeure néanmoins un élément particulier qui renseigne sur l’ensemble, soit une page x sur y pages. C’est par extrapolation que cet élément singulier s’étend à l’ensemble du livre. C’est là l’illustration du principe appelé ‘’prat’’, l’élément particulier qui renseigne sur le ‘’klal’’ , l’ensemble. La loi prévoit également une autre procédure pour la restitution d’un objet perdu et qui est plus probante encore. C’est le cas où la personne qui a perdu l’objet est digne de foi. Si celle-ci reconnaît son objet perdu, on le lui restitue même s’il n’a pas donné de signes distinctifs . La reconnaissance de l’objet dans son entièreté et non par un signe particulier, est considérée comme déterminante lorsqu’il s’agit d’une personne de bonne foi. Il est à signaler également que la loi considère que l’on peut aussi restituer un objet perdu sur base de la déclaration de témoins qui reconnaissent le propriétaire de l’objet perdu sans devoir apporter des preuves pour l’ identifier . Ainsi donc, l’absence de signe distinctif est assimilée en l’occurrence à une vision globale d’un homme de bonne foi ; et par extension à un témoignage. Cependant ce dernier s’appuyant sur des circonstances logiques devient caduque. Exemple : Deux témoins qui se présenteraient devant les juges et déclareraient avoir vu telle personne poursuivre un individu et l’acculer dans une impasse. Les témoins accourent à son secours, trouvent cet individu baignant dans son sang et son poursuivant se tenant à côté, un couteau ensanglanté à la main. Un tel témoignage est considéré comme une suspicion. La logique donne à penser effectivement que le poursuivant soit l’agresseur. Mais selon la halakha, un tel témoignage n’est pas probant. Car les témoins n’ont pas assisté aux faits. Ils ont vu une personne assassinée, une autre tenant un couteau ensanglanté, et ils en ont déduit logiquement que très probablement celui-ci est l’auteur de l’assassinat. Il en va de même en ce qui concerne la foi. La conviction qui repose sur les preuves tirées à partir des éléments de la création de l’univers pour attester de leur auteur, reposent sur un raisonnement logique. Certes, la reconnaissance de l’Eternel par le biais des merveilles de la création éveille en nous de grands sentiments, au point que nous nous exclamons : ‘’ma rabou ma rassé kha Hachem - qu’elles sont grandes tes œuvres ô Eternel’’ ou encore ‘’ma gadlou maassé kha Hachem meod ‘amkou nifleotéha - qu’elles sont grandes tes oeuvres ô Eternel, tes merveilles sont d’une grande profondeur’’. Mais néanmoins la reconnaissance de l’Eternel fondée sur la vue intérieure et intime est plus importante car plus convaincante. La vue de la manifestation de D… dans le monde telles que la sortie d’Egypte et la promulgation de la Thora au mont Sinaï, et la longue transmission de génération en génération, sont une vision éclatante de la présence divine. C’est cette vision que met en exergue Rabbi Yehouda Halevi dans son livre du ‘’Kouzari’’. C’est par des paroles analogues que le Grand Rabbin Tsvi Yehouda Hacohen Cook introduit son développement sur le livre du ‘’Kouzari’’.
Tradition écrite et orale Il nous arrive souvent de rencontrer des mots et des expressions présentes sous une forme écrite et que nos Sages interprètent en se référant à la tradition orale, nous recommandant ou nous suggérant ainsi une deuxième lecture. Ce phénomène très surprenant s’inscrit dans la règle générale bien admise que chacune des lettres de la Thora occupe la place qui lui est assignée suivant une grande rigueur. Chaque lettre est portée par un fondement spirituel et le mot composé animé par différentes voyelles, s’articule en prenant la