BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

L’étude de la Thora par-dessus tout

‘’Im Béhoukotaï télékhou ‘’:La Thora nous adresse cette proposition : « Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes préceptes et les exécutez » (Lev. 33-3),et par ailleurs elle dit « C’est à mes statuts que vous devez obéir, ce sont mes lois que vous respecterez dans votre conduite : c’est Moi, l’Eternel qui suis votre D.. » (Lev.18-4) .

Dans de nombreux endroits, à travers la Bible, la Thora associe le concept de ‘’la marche à suivre’’, en rapport avec la réalisation pratique des  prescriptions ordonnées.

Les exégètes donnent différents développements à cela. Rabbi Haïm Bénatar ne propose  pas moins de quarante deux arguments différents pour  démontrer ce que comporte cette relation et comment  elle est envisagée dans notre contexte. ‘’Im Béhoukotaï télékhou ‘’  « Vous vous conduirez selon mes lois » signifie , dans toutes vos démarches, ayez toujours présent à l’esprit , D.. et sa Thora ,comme    l’atteste   cette    parole : « dans toutes tes voies, connais-le » (Michée Prov chap. 3 v 6). ; ou encore, l’autorisation est accordée aux étudiants de la Thora, de la développer et de la commenter selon les nombreuses méthodes et les multiples voies qu’ils découvriront à travers leur étude assidue de la Thora. Comme il est dit dans les maximes des Pères : « Exile-toi en un lieu où l’on étudie la Thora » car on ne peut étudier chez soi préoccupé par les besoins de la maison.

Le Zohar souligne que la nature animale  ne change pas dans l’ordre naturel de son espèce ; alors que l’homme évolue et progresse d’un stade à un autre et d’un échelon à un autre .Ce qui différencie l’homme de la bête, c’est cette faculté d’évoluer au cours de la vie et de faire de son existence un long parcours, un cheminement permanent. Les grands Maîtres du hassidisme arguent que non seulement l’homme est capable d’un épanouissement constant, mais que l’homme en marche est le reflet réel de  l’image idéale de l’homme.

Rabbi Lévy Itshaq de Bertidchev écrit à propos  de l’expression dans notre verset ’Im Béhoukotaï  télékhou ‘ l’homme juste est qualifié d’ être en marche.  C’est ce qui permet à nos Sages  de dire : une mitzva en entraîne une autre, tel un pas qui en appelle un autre.

Et c’est à ce propos que le Talmud  (Meguila 28b)   rapporte : « dans la maison d’étude d’Eliayahou le prophète, on a enseigné : ‘’celui qui étudie les lois de la Thora chaque jour est assuré du monde futur ‘’ comme dit le prophète Habacuc (III-6)’’ce sont des chemins éternels pour lui’’ ne lis pas ‘’chemins’’ mais ‘’lois’’  » . Il ressort de là, que ’’Lois’’’ et ‘’Chemins ‘’ sont dérivés de la même racine ‘’Halokh’’ ; ainsi donc les lois de la Thora interprétées par les Sages du Talmud, comportent une notion d’évolution , de mise à jour,  et d’adaptation . La Loi juive, la ‘’Halakha’’ se veut dynamique . Il faut l’ étudier chaque jour, pour en gravir les échelons.

Rabbi Yéhouda Arié Leb de Gour a creusé encore d’avantage cette idée en proclamant, l’homme est appelé ‘’ l’Etre en marche’’, aussi l’expression ’Im Béhoukotaï télékhou ‘’ indique que toute démarche de l’être , soit réalisée par le biais de la Thora, et que l’intention dans l’Etude ne soit pas motivée par la soif du savoir ,de la connaissance que l’on désire acquérir uniquement, mais par la volonté constante de parvenir, au moyen de l’occupation assidue de l’étude de la Thora, à accéder à un niveau plus élevé. C’est pourquoi, même s’il ne comprend pas il doit néanmoins  se donner de la peine dans l’étude parce qu’il lui est cher de méditer les paroles de l’Eternel, même s’il ne peut se réjouir d’en connaître toujours le sens, le fait même de sa démarche comporte une valeur en elle, même s’il n’atteint pas le but assigné. 

