BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

BÉRÉCHITE (Genèse)
 

 

 

Contribuer à la sauvegarde 

‘’L’échanson et le boulanger du roi, détenus en prison, lui dirent : ‘’Nous avons rêvé un rêve, il n’y a pas d’interprète pour lui’’. Yossef leur répondit :’’Les interprétations ne sont-elles pas à D…, racontez-moi donc !’’ (Gen. 40 –8)

En, guise d’introduction à sa réponse aux deux fonctionnaires de la cour de pharaon affligés par leur rêve, Yossef fait cette déclaration calquée sur le modèle d’une profession de foi :‘’les interprétations ne sont-elles pas à D…’’. Si leurs rêves sont dignes d’une interprétation, s’ils ont un sens, cela signifie que D… les a envoyés. C’est uniquement lorsqu’on reconnaît de façon manifeste, que tout vient de l’Eternel, que la compréhension qui convient de l’événement nous sera accordée également. Ce préalable étant établi, vous pouvez me raconter vos rêves. En d’autres mots, la reconnaissance que D… préside à toute chose, a pour corollaire le fait qu’il peut procurer l’intelligence par la bouche de tout un chacun, telle que la sagesse de dévoiler l’énigme contenue dans le rêve ‘’racontez-moi donc’’. 

A travers cette expression, Yossef reconnaît implicitement que sa mission ne consiste pas à servir d’intermédiaire pour interpréter les rêves. Tout appartient exclusivement à l’Eternel, et il n’intervient nullement dans les propos qu’il tient. La Thora nous décrit Yossef comme une personnalité de rang élevé dans une maison de détention, ayant tout pouvoir sur les détenus, et nonobstant cela, Yossef fait acte devant ses subordonnés, de son abnégation totale devant l’Eternel. Et ce n’est pas seulement en présence de ces co-détenus que Yossef met sa foi en évidence. Il fait entendre cela également au tout puissant pharaon, roi d’Egypte, après avoir enduré douze années de souffrances en prison. En effet, alors que le pharaon le complimente en lui disant : (Gen. 41 – 15) 

‘’ J’ai entendu dire de toi que tu entendais un rêve de façon à l’interpréter’’, Yossef rétorque (Gen. 41 –16)’’ Ce n’est pas par moi bil ‘adaï’’ ; en d’autres termes, je suis bien trop insignifiant pour pouvoir prétendre à telle chose.: ‘’Elokim yaané et chelom paro ‘’ Que D… veuille procurer la réponse qui contribuera à la félicité de pharaon’’.

D… est le maître de tout. Si telle est sa volonté, il enverra l’interprétation par moi ; et s’il le désire, par un autre. Tout dépend exclusivement de Lui. Une telle abnégation demande naturellement un effacement de soi et nécessite une introspection soutenue, pour se forger un tel caractère et acquérir cette vertu. Modeler sa personne dans le domaine de l’éthique, demande une longue progression, car si dans le domaine de la loi du mode de vie à suivre, il est aisé de dresser des limites en toutes matières et de décréter ce qui est permis et ce qui est interdit, ainsi que de définir ce qui est légitime et ce qui est au delà du terme de la loi, en matière d’éthique il est très difficile de fixer les limites. La vertu étant absolue, si le penchant porte vers un tel idéal de vie, on ne peut pas savoir où en est la mesure. Aussi l’abnégation de soi devant le créateur est un niveau tellement élevé qu’elle sollicite une modestie et une soumission telles, que la personne s’efface complètement. Il est important de souligner que certes Yossef se range sous la puissance de l’Eternel, mais il ne fait pas preuve de la moindre soumission devant le roi d’Egypte. Il ne craint pas de dire tout haut la vérité qui l’habite, sa foi en l’Eternel, bien qu’il avait séjourné douze années consécutives en détention, que nulle personne ne viendrait à son secours et qu’il ne pouvait espérer voir poindre sa libération. Par ailleurs, quoique le pharaon soit un adorateur d’idoles et que nul ne puisse prévoir sa réaction, Yossef n’hésite pas, même dans sa condition d’esclave et prisonnier, à proclamer sa croyance singulière. Cette attitude de Yossef ne se manifeste pas uniquement à l’occasion d’événements bienheureux survenus dans son existence misérable et que la Providence envoie pour préparer la sauvegarde de sa famille et de toute l’Egypte. 