forme et la vibration qui lui est propre. C’est précisément pour cette raison là que la Thora est écrite sans voyelles et en absence de toute ponctuation, pour nous permettre d’y déceler les nombreuses facettes que peut présenter chaque mot et chaque expression, et en découvrir les multiples messages. C’est ce qui permet à nos Sages de donner l’avantage à une forme de lecture plutôt qu’une autre dans un contexte donné et de nous conseiller d’offrir la primauté à une lecture par rapport à l’autre. Le Maharal de Prague dit à ce sujet que la lecture traditionnelle traduit le côté superficiel qui se présente à l’œil nu de l’être humain, alors que l’écriture traditionnelle souligne la profondeur de la parole énoncée et révèle le secret contenu et dissimilé. Le Hida et le Chla disent que l’expression usuelle de nos Sages (Ne lis pas comme ci mais comme ça), tente de nous apprendre que le but ultime du message contenu dans la tradition écrite, peut être atteint au moyen des principes véhiculés par la tradition orale. Bien qu’intervienne un changement apparent de l’oral par rapport à l’écrit, il demeure néanmoins que les lettres qui composent le mot n’ont pas changé. Et c’est uniquement la distribution des voyelles et l’articulation du mot qui ont subi une métamorphose. A la lumière de cette explication, nous pouvons comprendre les enseignements de nos Sages dans divers contextes où ils préconisent de ne pas lire ‘’comme ci mais comme ça’’. Par exemple à propos de l’expression contenue dans ce verset :’’Et les Tables étaient l’œuvre de D…, et l’écriture était l’écriture de D…, creusée sur les Tables’’ (Ex. XXXII – 16). Nos Sages dans ‘’Les maximes des Pères’’ énoncent cette sentence au sujet de l’expression ‘’harouth al halouhoth’’ – creusée sur les Tables- ‘’Ne lis pas ‘’harouth’’ mais ‘’hérouth’’ (Max. VI – 2), ce qui signifie que cette œuvre de l’Eternel , ces lettres gravées, sont porteuses de hérouth, de la liberté. En d’autres termes, la Thora cache derrière ces lettres gravées, creusées dans la matière des Tables de la loi, une vérité qui dérive de la vision de l’écriture , du verbe qui la sous-tend. Soit, de même que l’écriture du verbe divin n’est pas dépendante de la matière et peut élever librement celle-ci à son service, au-dessus des lois physiques qui régissent la matière, de même les êtres humains qui impriment en leur être l’esprit de cette loi, de hissés deviennent les porteurs. Les êtres humains sont au-dessus des contingences matérielles pour être portés et maintenus par l’esprit de la Thora au-dessus de la nécessité aveugle , inhérente aux lois imprimées à la matière. Et pour ainsi dire, ils deviennent libres. Voilà ce qui explique le pourquoi nos Sages préconisent ‘’ne lis pas harouth – gravé, mais hérouth – liberté’’, car seul est libre celui qui s’adonne à l’étude de la Thora. Et d’ajouter, ‘’et quiconque s’adonne constamment à l’étude de la Thora s’élèvera’’. Comme il est dit :’’De Matana à Nahaliel et de Nahaliel à Bamoth’’(Nbres XXI – 19). Les Sages se réfèrent à ces noms de lieux des étapes des enfants d’Israël dans la traversée du désert, et qui font allusion aux événements qui s’y sont déroulés. Mais pris dans un sens général, ils signifient selon l’enseignement talmudique (Erouvine 54 a) en remontant au dernier mot du verset précédent ‘’ou mimidbar matana’’ – ‘’et de midbar , du désert, ils allèrent à Matana, au don, au cadeau, et de Matan , chargés de ce présent, ils parvinrent à l’héritage , et de ce dernier ils accédèrent aux hauteurs.’’ En d’autres termes, si à l’instar des enfants d’Israël qui ont séjourné dans le désert (midbar), l’homme se comporte comme le désert que l’on foule aux pieds, autrement dit s’il est humble, alors la connaissance de la Thora lui sera bénéfique et sera pour lui telle un présent, une ‘’matana’’ ; si bien que l’attachement à l’Eternel sera son apanage, son héritage ‘’nahaliel’’. Et partant de là, il s’élèvera et connaîtra la grane spiritualité ‘’bamoth’’ – ascension. Le Talmud (Erouvine 54 a) rapporte l’enseignement de Rav Aha fils de Yaakov, à propos de ce verset : Si les premières tables de la loi n’avaient pas été brisées, aucune nation et aucun peuple n’aurait assujetti le peuple d’Israël’’. La lecture du mot ‘’harouth’’devenu hérouth’’ (liberté), atteste que les fondements de celle-ci sont intimement liés aux enseignements de la Thora incrustés dans le cœur de l’homme et se traduisent par l’afranchissement de toute forme d’exploitation et de soumission de l’homme par l’homme. Nos Sages affirment sur base de cette deuxième lecture du mot harouth – hérouth, que si les enfants d’Israël ne s’étaient pas rendus coupables du péché du veau d’or, ils auraient été libérés de l’ange de la mort et auraient connu la vie éternelle. Ceci rejoint le commentaire de Rachi de cette parole du psalmiste mise dans la bouche de l’Eternel :’’J’avais dit Moi : vous êtes des dieux ; tous des fils du Très haut !Mais non, vous mourez comme des hommes , comme l’un des princes vous tomberez !’’ (Ps. XXCII – 67). Le Saint béni soit-Il proclame à l’adresse des enfants d’Israël lors de la promulgation de la Thora, avant la faute du veau d’or, que ceux-ci sont au niveau des anges qui échappent à la condition des mortels, mais suite au péché , ils furent contaminés de l’impureté inoculée par le serpent, comme le premier homme, et condamnés à connaître la mort. Nos Sages s’attachent à dire que le passage entre les lettres gravées harouth et la liberté acquise qui s’en suit, résulte du cheminement que procure le respect des mitzvoth de la Thora. En effet, l’abstention de la course aux plaisirs de la vie et des penchants des instincts, libère l’homme de cet emprisonnement et laisse place à un épanouissement spirituel et moral. L’auteur du ‘’Sédé Hemed’’ fait remarquer qu’il existe deux types de personnes qui se livrent à l’étude de la Thora . Ceux qui se livrent à cet exercice et transmettent le savoir à d’autres et le font bénéficier de leurs connaissances ; et ceux qui se replient sur eux-mêmes pour vivre dans un univers clos, dans une tour d’ivoire, sans dispenser et répandre l’enseignement de la Thora. Les premiers sont qualifiés de bâtisseurs- bonim-. Ils contribuent à la construction du monde qui les environne et occupent une place centrale en rapport avec l’effort qu’ils déploient. Les seconds gardent égoïstement leur acquis et leur rayonnement est limité à leur espace vital. Cette idée est développée par nos Sages dans le Talmud (Kiritoth 28 b) à travers l’explication de cette parole du prophète Isaïe : ‘’Tous tes fils seront disciples de l’Eternel, grand sera le bonheur de tes enfants’’ (Is . LIV – 13). Il ne faut pas lire ‘’banaïkh’’ tel que c’est écrit ‘’tes enfants’’, disent les Sages, mais ‘’bonaïkh’’ – tes bâtisseurs. L’enseignement des disciples de la loi contribue à bâtir une société fondée sur des valeurs authentiques et à répandre la connaissance de la Thora qui conduit à la réalisation des mitzvoth. Le bénéfice de l’étude dispensée à des disciples rejaillit sur l’enseignant lui-même. Comme disent nos Sages dans le Talmud (Taanit 7 a). Rav Nahman bar Itzhaq s’interroge : Pourquoi les paroles de la Thora furent comparées à du bois ? C’est en référence à cette parole du roi Salomon dans le livre des Proverbes : ‘’Elle est un arbre de vie pour ceux qui