Et le fait que cette proposition de la Thora ‘’Im Béhoukotaï télékhou‘’ s’applique en rapport avec les statuts de lois, les ‘’Houkim’’ dont la raison échappe à notre entendement, c’est  précisément parce que cette catégorie de loi dont on n’appréhende pas la motivation profonde et que l’on ne peut atteindre que partiellement et faiblement, réclame de nous d’avantage encore , de scruter plus profondément le texte, pour en découvrir le sens . Voilà pourquoi ces lois exigent une démarche, ce qui dénote un effort soutenu, car si l’étudiant sait à l’avance qu’il ne parviendra pas au terme de sa quête, il demeure néanmoins, le grand mérite de l’étude. Comme dit Rabbi Abraham  Shimouel Benyamin Soffer, en réponse à la question relative à l’énoncé de la bénédiction précédant l’étude de la Thora au réveil le matin ‘’, de s’occuper des paroles de la Thora’’ et non ‘’d’étudier la Thora’’. Le fondement de la prescription réside donc , dans l’effort que la personne investit dans l’étude, et dans la recherche et la réflexion de chaque enseignement. C’est à cela  également que fait allusion Rachi dans son commentaire, en disant à propos de notre verset ‘’que vous soyez affairés dans l’étude de la Thora’’. En d’autres termes, que cette étude soit tel un ouvrage qui exige une endurance et une épreuve. Ce n’est nullement la connaissance qui est fondamentale, mais bien l’occupation assidue de l’étude et de  tout l’effort qu’elle réclame. 

Le Talmud traité kedouchine  rapporte à propos  de l’importance de l’étude de la Thora, la question qui s’est posée devant Rabbi Tarphon et les Sages réunis à Loud. A savoir, s’il faut accorder la priorité à l’étude où à l’action. Rabbi Tarphon dit : c’est l’accomplissement des œuvres qui prime. Et Rabbi Akiva dit : c’est l’étude qui prévaut. Les Sages et les Anciens qui les entouraient déclarèrent unanimement, l’étude a plus d’importance. Elle a la primauté non seulement pour sa valeur intrinsèque, mais parce qu’elle amène à la réalisation. En d’autres termes, le mode de vie, tel que la Thora le préconise accompagné d’un cheminement dans l’étude est soumis à la valeur absolue du service divin .Rappelons enfin l’enseignement de la première michna du traité Péa que nous évoquons chaque matin dans notre prière. Celle-ci nous enseigne, voici les choses auxquelles, aucune limite n’a été fixée par la Thora. Le coin du champ non moissonné, que le cultivateur réserve aux pauvres, les prémisses, premiers fruits offerts au Temple à Chavouoth, la prescription de pèlerinage à l’occasion des Trois fêtes Pessah, Chavouoth et Souccoth à Jérusalem, les actes de charité et l’étude de la Thora. Ces cinq mitzvoth sont laissées à l’appréciation de chaque individu. De plus, loin de nuire, nos Sages estiment que l’excès en l’application de ces mitzvoth est bénéfique. Et l’étude de la Thora en fait partie, parce que celle-ci est par nature infinie.Un autre texte extrait du talmud traité chabbat 127, nous enseigne que, si la Thora considère que l’on ne doit pas attendre la récompense pour les mitzvot, cinq d’entre elles font exception, car elles exigent un grand degré d’abnégation et d’amour pour D.. et les hommes. Aussi, la récompense qu’elles procurent à l’homme qui les accomplit, ne représente que les intérêts dans ce monde, alors que le capital de la récompense lui est réservé dans le monde futur. Le respect dû au père et à la mère, les actes de charité, les visites aux malades, l’hospitalité, le lever matinal à la synagogue, l’instauration de la Paix entre l’homme et son prochain, entre l’homme et son épouse et l’étude de la Thora par-dessus tout.

 

Kaddoch 

Le radical ‘’kaddoch’’ se trouve mentionné dix-neuf fois dans la section de la Thora ‘’Behoukotaï’’ qui clôture le livre du Lévitique, où ce terme précieux est mentionné cent trente-cinq fois. 

La Thora n’a pas révélé de manière explicite la signification précise de la notion de Kedoucha, cependant ce vocable s’est largement répandu; aussi, il est habituel de dire : faire un kiddouch, réciter le kaddich, dire la kédoucha, donner les kiddouchine à une femme.

De telles expressions sont usitées couramment, comme si la signification du terme ‘’kaddoch’’ nous était bien acquise ; alors que  le concept ‘’kaddoch’’ est transcendantal, et qu’à l’instar du terme ‘’Elokim’’, il échappe à notre entendement. Il en va de même en ce qui concerne les antonymes, les synonymes et les paronymes du mot‘’kaddoch’’.  De même, nous n’avons pas une connaissance très précise, du terme ‘’houline – profane’’, ou ‘’hiloni – laïc’’, à l’exemple de la mention ‘’tahor – pur’’ et son opposé ‘’tamé – impur’’, dont le sens demeure imprécis. 