Yossef fait preuve de cette même vertu lorsqu’il est confronté également à l’événement le plus pénible dans son existence, en cet instant où il révèle son identité à ses frères. A l’annonce de ces 

mots, ‘’je suis Yossef votre frère’’, ces derniers saisis d’hébétement et plongés dans le désarroi, n’osent l’approcher. Yossef leur dit alors :’’ A vrai dire, ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais D… Et Il m’a fait devenir le père de pharaon, le maître de toute sa maison et le souverain dans tout le pays d’Egypte’’(Gen. 45 – 8).

En d’autres termes, vous n’êtes nullement les maîtres de ces événements, vous n’êtes pas détenteurs de mon état d’homme libre, ou celui d’esclave ni de mon statut de vice-roi d’Egypte. Nulle récrimination n’est à formuler à votre égard de ma part. Car si vous n’aviez pas été l’instrument de l’Eternel, d’autres messagers auraient été choisis à votre place. Lorsqu’on est mû par la foi que D… seul est maître de tout, et que tout ce que l’Eternel fait, est pour le bien, alors il n’y a plus lieu d’exercer la vengeance ou de se réjouir du mal qui pourrait atteindre notre ennemi. Ces ressentiments doivent être bannis de notre cœur ; la Providence divine étant présente dans toute entreprise de l’homme.

 

Em habanim seme’ha 

La lutte victorieuse des ‘’Hasmonaïm’’ contre l’armée gréco-syrienne, n’est pas rapportée dans le Talmud. Seul le miracle de la petite fiole d’huile pure portant le cachet du Grand-Prêtre du Temple de Jérusalem, est retenue pour donner lieu à la fête des lumières, afin de perpétuer l’enseignement de l’événement et de porter son message de génération en génération. 

De nombreuses interprétations entourent ce choix délibéré de nos Sages de donner la primauté au miracle de la lumière qui transcende le temps et l’espace, et taire les hauts faits d’armes. L’illustration de cet éclat de lumière, symbole de la foi préservée dans son authenticité, dans sa pureté, trouve son écho dans le Talmud – traité Guittin ‘ et d’autres sources midrachiques, à travers l’histoire émouvante et pathétique de Hannah et de ses sept fils. Rabbi Yehouda y fait référence pour interpréter le verset du psaume (XLIV – 23) :’’Mais pour Toi, nous subissons chaque jour la mort, on nous considère comme des brebis destinées à la boucherie’’.

Hanna et ses sept enfants furent emmenés en captivité par les soldats de l’armée gréco-syrienne. A tour de rôle, ils furent traînés avec leur mère devant le roi Antiochus Epiphane, surnommé Epiphane le fou. Antiochus s’adressa au plus grand et lui intima l’ordre de se livrer au culte idolâtre. Il refusa en disant : ‘’la Thora dit : Je suis l’Eternel ton D…’’. Il fut alors mis à mort.

Le second frère fut présenté à son tour au roi. Il répondit également par la négative en évoquant les paroles de la Thora : ‘’tu n’auras pas de divinités étrangères devant ma face’’ (Ex. XX – 3), et lui aussi fut exécuté.

Le troisième enfant opposa le même refus, faisant valoir l’enseignement de la Thora : ‘’celui qui sacrifie aux dieux (sauf à l’Eternel exclusivement) sera voué à la mort’’ (Ex. XXII – 19). A son tour, il subit le même sort que ses frères.

Le quatrième enfant refusa d’obtempérer à l’ordre de se prosterner devant l’idole, en se référant à la parole de la Thora : ‘’tu ne te prosterneras pas devant tout autre divinité’’ (Deut. XXXIV – 14). A son tour il fut mis à mort.

Le cinquième enfant dit : il est écrit dans la Thora :’’écoute Israël, l’Eternel est notre D…, l’Eternel est Un’’ (Deut. VI – 4). Il fut exécuté.

Le sixième enfant est soumis à la même demande et refuse en disant : il est écrit dans la Thora ‘’reconnais à présent et imprime le dans ton cœur que l’Eternel seul est D…, dans le ciel en haut comme ici bas sur la terre, qu’il n’en est point d’autre. Et tu observeras ces lois et ces commandements que Je prescris aujourd’hui, pour ton bonheur et pour celui de tes enfants après toi et afin que ton existence se prolonge sur cette terre, que l’Eternel ton D… te donne à perpétuité’’ (Deut. IV – 39, 40). Ils le saisirent et le tuèrent.