s’en rendent maîtres…’’(Prov. III – 18). Et de même dit Rav Nahman, qu’une petite brindille allume une bûche, ainsi les étudiants de la loi de la Thora de jeune âge, stimulent et aiguisent l’esprit des grands. Ce qui conforte l’enseignement de Rabbi Hanina qui disait : J’ai beaucoup appris de mes maîtres, et davantage encore de mes condisciples, et de mes disciples plus encore que des deux réunis. Ceci nous permet de comprendre pourquoi dans la langue hébraïque le radical lamod – lamed, désigne tout à la fois l’enseignement dispensé aux autres et ce qu’ils nous apprennent. En d’autres mots, le don de l’enseignement à autrui contribue grandement à notre perfectionnement par la connaissance que l’on retire soi-même. Ceci s’apparente selon l’auteur de ‘’Sedeh Hemed’’ au commentaire rapporté dans le Midrach Rabba du verset : ‘’Celui-là obtiendra la bénédiction de l’Eternel, la bienveillance du D… de son salut’’ (Ps. XXIV – 5) ‘’Yissa bérakha mé beth Hachem ‘’. Le Midrach préconise de ne pas lire le mot ‘’yissa’’ qui renferme la notion de recevoir, mais ‘’yassi’’ qui contient l’idée du don octroyé. Ainsi donc celui qui donne ses bénédictions à d’autres, a le mérite de bénéficier des bénédictions de l’Eternel. On retrouve la même idée dans le Talmud ‘Sota 38 b) à propos de cette parole : ‘’Celui qui a bon cœur sera béni, car il partage son pain avec le pauvre’’ (Prov. XXII – 9) – ‘’tov ‘ayin ou yévorakh’’. Et nos Sages de dire : il ne faut pas lire ‘’yévorakh’’ mais ‘’yévarekh’’. Cette deuxième lecture nous enseigne que le mérite de la bénédiction qui réside sur une personne, l’atteint parce qu’il dispense la bénédiction. En somme c’est ‘’l’arroseur arrosé’’. Le rabbin Eliyahou Desler dans son livre ‘’Mikhtav mé Eliahou’’ donne une extension à cet enseignement talmudique en développant l’idée que l’amour dérive du don. L’exercice du don au prochain nous fait aimer celui-ci. Ainsi l’amour de l’Eternel pour le peuple juif a connu un développement démesuré avec le don de la Thora. Comme nous le proclamons dans la prière du soir : ‘’C’est d’un amour éternel que Tu aimes ton peuple la maison d’Israël. Tu nous as enseigné la Thora, les commandements, les règles et les lois.’’ Cet amour de l’Eternel pour son peuple est un privilège immense par rapport aux autres nations. Cependant il ne faut pas perdre de vue que cet amour résulte de la responsabilité à la fois lourde et passionnante du don de la Thora et les commandements divins . L’amour de D… pour Israël n’a de sens et de réalité que dans la mesure où Israël se fait le réceptacle de la parole de l’Eternel qu’il doit accepter dans la joie et l’allégresse et méditer jour et nuit. C’est l’héritage spirituel et moral dont le peuple d’Israël est le dépositaire, qui fait de lui le peuple élu de D… pour le bonheur de l’humanité entière. L’amour de l’Eternel notre D… tel qu’il est prescrit dans la Thora : ‘’Tu aimeras l’Eternel ton D… de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir’’ (Deut. VI – 5), nous réclame , comme dit le Talmud (Yoma 86 a) que le nom de l’Eternel soit aimé par notre comportement . Lorsqu’un homme apprend et enseigne la Thora et que son comportement est honnête et serein envers le prochain, les personnes disent de lui : voyez comme la Thora l’a bien formé et comme ses voies sont belles et ses actes honnêtes. Nos Sages font remarquer que ce qui distingue une personne de l’autre, c’est son enveloppe charnelle, son physique ; mais au niveau de l’âme, le souffle divin qui l’habite se retrouve en chacun. Et de ce fait, l’élévation au-dessus des contingences matérielles par le biais de la Thora, crée l’unité. Ce qui détériore le rapport entre