Pour dissiper quelque peu cette pénombre autour du mot ‘’kaddoch’’, examinons quels sens il recouvre dans un panel de versets glanés à travers la Bible, où il apparaît sous différents aspects:  soit,l’image d’une élévation, d’un élément insaisissable,  le D… saint, terrible, le saint qui embrase, le juste , l’élu de D…, le Saint béni soit-Il , etc… ; par ailleurs,  le nazir est qualifié de saint , le peuple d’Israël , le prophète , le chabbat est saint , les fêtes , l’année jubilaire , les offrandes , les cieux, la ville de Jérusalem , le Temple , la Thora.

Remarquons que les six premières références citées font apparaître les particularités principales de l’élément consacré : l’élévation, le mystère, le redoutable, l’embrasement, l’équité, et l’élection par l’Eternel. Ces attributs font ressortir la distinction fondamentale de la sainteté de toutes les autres manifestations qui interviennent dans le domaine profane. La suite de l’énumération précitée désigne les éléments considérés comme étant revêtus d’un caractère sacré, lesquelles se retrouvent  dans les six premiers attributs. En d’autres termes, le Saint béni soit-Il, le nazir, le prophète, le chabbat, les fêtes, le jubilé, les cieux, Jérusalem, le Temple, la Thora, tous sont élevés et distincts de l’existence profane quotidienne. La signification de la notion -saint- suivant des méthodes d’interprétation diverses, se présente ainsi.  Dans ‘’La concordance’’ de Iben Chouchane,  le synonyme du mot ‘’kaddoch’’ est le mot ‘’nizgav- suprême, élevé, supérieur’’. Et cependant, ces notions ne s’identifient pas communément au mot ‘’kaddoch’’. 

Pour en saisir le sens, et la portée, d’aucuns proposent de traduire le mot ‘’kaddoch’’, par son contraire = profane. Cette démarche serait excellente si la signification précise du mot ‘’holine (profane) nous était bien connue. La version en des langues étrangères, ne nous est pas non plus d’un grand secours.  De plus, même placée dans le contexte où il apparaît, la signification du mot ‘’kaddoch’’ n’est pas pleinement satisfaisante. 

En effet, si l’on établissait une liste analytique des attributs de ce concept, on obtiendrait la classification suivante :

1)kaddoch désigne un état permanent, fixe, très difficilement changeable.

2)Sur le plan cérémonial, le sacré indique l’attachement scrupuleux au moindre détail.

3)il signale le fait d’appartenir à une réalité distincte et différente de l’existence habituelle, celui d’être soumis à un statut différent par rapport à ce qui est commun aux autres.

4)le sacré est isolé et mis à l’abri des influences qui risquent de lui porter atteinte et de le dénaturer

5)le saint exprime et traduit les sentiments qui animent des personnes d’exception qui mènent une vie contemplative, en retrait du monde.  

6)kaddoch fait écho  également au sentiment d’une dépendance à une sensibilité spirituelle

7)il traduit le sentiment d’un destin en vue d’un épanouissement et d’un développement

8)il s’inscrit dans l’émotion provoquée par la contemplation de l’univers et des forces qui le gouvernent

9)kaddoch reflète le sentiment d’une présence divine

10)il signifie le lien au domaine spirituel transcendantal en se libérant du monde matériel

11)il apparaît tel le sentiment d’une élévation et d’une joie

12)il concourt à la splendeur, à la magnificence de la modestie .

13)la sensation de la nécessité et de l’obligation de rendre grâce à l’Eternel. 

14)une sensation débordante de ‘’numinosum’’.

Nous nous contenterons de traiter le premier et le dernier de ces attributs de sainteté. 

La définition qui apparaît en premier, souligne que ce qui est qualifié de saint, demeure solidement fixé en cet état, de manière permanente, et qu’il ne peut souffrir d’aucun changement. Ainsi par exemple, en ce qui concerne la loi, la halakha, de nombreuses personnes habitées par des sentiments profondément religieux, s’opposent instinctivement et énergiquement, à l’idée même de discuter d’un élargissement éventuel, ou d’une ouverture de la loi. Même les spécialistes en la matière préfèrent traiter d’enchaînements que connaît la loi, pour éviter d’évoquer le mot développement ou ouverture, qui heurterait certains esprits. 

Notons que les changements intervenus dans ce domaine, sont dans la majorité des cas, minimes, d’une grande lenteur, et peu significatifs. De nombreuses personnes nourrissent le sentiment que toute intrusion dans les termes de la loi, porterait atteinte à celle-ci et ternirait son caractère sacré.  C’est ce qui explique qu’une tradition acquise subsiste à travers le temps et l’espace, même si les raisons qui la sous-tendent ont disparu. Le cachet du sacré a une telle emprise, que la tradition garde sa force de loi, sa validité et son application ; ce qui n’est pas de même pour une loi profane, sujette à des variations. 