Le dernier enfant est pressé à son tour de se soumettre au culte idolâtre et dit ces paroles de la Thora :

’’Tu as glorifié aujourd’hui l’Eternel en promettant de l’adopter pour ton D…, de marcher dans ses voies, d’observer ses lois, ses préceptes, ses statuts et d’écouter sa parole. Et l’Eternel t’a glorifié à son tour en te conviant à être son peuple privilégié comme Il te l’a annoncé et à garder tous ses commandements’’ (Deut. XXVI – 17, 18).

Ainsi leur dit-il, nous avons prêté serment de demeurer fidèles à notre D… et de ne point en adorer un autre. Lui, de même, nous a distingués et nous a promis de ne point nous échanger avec une autre nation. 

Antiochus Epiphane a voulu trouver le moyen d’obtenir satisfaction du plus petit ; il lui dit alors : Je vais te jeter mon sceau et toi tu te baisseras pour le ramasser : de la sorte, l’assistance croira que tu as accepté de te soumettre à l’ordre du roi. L’enfant lui répondit: je suis attristé pour toi ; tu voudrais jouer cette comédie pour sauvegarder ta gloire personnelle , ton orgueil. Comment pourrais-je ne pas craindre de porter atteinte à l’Eternel, le Roi des Rois ? A son tour il fut condamné. 

Sa maman Hanna se précipita sur lui, l’embrassa, et s’adressant à l’Eternel, dit : ‘’Mes enfants diront au patriarche Avraham : toi tu as fait la ligature d’un seul enfant Itzhaq, et moi, j’ai présenté sur l’autel de la fidélité à la foi, sept sacrifices’’. Hanna elle-même tomba du haut d’un toit pour échapper à ses poursuivants et mourut.

Le Talmud rapporte qu’une voix céleste se fit entendre et proclama :’’une mère heureuse, de nombreux fils, hallléluia !’’

‘’EM HABANIM SEME’HA HALLELOU’YAH’’

Nos Sages s’interrogent : Pourquoi chacun de ces enfants se réfère-t-il à une citation différente puisée dans la Thora ? Pourquoi n’ont-ils pas invoquer tous, le même verset pour refuser de se laisser imposer le culte idolâtre ?

L’auteur de l’ouvrage ‘’Ets Yossef’’, explique cela en disant que l’ordonnance du roi Antiochus Epiphane, était présentée sous une forme différente à chacun des enfants. Au premier, il demanda de nier l’existence de la providence divine ; au deuxième, il a voulu imposer de ne pas professer l’unicité de D… ; du troisième il exigea d’associer à D… une autre divinité ; au quatrième, il demanda de servir l’idole sous une forme inhabituelle pour feindre une croyance mitigée ; du cinquième il exigea l’acceptation de l’idole en tant que puissance divine ; du sixième, de reconnaître l’idole comme représentant un certain pouvoir ; et du septième, de ne pas mettre sa confiance en D… Antiochus a voulu ainsi obtenir des enfants de Hanna qu’ils renoncent à un des principes de foi, même sous une forme maquillée, pour tenter d’atténuer leur conviction, de les rallier à l’idolâtrie et de porter atteinte à l’intégrité de leur croyance. La voix sortie du ciel, loue la mère juive pour la foi inébranlable qu’elle a inculquée au cœur de ses enfants. 

Tels nos frères et sœurs emportés par la cruauté des tyrans, parce qu’ils voulaient garder fidèlement l’identité de leurs pères à quelque niveau que ce soit, ainsi que l’espérance en la dignité de l’homme.

 

Dans l’expression de gratitude que nous adressons à l’Eternel pour notre sauvegarde, nous disons ‘’en ce temps là’’ ‘’ à notre époque’’, pour souligner que cette oppression tyrannique continue à s’exercer de nos jours encore, peut-être sous une forme différente, plus insidieuse, plus pernicieuse, plus cruelle, d’abus de pouvoir ou de harcèlement psychologique, ou de désinformation délibérée. C’est pourquoi nous sollicitons l’Eternel de nous préserver de tous ces maux. Les petites lumières de Hanoucca conservées dans leur pureté, sont porteuses de ce message ; chaque petit éclat de lumière s’ajoute à l’autre pour chasser les ténèbres de tout ce qui assombrit la relation de l’homme avec son prochain et par delà, avec son créateur.