les hommes, l’inclinaison qui les conduit à considérer que leur corps l’emporte sur leur âme, c’est l’orgueil. C’est cette attitude qui leur ferme la porte du jardin d’Eden et ne leur permet pas d’accéder par la voie tracée de la Thora et ses mitzvoth au devenir du monde. C’est cette pensée qui a conduit nos Sages à nous recommander le rappel de cet enseignement en guise de clôture d’une étude de la Thora, et plus précisément d’une étude de la loi orale, par cet extrait de la Michna (Méguila) : ‘’On enseigne dans l’école de Eliyahou : celui qui étudie les lois de la Thora chaque jour est assuré du monde futur.’’ Comme dit le prophète Havacuc : ‘’Ce sont les chemins éternels pour lui’’ (Hav. III – 6). Ne lis pas - chemins ‘’halikhoth’’- nous suggèrent les Sages, mais ‘’halakhoth’’- les lois selon lesquelles nous cheminons dans la vie. Ainsi donc, les mots loi et chemin dérivent de la même racine et donnent l’orientation et le choix du chemin pavé de mitzvoth. D’où l’interprétation de nos Sages du Talmud qui appellent les lois de la Thora ‘’halakhoth ‘’ – des marches , locution qui comporte la notion d’une évolution ainsi que d’une mise à jour et d’adaptation. Ainsi donc la halakha, la loi juive, nous projette dans une dynamique pour nous frayer le chemin de la vie. Et le jeu de mots dans la parole du prophète Havacuc, halikhoth qui débouche sur halakhoth, nous éclaire sur les chemins éternels de D… que sont les lois de la Thora. Et comme dit Rabbi Eleazar au nom de Rabbi Hanina : Ceux qui se livrent à l’étude de ces lois de la Thora, favorisent l’instauration de la paix dans le monde. La marche à suivre pour atteindre cette plénitude spirituelle élevée à travers la réalisation des mitzvoth, est décrite dans cette parole du psalmiste : ‘’Fais-moi connaître le chemin de la vie, les joies de ton visage à satiété, les délices de ta droite éternelle’’ (Ps. XVI – 11). Et nos sages de dire que le mot sova’a semakhoth (avec un sin – le point à gauche), les joies de ton visage à satiété, doit être lu chéva’a (avec un chin – le point à droite), pour ainsi faire allusion aux sept prescriptions de la fête de soukkoth dont la réalisation permet d’accéder à la connaissance des joies de ton visage à satiété. Le chiffre sept fait allusion à la nature créée qui régit l’univers venu à l’existence en sept étapes devenues sept jours de la semaine. Il nous renvoie également aux sept couleurs conventionnelles du spectre qui résulte de la dispersion de la lumière solaire : violet, indigo, bleu, vert, jeune, orange, rouge ; ainsi qu’aux sept notes de musique de la gamme, les sept piliers de la sagesse etc… Ce chiffre sept se cristallise dans les sept premiers mots du premier verset de la Thora qui annonce la création de l’univers : ‘’berechith bara Elokim eth hachamaïm vé eth haarets’’. Cette création ex nihilo de la nature ‘’hatéva’’ est d’essence divine ‘’Elohim’’. Nos Sages nous font remarquer que la valeur du nom divin Elohim est égale au mot hatéva = quatre-vingt six, inscrit dans les éléments créés ; Ainsi donc le créateur se révèle à travers les forces de la nature créée. Aussi, le nom Elohim désigne D… dans son attribut de puissance et de rigueur infinie. Les sept mots de ce verset qui annonce le venue de l’univers à l’existence, comprennent vingt-huit lettres équivalant à la toute puissance de l’Eternel qui se manifeste dans cet univers appelé ‘olam, ce monde matériel qui dissimule et atténue la lumière divine de l’homme pour laisser place au libre arbitre et permettre à l’homme de réaliser sa vocation et sa finalité. Cette idée est contenue dans le mot ‘olam apparenté au verbe ‘alem qui signifie dissimuler, ainsi