Bo : Plai(e)doyer la spécificité d’Israël (02/01/2014)


Les 10 plaies expriment un argumentaire entre D’ieu et Pharaon. En voici une lecture.                                       

Le droit d’Israël à séparer son histoire de celle de l’Egypte est d’abord revendiqué au nom de la paternité d’Abraham. En se séparant d’Our Kasdim, Abraham a décidé de vivre au-dessus de la Nature. Lorsque le Nil, fleuve fondateur d’Egypte, est atteint par la plaie du sang, les enfants d’Israël n’en souffrent pas. La preuve est faite qu’Israël, contrairement à l’Egypte, surmonte la Nature, comme Abraham.

L’objection implicite de Pharaon est que d’autres sont aussi descendants d’Abraham ; la spécificité d’Israël n’est donc pas prouvée. A cela répond la plaie des grenouilles, prêtes au sacrifice, puisqu’elles sont entrées dans les fours brulants des Égyptiens (cf. 7,28). Imitant ainsi le comportement d’Isaac, transmis en héritage à Israël. Mais comme Isaac est également le père d’Esaü, la spécificité des hébreux nécessite une preuve supplémentaire. Celle-ci est fournie par la plaie des poux, qui démontre la prérogative de la divinité – bien connue chez Jacob (Rachi Ber. 33,20). Cette particularité est transmise à Israël, comme en témoigne l’aveu même des magiciens de Pharaon ‘Etsba Elokim Hi’(Chemot 8,15).

L’argument de Pharaon à ce moment-là, est que malgré sa spécificité, la famille d’Israël a volontairement mêlé son histoire à celle de l’Egypte, au temps de Joseph.  Or la réalité historique est différente. Les hébreux ont vécu en Egypte dans un ghetto voulu, en Goschen, pour se séparer de l’Egypte. C’est ce que prouve la plaie du mélange ‘Arov, qui épargne expressément le pays de Goschen.

A la lumière de ces quatre premières épreuves, les hébreux sont détenteurs de valeurs exceptionnelles. Seulement, « revenez sur terre » nous dit Pharaon. Jusqu’à preuve du contraire, les hébreux sont « aussi » des hommes. Que différencie Israël des autres ?

Trois chutes morales : l’homicide, l’idolâtrie et la débauche. L’homicide, perpétré à grande échelle par la génération du Déluge, est illustrée par la peste. Celle-ci frappe le bétail égyptien et épargne celui des hébreux. Ensuite, l’idolâtrie, adorée au temps de la tour de Babel, est représentée par les ulcères. Cette génération hautaine se verra punie par des briques cuites au four. L’acte est reproduit symboliquement par Moise et Aaron qui jettent au ciel de la suie de fournaise pour susciter les ulcères chez les Egyptiens. Enfin, la débauche qui a souillé l’Egypte comme Sodome et Gomorrhe. Cette dernière fut jugée par le feu et l’eau mélangée, comme la grêle mêlée de feu qui atteignit l’Egypte et épargna Israël. Ces trois plaies insistent ainsi sur la décadence morale de l’humanité.

Pharaon accepte cette démonstration mais sort son joker : Lorsque D’ieu a créé le monde, y’avait-il déjà une distinction entre Israël et le reste du monde ? « Vérifions », lui répond Moshé. Pour cela, reproduisons la création – processus composé de trois parties : une décision, le néant, l’être. La mutiplicité des êtres est illustrée par la plaie des sauterelles ‘Arbè’ dont la racine ‘Rav’ signifie multiple. Le statut particulier d’Israël, dans le néant originel, est prouvé à Pharaon par l’obscurité absolue qui frappe l’Egypte et épargne les hébreux. Enfin, l’épreuve de l’origine où seul D’ieu agit ‘Ani velo malakh, Ani velo Saraf’ affirmant par cette dixième plaie qu’Israël a un droit indéniable à poursuivre son histoire.

Shabbat Shalom, 

Lionel.