 

Les lumières consacrées

La fête de hanoucca se distingue de toutes les autres fêtes juives par le devoir de l’allumage des lumières appelées ‘’saintes’’ ;

En effet, dès que nous allumons la hanoukia, nous déclarons : ‘’Ces lumières sont consacrées, et nous ne sommes pas autorisés à les utiliser à d’autres fins, mais uniquement à les contempler’’. La contemplation de leur rayonnement dans l’intimité du foyer familial, dans la maison de prières, lieu de réunion de la communauté d’Israël, et dans la rue, milieu social, est très significative.

L’allumage des lumières de hanoucca comporte un certain nombre de règles établies par nos Sages, à travers lesquelles nous pouvons déceler la portée et le fondement éducatifs, moraux et sociaux de cette fête. Ainsi, nos Sages indiquent que si une personne désireuse d’allumer la hanoukia ne dispose que d’une quantité d’huile restreinte mais suffisante, pour les huit jours de la fête, alors que son prochain n’a pas du tout d’huile pour allumer sa hanoukia, il  est préférable de partager la quantité d’huile dont il dispose avec son prochain, quitte à allumer une seule lumière chaque soir. Ceci évoque le principe fondamental de la responsabilité collective, de notre solidarité.

Par ailleurs, selon les termes de la loi, c’est l’acte d’allumer les lumières qui constitue l’accomplissement de la prescription ordonnée par nos Sages, et non la mise en place de l’huile et des mèches, ou à défaut, des bougies. Ce qui signifie que dès l’instant où l’on allume, notre devoir est accompli. Cependant, dans le cas où l’allumage n’est pas conforme aux conditions réglementaires – si la hanoukia se trouve dans un endroit exposé au vent et qu’elle s’est éteinte, ou si l’on n’a pas mis suffisamment d’huile au préalable- il est alors nécessaire d’allumer de nouveau pour s’acquitter de son devoir.

Nous pouvons en déduire d’une manière symbolique, qu’en ce qui concerne notre éducation et celle de nos enfants, à laquelle fait allusion le terme ‘’hanoucca’’, nous devons l’entourer de beaucoup de précautions pour la préserver de tout élément qui puisse l’altérer ou l’étouffer.

Nos sources éducatives contribuent à l’épanouissement de notre être profond et de notre foi. La fidélité à notre héritage spirituel est garante du lien indéfectible qui lie l’être juif de génération en génération. C’est pourquoi il nous incombe de déployer tous nos efforts pour animer et affermir notre esprit et notre cœur, d’une vibration authentique, chaleureuse et humaine, puisée dans le trésor de notre patrimoine.

Nous avons le devoir, et davantage encore l’obligation morale, de protéger nos enfants, représentés par ces petites lumières, de tout ce qui peut nuire à leur vocation ; et particulièrement lorsqu’ils se trouvent menacés par les influences d’une société agitée, ou par la pression exercée vers un radicalisme brûlant. Dans le même esprit, nous pouvons dire qu’il faut assurer à chaque lumière, à chacun d’entre nous, la quantité d’huile suffisante, ou en d’autres termes, l’approche adéquate d’une ouverture du cœur et de l’esprit, de tolérance et d’amour, pour une vie de justice et de paix.

La hanoukia est placée, selon la tradition juive, à proximité de la porte d’entrée, face à la mezouza, ou d’une fenêtre donnant sur la rue. De la sorte, elle illumine l’intérieur du foyer et rayonne également vers le monde extérieur. C’est ainsi que les lumières de hanoucca représentent à la fois l’enthousiasme du feu sacré qui nous anime et celui qui nous porte vers le prochain.

Les lumières de hanoucca sont l’expression, pour chacun d’entre nous, de notre volonté d’affermir notre identité, d’alimenter notre foi et de maintenir toujours en éveil notre quête de liberté et de respect pour tous les êtres humains. 

Notre prière est dans l’espoir de voir l’éclat de ces lumières chasser les ténèbres de l’intolérance, de l’exclusion ou de l’indifférence, et qu’enfin le jour se lève sur une ère nouvelle de concorde et de paix pour tout Israël et pour toute l’humanité.

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.