donc le monde qui nous environne cache à nos yeux la présence divine ; et le rôle dévolu à l’homme est d’œuvrer pour briser le voile et découvrir la lumière enfouie dans ce monde. C’est peut-être cela qui a inspiré le souhait que ma mère adressait à ses enfants ‘’Rébé yékherzkom el dâoui’’ – ‘’Puisse l’Eternel vous faire sortir à la lumière’’. La lumière en tant qu’élément qui recouvre et dissimule la puissance de l’Eternel, est insinuée dans le rapprochement existant entre le mot ‘’téva’a’’ – nature, et le mot ‘’tseva’a’’- couleur. Pour la bonne compréhension il nous faut rappeler que la lettre teth de téva’a qui fait allusion à la matière, est fortement accentuée dans sa prononciation davantage encore que la lettre tsadik qui symbolise le fondement spirituel de tseva’a, couleur. Pour illustrer cela, nous pouvons dire que tséva’a indique un coloriage léger qui peut recouvrir toute chose, alors que teva’a , la nature, et ‘’tit’’ – glaise, ‘’aav’’ – épais, ce qui donne tit a’av, une épaisse couche de glaise. En comparaison à la lecture délicate du mot cheva’a et de tout ce qu’il insinue, le mot téva’a apparaît comme résultant d’une contraction, une réduction et un recouvrement du à son épaississement. Le renforcement d’une lettre qui représente une matérialisation débordante, se révèle dans les mots ‘’or’’ – lumière, et ‘’ ‘or’’ – peau. Comme dit le Midrach Rabba à propos de ce verset de la Thora :’’Et D… fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau’’ (Gen. III – 21). Le midrach Berechith Rabba (20 – 29- rapporte : dans l’enseignement de Rabbi Meïr, au lieu de tuniques ‘or, de peau, on a trouvé écrit tunique or, de lumière. Effectivement la nature des tuniques du premier couple confectionnées par l’Eternel, ces vêtements étaient comme une torche dégageant une radiation , larges du bas et ajustés vers le haut. Rabbi Itzhaq le sage précise : ces vêtements étaient lisses à l’ongle et beaux comme un bijou. Et Rabbi Yohanan dit : Ils étaient comme les vêtements de lin fin et par tuniques de peau, nous devons entendre tuniques qui par leur finesse adhèrent à la peau du corps. Cette divergence d’opinion est provoquée par le fait que lors de la création, la vie des animaux était sauvegardée et sacrée au même titre que celle de l’homme. C’est ce qui fait dire à Rabbi Meïr que la confection des tuniques par D… après que l’homme ait été nu, ne peut se référer qu’à des tuniques de lumière. D’aucuns pensent qu’avant le péché, la Chekhina, la présence divine, rayonnait sur le premier couple et répandait la lumière dans tout son entourage. Mais suite à la désobéissance de l’homme, la présence de la majesté divine s’est éloignée et a laissé place à l’obscurité. Aussi, afin que l’homme chassé du paradis puisse supporter son exil, l’Eternel le revêtit d’une tunique de lumière. Le Sefat Emeth dit : le mot ‘or s’apparente au mot ‘yver, la personne frappée de cécité ; allusion à l’action provoquée par la transgression qui recouvre et dissimule la lumière de l’Eternel, comme il résulte de la dissection du mot heth, péché – heth = tah – alef, l’action de recouvrir, de plafonner le alef, allusion au maître du monde. Dans les temps à venir le mal disparaîtra de la terre et ce voile épais qui forme un écran tel la tunique de peau qui recouvre la nudité de l’homme , sera levé et poindra la lumière divine et la mort disparaîtra à jamais. Comme dit le prophète Isaïe : ‘’A jamais Il anéantira la mort et ainsi le D… Eternel fera sécher les larmes sur tout visage et disparaître de toute la terre l’opprobre de son peuple’’ (Is. XXV – 28).
Grand Rabbin Chalom Benizri.
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