Le dernier point mentionné dans notre analyse met en relief le sacré pris comme un adjectif, emprunté pour désigner le bien, l’éthique, la droiture ou la vérité absolue. Ce sont là des notions profondément rationnelles ; alors que le sens originel et premier de ce qui est saint c’est en réalité le sentiment qui échappe à tout fondement basé sur une analyse rationnelle, ce  que l’on nomme tabou ou ‘’numinosum’’. 

Ce terme traduit une sorte de conviction intime et totale, qui procure le sentiment de sainteté de par la foi qui anime la personne. Il s’agit au fond, d’un état d’âme qui ne peut se traduire par des mots. 

R.Otto s’efforce de décrire et d’expliquer cette catégorie particulière de la sainteté qu’il appelle ‘’numinosum’’ et qui, selon ses dires, traduit une sensation de sainteté originelle, complètement irrationnelle et sans aucun lien au bien et à l’éthique humaine. 

Le ‘’numinosum’’ ne résulte pas de la peur ou de la crainte du redoutable, ni d’un sentiment de dépendance physique, ou d’une complète impuissance, d’un sentiment de confiance absolue, d’un amour entraînant, ou d’une considération débordante. 

C’est pourquoi, R.Otto résume cela en disant que l’expérience religieuse ou la sainteté, c’est le sentiment d’une présence objective beaucoup plus forte que les sentiments psychologiques bien connus. 

Soulignons enfin, que le ‘’Soyez saints parce que Je suis saint’’ énoncé dans la Thora, exige une pureté identifiée avec les règles du culte que D… agrée. 

Se sanctifier, c’est se mettre dans les conditions qui permettent d’approcher D… . 

Par ailleurs, les prophètes proclament que D… révèle sa sainteté par la justice, et que la sainteté de l’alliance conclue avec Lui, exige une droiture et une pureté morale. 

Enfin, selon le Talmud, l’observance de la Thora, fonde la sainteté du peuple juif. Ainsi donc, le peuple saint est celui qui étudie la Thora pour la connaître.

 

Le choffar  

Le sens profond des différents sons du choffar trouve de nombreuses explications dans le Talmud. Comme toutes les autres mitzvoth de la Thora, celle-là est riche en valeurs morales et spirituelles. Rabbi Saadia Gaon a énuméré différentes explications qui résument toutes les opinions pertinentes de nos Sages. D’abord la sonnerie du choffar est un hommage au roi de l’univers au jour anniversaire de la création du monde. Ensuite le son de la corne de bélier est un avertissement tout à fait de circonstance au début des dix jours de pénitence, une invitation à un retour sur soi-même, à un examen de conscience, à une introspection. Troisièmement, ce rite doit nous rappeler l’appel puissant du choffar qui a résonné sur le mont Sinaï lorsque la Thora nous fut donnée, afin que comme nos pères, nous soyons prêts à tout moment à observer la loi. Quatrièmement, la corne de bélier évoque la ligature d’Isaac. Cinquièmement, le son du choffar évoque le grand jour du jugement. Sixièmement, il doit raffermir dans nos cœurs l’espoir d’une réunion de tous les dispersés d’Israël.

Mais il demeure que la plus grande signification attribuée à cette mitzva, à ce commandement d’entendre le son du choffar, est l’absence de toute explication, la négation de toute raison. C’est en cela même que réside la nature propre de cette mitzva, car en effet, la Thora nous donne l’ordre de sonner du choffar mais ne mentionne aucune raison, aucune signification. Il apparaît donc que la mitzva d’entendre le choffar est un  statut de loi.

Quel est alors le message transmis par le choffar ?  C’est pour nous enseigner que le devoir nous incombe d’écouter et de respecter les statuts de la Thora, à l’exemple du choffar, comme les ordonnances logiques. Notre pratique religieuse ainsi que notre conduite ne doit pas être soumise à l’examen de la raison en fonction de laquelle nous respecterons telle ou telle mitzva. La pratique des mitzvoth doit être à l’exemple type de la mitzva  du choffar qui consiste à entendre le son du choffar. Avec votre permission, je joindrai aux nombreux messages transmis par le choffar, un appel pressant à votre collaboration pour l’édification de la communauté de demain. La jeunesse fait défaut à notre communauté. Pourtant, des cours d’hébreu moderne, d’histoire juive, biblique et contemporaine ainsi qu’une étude des valeurs religieuses et morales lui sont offerts, au sein de notre communauté. Sans la participation de vos enfants à notre vie communautaire, tant sur le plan religieux que sur le plan de l’étude, la communauté somnole.

Puisse le peuple juif, individuellement et collectivement, puisse l’humanité entière se diriger vers la solution des problèmes de notre temps et trouver la paix. 

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.