Pourim Katan : Le Hasard (14/02/2014)


Le hasard est profondément ancré dans la tradition d'Israel, de la même manière qu'il l'est dans la science.

Adar est le mois de la transition entre l'idéal divin ordonné et notre réalité chaotique.

Nous sommes à bruxelles, le 29 octobre 1927. Réunis dans une salle de l'hôtel "Métropole" (place de Brouckere), les plus grands savants du monde viennent d'entendre une formule qui va secouer le monde entier. "D'ieu ne joue pas aux dés !". Celui qui osa défier le monde scientifique ce jour là n'est autre qu'Albert Einstein, père de la relativité. Pour lui, la nature n'obéit pas au hasard.

Face à Einstein, un autre savant est convaincu du contraire. Niels Bohr, fondateur de la physique de l'infiniment petit, lui répond: "Cessez de dire à D'ieu ce qu'il doit faire". Pour Bohr, le comportement insaisissable des particules élémentaires est la preuve même que le hasard régit les plus grands phénomènes scientifiques.

Aujourd'hui, le débat n'est toujours pas tranché. Car d'une part, les dernières avancées physiques semblent montrer que le feu du big bang ne s'est pas déclenché aléatoirement. D'autre part, il est cair, depuis la découverte du "principe d'incertitude", que la matière - et tout ce qui existe - est la proie du hasard aveugle. Finalement, qui croire ?

La même question se pose lorsque nous approchons de Pourim Katan - fêté aujourd'hui. La fête est commémorée le 14 adar. Pourquoi à cette date là précisément ? La méguila en donne la réponse: "Il (Aman) a jeté le Pour (sort) qui est le Goral (Destin)". En d'autres termes, on nous explique que le hasard (jet des "dés" dans la méguila) est notre destin. Intéressant. D'ieu agit donc, aussi, à travers des phénomènes chaotiques. Et pas uniquement dans un monde où tout est prévisible mais le libre arbitre est octroyé à chacun(expression connue en hébreu sous "Akol Tsafouy Ve-harechout Netouna"). A-t-on d'autres évènements où D'ieu intervient par le hasard ? Oui, beaucoup même. La distinction entre le bouc émissaire et celui envoyé à D'ieu le jour de Yom Kippour s'effectue par le biais du hasard. Le choix des rois d'Israël aussi. La répartition des enfants d'Israël en tribus également. 

Il semble donc qu'à l'origine déjà, D'ieu a voulu qu'une partie de notre quotidien soit régi par des principes de causalité (système solaire extrêment précis, principe de gravitation, tartine qui tombe systématiquement à l'envers) tandis qu'une autre partie de l'ordre du monde soit gouvernée par des processus qui laissent une marge de chaos (trajectoire d'une goutte de pluie, vitesse et position d'un électron). Quant à la question de savoir pourquoi le mois d'Adar est le mois propice à la manifestation du hasard dans le monde, nous proposons ici une réponse. Adar est le dernier mois de l'année. Or, la fin de l'année préfigure la fin de l'histoire. La méguila, dernier évènement de l'époque tanakhique (temps des derniers prophèes Ezra et Malakhi), nous enseigne que le challenge de cette fête revient à faire la transition entre un monde ou D'ieu se manifeste aux yeux de tous (réalité des 700 ans de rédaction du Tanakh) et un monde ou D'ieu se cache désormais dans l'histoire. Le mois d'Adar est ce mois de l'année où il y'a une présence totale de D'ieu, même à à travers le hasard.

Shabbat Shalom,

Lionel.